Les méthodes de gestion de projet agiles ont largement fait leurs preuves, notamment dans les projets informatiques, depuis leur apparition dans les années 1990. Elles sont désormais très répandues et appréciées pour les nombreux avantages qu’elles amènent, notamment en termes de gains de temps et de productivité. En revanche, ce n’est que depuis quelques années que des établissements comme les banques de marché s’y intéressent. Si elles n’adoptent pas nécessairement l’intégralité d’une méthode agile, certains concepts sont néanmoins retenus. Qu’apportent donc réellement les méthodes agiles aux banques de marché ?

Une découverte plutôt tardive

Alors qu’elles sont apparues pour la première fois dans l’industrie informatique dans les années 1990, les méthodes agiles ne sont encore que peu adoptées par les banques de marché. Pourquoi ces sociétés, souvent associées à une image plutôt dynamique, innovante et apparaissant comme tournées vers l’avenir, semblent-elles ne découvrir les méthodes agiles que depuis quelques années ? Leurs besoins en termes de développements logiciels sont pourtant très élevés, avec généralement une importante complexité, tant du point de vue des processus métier que de la sécurité. Certes, les banques de marché ont souvent la réputation d'employer des développeurs talentueux, mais ça ne suffit pas.

Les banques de marché doivent en revanche faire face à plus de contraintes opérationnelles et de règles de régulation que n’en connaissent les sociétés issues de l’industrie informatique. Ces contraintes et ces contrôles, mis en place pour s’assurer que les règles strictes gérant ces entreprises soient respectées, pourraient donc freiner la mise en place de nouvelles méthodes, et expliquer pourquoi les méthodes agiles ne percent dans ce domaine que depuis quelques années seulement, et à une allure beaucoup moins soutenue que dans d’autres domaines.

D’autre part, le Manifeste agile qui définit les douze grands principes de la méthodologie peut très bien ne pas être appliqué à la lettre. La transformation vers une méthode agile peut donc se faire par étapes, tous les principes agiles n’étant pas nécessairement appliqués à la lettre et de façon exhaustive. L’introduction de l’agilité au sein des banques de marché se fait donc de façon assez hétérogène et est propre à chaque entreprise. Néanmoins, une fois le virage pris, on ne peut que constater que l’abandon progressif des anciennes méthodes de gestion de projet au profit des méthodes agiles apporte de nombreux avantages.

Par exemple, la souplesse apportée par une méthode agile permet de gérer efficacement tous les imprévus. Le projet est découpé en étapes courtes, avec un objectif précis. A l’issue de chaque étape, les livrables sont testés. Si le résultat est positif, on passe à l’étape suivante, sinon, l’équipe de développement corrige les problèmes avant de continuer. Si des changements surviennent au niveau de la demande ou de la structure de l’équipe, les objectifs sont modifiés en conséquence.

La souplesse des méthodes agiles facilite la gestion des imprévus
La souplesse des méthodes agiles facilite la gestion des imprévus.

Au final, une méthode agile va amener de la souplesse pour la gestion du projet, une plus grande qualité des livrables puisqu’ils sont testés en continu, et une meilleure maîtrise du budget global.

Des règles et des contrôles automatisés pour une meilleure maîtrise

De nombreuses règles régissent les banques de marché, qui s’appliquent jusqu’au cœur des projets informatiques. De nombreux contrôles et validations sont mis en place à différents niveaux, car tout manquement à une règle peut coûter très cher par la suite à la société.

La méthode "en cascade" reste très utilisée dans les banques
La méthode « en cascade » reste très utilisée dans les banques

En ce sens, une méthode classique comme « Waterfall » peut être rassurante. Cette méthode appelée aussi « en cascade », ou encore « cycle en V » consiste à suivre de façon séquentielle des étapes prédéfinies, de l’analyse des besoins à la réalisation et à la maintenance du produit, en passant par la rédaction des spécifications fonctionnelles, le montage budgétaire et la planification complète des développements. L’ensemble des étapes est planifié et l’intégralité des livrables sont validés et testés avant d’être livrés. Il peut parfois y avoir de nombreux processus de validation, et on ne peut passer à la phase suivante que lorsque 100% de la solution développée est validée. Un contrôle total, et rassurant, s’applique donc.

