Introduction

Dans le cadre de notre propos nous allons nous concentrer sur les portefeuilles d’assurance vie et l’utilisation des multi strip swaptions pour montrer leur utilité contre la remontée des taux longs même si ce n’est pas une perspective à court terme.
La situation actuelle du marché des taux obligataires peut se résumer de la manière suivante:

  • Des taux historiquement faibles et même très bas
  • La rémunération des contrats d’assurance vie baisse d’année en année et reflète donc la baisse générale des taux du marché.

Position des portefeuilles vie :
La structure fiscale permet au souscripteur une sortie sans charges ou taxes (hors CSG/RDS) au bout de 8 ans. Les souscripteurs ont la faculté de récupérer leurs avoirs et de sortir sous un très faible préavis.
Toute sortie implique :

  • un client perdu (un nouveau client coûte à recruter : investissement marketing et commercial)
  • risque de déstructuration (légère) du portefeuille :
    à Consommation de réserves
    à Modification de la duration / convexité du portefeuille

Dans ce cadre, du point de vue de la gestion du portefeuille le risque se situe au niveau de la hausse des taux (même si ce risque n’est pas visible dans les mois à venir)
Les multistrip swaptions sont un instrument de couverture approprié et relativement peu coûteux.

Les swaptions

Le propos n’est pas de présenter en détail l’instrument en tant que tel mais de montrer son utilité dans le cadre de la gestion d’un portefeuille d’assurance vie. Pour résumer, une swaption est un contrat OTC permettant de nouer un swap futur entre deux références de taux contre le paiement d’une prime. Nous n’allons pas décrire la mécanique financière dans les lignes qui suivent. Il convient de retenir qu’une swaption est un instrument de couverture d’un portefeuille de taux.

Dans notre cas nous allons tout d’abord restreindre notre périmètre aux contrats de swaption avec cash settlement à la date d’échéance (date d’exercice) ; c’est-à-dire qu’à la date fixée au contrat (généralement annuelle) et dans une situation d’exercice le swap sous-jacent n’est pas noué mais les contreparties procèdent à un échange de numéraire. Cet échange assure donc le flux de couverture.

Les multi strip swaptions

Une swaption est un contrat à horizon unique (la date d’échéance), c’est donc un instrument d’action ponctuelle. Pour un portefeuille complet avec une vision pluriannuelle nous allons parler maintenant des contrats multistrip swaptions. Ce contrat propose sur une suite d’échéances annuelles de différents niveau de taux fixes d’exercice contre la référence variable ; la prime fixe étant réglée une fois l’an.

Par exemple, nous fixons contre l’Euribor 6 mois la suite de taux fixes suivante pour un horizon de couverture à 4 ans:

Strike d’engagement3%3.5%4%4.5%5%Prime payée (-)

En fonction de l’évolution des taux (pente de la courbe des taux Euribor 6 mois, CMS,…) nous définissons donc les niveaux de déclenchement de l’exercice en règlement numéraire immédiat.

Les multistrips swaptions spread

Le souci principal de cette stratégie est son coût ; la prime unique peut atteindre des montants importants donc hors de proportion avec l’objectif proposé.
La manière la plus élégante de contourner partiellement ce fait est de recourir au multi strips swaption spread.
L’opération correspond à être en position inverse sur des strikes d’un niveau supérieur comme ceci :

Strike d’engagement 3%3.5%4%4.5%5%Prime payée (-)
Strike inverse 4%4.5%5%5.5%6%Prime reçue (+)

(Pour valeur d’exemple le pas fixé est de 100 bp)
Dans le cas de cette structure la couverture est donc moins parfaite, mais le coût de la prime globale est fortement diminué (Prime payée – Prime encaissée).
Un tableau complet nous donne :

Echéance01/09/1501/09/1501/09/1701/09/1801/09/19
Strike fixe +3%3.5%4%4.5%5%
Strike fixe –4%4.5%5%5.5%6%
Réf VarEurib6mEurib6mEurib6mEurib6mEurib6m
Nominal1 M€1 M€1 M€1 M€1 M€