Est-ce l’une des raisons pour lesquelles l’agilité peine parfois à faire son chemin dans ces entreprises ? Sans aucun doute. Lors du passage à une méthode agile, on peut parfois avoir l’impression de perdre une partie du contrôle. En effet, les décisions ne sont plus aussi centralisées et les équipes font preuve d’autonomie. Est-ce pour autant une faiblesse ? La qualité finale diminue-t-elle ? Non bien sûr.

En revanche, l’utilisation d’une méthode agile va permettre de découper ce qui était alors un gros projet, en plusieurs plus petits, mieux ciblés, et finalement mieux maîtrisés. Un cycle court de livraison, une plus grande implication des équipes comme des utilisateurs finaux qui entrent dès le début dans le processus de validation, un processus itératif… autant d’éléments agiles qui au final vont permettre de mieux maîtriser le développement et la qualité du code produit, d’améliorer la productivité et de réduire les délais.

D’autre part, « agilité » ne signifie pas « moins de contrôle ». Les contrôles et les validations seront toujours aussi nombreux et contraignants. Par contre, la majeure partie d’entre eux pourra être automatisée, libérant ainsi du temps pour ceux qui en avaient la charge jusqu’alors. Le fait de pouvoir livrer des parties applicatives rapidement et fréquemment permet un pilotage plus fin. Une anomalie ou une erreur de conception est ainsi plus rapidement repérée, et corrigée avec un coût bien inférieur à ce qu’il aurait été si le problème avait été repéré en fin de projet. Grâce à des revues régulières, les utilisateurs finaux peuvent valider ou invalider en quelques minutes les développements en cours, et réorienter ainsi les développements si nécessaire. On obtient donc une flexibilité qui n’aurait jamais pu être atteinte avec une méthode comme « Waterfall ».

La mise en place de l’agilité

Il y a encore du chemin avant que les méthodes agiles ne deviennent la norme dans les banques de marché. Il ne s’agit pas uniquement d’introduire une nouvelle méthode de gestion, mais bien de changer les mentalités, ce qui est généralement autrement plus compliqué.

L’introduction et l’application des principes du Manifeste agile dans une entreprise n’est pas une chose à prendre à la légère, car cela change la façon de faire des gens, mais aussi leur façon de penser. Beaucoup risquent de s’accrocher à leurs habitudes, et freiner l’adoption de l’agilité.

Les méthodes agiles, c'est avant tout un changement d'état d'esprit
Les méthodes agiles, c’est avant tout un changement d’état d’esprit

Il est donc important dès le départ d’expliquer clairement la stratégie mise en place, et montrer comment, d’un point de vue pratique, sur le terrain, vont se mettre en place les bases de l’agilité. C’est seulement une fois ces informations assimilées que les processus existants pourront être réellement basculés vers une méthode agile, avec tous les outils de communication, de partage et d’entraide nécessaires. Ce n’est que lorsque l’esprit agile, plus encore que la méthode, sera adopté et répandu dans l’entreprise, que le succès et que les bénéfices apparaîtront. Il faut donc acquérir les principes agiles du Manifeste avant toute chose, et s’intéresser ensuite à une méthode particulière, Scrum, Kanban ou une autre encore. Essayer d’appliquer telle ou telle méthode alors que les principes agiles ne sont pas encore compris serait une perte de temps et largement contre-productif. L’implication du personnel est un pré-requis essentiel pour la mise en place de l’agilité au sein de l’entreprise.

Pour conclure

Là où « Waterfall » se limite à une méthode de gestion de projet, l’agilité tient plus de la culture et de la mentalité. Les changements doivent se faire en douceur de façon à d’abord faire accepter les principes d’agilité avant de choisir la méthode à mettre en place. C’est sans doute parce que l’agilité oblige à changer sa vision du monde en quelque sorte, qu’elle progresse si lentement dans les banques de marché même si son acceptation augmente rapidement depuis quelques années.