Traitement administratif et comptable

Cette structure est négociée en bloc sur le marché.
D’un point de vue comptable l’enregistrement peut-être également unique mais un enregistrement détaillé est plus efficace. En effet pour les services annexes, le détail en ligne à ligne est très important. D’une part pour le service des risques (Solvency II) car ces opérations diminue les fonds propres nécessaires, pour le service reporting et de même pour la gestion. En effet l’impact des chocs à la hausse des taux sont diminués, le système est neutre à la baisse du fait d’une prime unique en cash. Pour les divers reportings à établir, le détail permet d’afficher distinctement les dates et points de couverture : communication avec la hiérarchie interne comme vers les clients dans le cas de mandats dédiés.

Stratégie de couverture

Détermination de la part du portefeuille à couvrir : le plus simple est de couvrir l’ensemble du portefeuille J !
C’est une solution idéale mais une solution de ‘riche’ car vite couteuse. La prime payée diminue la rémunération versée aux porteurs.
Sinon, il convient de raisonner en part de contrats client arrivés à maturité ou à maturité dans 1 an (ou 2ans) dans le portefeuille. Cette proportion donne la part du portefeuille à couvrir.

Prenons un exemple :

  • Valeur du portefeuille : 100%
  • Contrat client de plus de 8 ans : 11%
  • Contrat client à échéance dans 1 an : 3 %

Par raisonnement simple nous pouvons donc décider de valider la couverture de 15% du portefeuille.

Le deuxième axe à prendre en compte pour la décision de couverture est le moment de mise en place de cette stratégie.
En effet la position de la courbe des taux au moment de la négociation déterminera le coût global mais il faut surtout se place dans une vision à plus long terme. Actuellement le niveau des taux et les perspectives à un an (au moins) n’incitent pas vraiment à agir. Par contre il faut être en veille est être capable d’entrer en action dès que l’environnement changera.

Valorisation

L’instrument est négocié en bloc (one shot) sur le marché face à une contrepartie (cette contrepartie doit bien évidemment remplir les critères de risques nécessaire) donc il convient d’inclure dans le contrat qu’elle devra fournir une valorisation mensuelle (le cas le plus largement répandu). Pour respecter les règles en vigueur une contre-valorisation doit être effectuée en interne pour confrontation et pour tout écart supérieur à par exemple 2%, vérifier et confronter les prix. Cette valorisation globale devra être éclatée pour chaque branche, la méthode la plus simple est d’affecter le prix global prorata temporis sur les échéances restantes la pondération étant inversement proportionnelle à la durée de vie. L’échéance la plus lointaine est la plus chère du fait de la valeur temps et de la volatilité.

Caractéristiques du contrat

Le plus simple est de mette en place un contrat de type ISDA avec la contrepartie et les éléments de ce contrat à intégrer dans les systèmes référentiel sont :

  • Date de conclusion du contrat et donc par année la date de paiement de la prime
  • Premium ou prime à payer
  • Dates d’échéances
  • Niveaux des pattes fixes (Strikes)
  • Référence de taux variable (Source et heure de relevé)
  • Type du contrat : Européen
  • Type d’exercice : Cash settlement
  • Devise du contrat
  • La référence interne du swap sous-jacent (voir ci-dessous)
  • Convention de calcul  (ex : 30/360)
  • Règles de calcul des appels de marge (éventuellement)
  • Agent compensateur (éventuellement)

Pour répondre aux besoins des systèmes comptables, risques et reportings, les (pseudos) swaps sous-jacents et ce même s’ils ne sont jamais engagés dans cette structure doivent être créés dans les référentiels. Les swaps sous-jacents sont à créer comme n’importe quel swap de taux standard.

Solutions

En ce qui concerne les systèmes IT :
Les systèmes (IT) actuels permettent de gérer les multi strip swaptions ; voici par exemple ces éditeurs :

  • SMARTCO 
  • SAP
  • LINEDATA CHORUS