Définition
Le règlement-livraison désigne la phase finale du processus d’achat-vente de titres, qui va permettre, par l’échange simultané des titres contre les espèces, de finaliser le transfert de propriété issu de la négociation entre l’acheteur et le vendeur. Le règlement-livraison consiste à matérialiser dans les comptes des deux parties chez leurs dépositaires respectifs le transfert de propriété issu de la transaction négociée.
Les données
Au terme du processus de négociation, et après l’éventuelle étape de compensation, d’une transaction sur titres (achat-vente, mais aussi prêt-emprunt, pension livrée, dépôt de garantie etc.), les parties conviennent d’un échange dont tous les termes sont définitivement connus :
- Identification du titre : il existe quantité de codifications mais le code ISIN (International Securities Identification Number) s’impose de plus en plus comme standard international ;
- Quantité de titres : il existe communément deux façons d’exprimer les quantités :
- En nombre de titres : c’est le mode d’expression utilisé pour les actions ;
- En nominal : la quantité est exprimée sous forme d’un montant. C’est le mode d’expression utilisé pour les titres obligataires.
- Devise et montant : le plus souvent le montant correspond (plus ou moins) au cours du titre multiplié par la quantité. La transaction se termine dans ce cas par une livraison contre paiement (l’acheteur remet la somme convenue, le vendeur remet les titres). Mais on peut également convenir de s’échanger les titres sans contrepartie espèces (FOP, Free Of Paiement), ce qui ne veut pas dire que celui qui livre les titres le fait gratuitement, mais que les espèces circuleront par un autre canal !
- Date de négociation : c’est la date à laquelle les deux parties se sont engagées.
- Date de règlement-livraison : c’est la date à laquelle on convient que les actifs (titres et espèces) seront effectivement transférés. En fonction du mode de négociation (de gré à gré ou via un marché réglementé) et de l’éloignement des parties (marché local ou marché international) le délai entre la négociation et le règlement-livraison peut varier de zéro à trois jours.
Ces informations constituent les critères d’appariement du règlement-livraison qui va avoir lieu.
Les acteurs
Le schéma ci-dessous montre les différents acteurs qui interviennent dans le processus de règlement-livraison en reprenant la terminologie utilisée dans les messages SWIFT qui constituent le standard du marché dans ce domaine.
La place of settlement
La « place of settlement » désigne le dépositaire central des titres. Le dépositaire central est un acteur très important : il est le seul, pour une émission de titres donnée, à connaître le nombre total de titres en circulation. On dit qu’il tient le compte émetteur du titre.
Par ailleurs, il tient également les comptes d’intermédiaires de 1 er niveau, qui agissent en tant que dépositaires locaux pour ce titre. La finalité du règlement-livraison sur ce titre est acquise par l’enregistrement d’un transfert de compte à compte entre 2 dépositaires locaux dans les livres du dépositaire central.
Enfin le dépositaire central est généralement l’opérateur d’un système d’information qui permet de traiter automatiquement les opérations de règlement-livraison ainsi que les OST (opérations sur titres) sur les titres dont il est le dépositaire.
En France le dépositaire central des titres est Euroclear France (ex SICOVAM). Euroclear France opère un système de règlement-livraison connu sous le nom de RGV, ce qui signifie RELIT (comme REglement LIvraison de Titres) Grande Vitesse. La plupart des grands établissements bancaires français, mais aussi un certain nombre d’établissements étrangers sont affiliés (c’est-à-dire titulaires d’un compte titres) à Euroclear France et agissent en tant que dépositaires locaux pour les titres émis en Euroclear France.
Les delivering agent » et receiving agent
Les « delivering agent » et « receiving agent » désignent, justement, les dépositaires locaux qui interviennent dans la transaction. Le terme « agent » indique, dans la terminologie SWIFT, qu’ils interviennent en tant qu’intermédiaires du règlement-livraison. Ils n’enregistrent ni le transfert définitif de propriété : c’est le rôle du dépositaire central, ni l’acquisition ou la cession des titres par leurs détenteurs finaux : c’est le rôle des custodians.
Ils agissent pour le compte de ces derniers. Ainsi, ils tiennent les comptes des custodians et leur donnent l’accès au système de règlement-livraison du dépositaire central.
Les delivering custodian et receiving custodian
Les « delivering custodian » et « receiving custodian » désignent les teneurs de compte conservateurs respectivement du vendeur et de l’acheteur. Le custodian est un prestataire de services qui se charge pour le compte d’un investisseur final de tenir ses comptes titres et espèces, de veiller au règlement-livraison de ses transactions sur titres et de traiter pour lui les opérations sur titres (coupons, dividendes, augmentation de capital, …) qui interviennent sur son portefeuille.
Comme dans le cas le plus général l’investisseur final est susceptible d’opérer sur tous les marchés de la terre, le custodian s’appuie sur un réseau de dépositaires locaux (les « agents » ci-dessus) pour avoir accès à chaque dépositaire central.
Le buyer et le seller
Le « buyer » et le « seller » enfin, désignent les 2 parties qui ont négocié la transaction de départ. Les termes « buyer » et « seller » ne doivent pas être pris au sens strict. L’un s’est engagé à livrer les titres (seller) et l’autre à les recevoir (buyer). Quant à l’opération sous-jacente elle peut être par exemple être :
- Un achat-vente effectivement, ce qui ne veut pas forcément dire que l’un et l’autre ont des rôles totalement symétriques. Bien souvent l’une des 2 parties est un investisseur final (un gérant de fonds par exemple) tandis que l’autre est un intermédiaire de marché (un broker, en France une entreprise d’investissement) qui ne garde pas les titres en portefeuille mais les achète pour les revendre.
- Un prêt-emprunt de titres ou une pension livrée : dans ce cas la cession des titres n’est pas définitive et il y a un engagement des 2 parties de procéder le moment venu à l’échange inverse.
- Un dépôt de garantie ou collatéral : de façon similaire, l’échange n’est pas définitif. Le « buyer » reçoit les titres en garantie d’un prêt qu’il a octroyé au « seller » mais lui restituera à terme la même quantité du même titre.
Un petit point sur le vocabulaire avant d’aller plus loin. Suivant les pays ou même suivant les établissements au sein d’un même pays (ainsi que sur ce site !) on n'emploiera pas toujours les mêmes termes pour désigner le même acteur.
- Sur le « buyer » et le « seller » il n’y a pas trop d’ambiguïté, encore que :
- Comme on l’a vu, le transfert de propriété entre les deux peut ne pas être définitif
- En général, on se place soit du point de vue de l’un des deux : dans ce cas par exemple le Buyer c’est « nous » et le « Seller » c’est la contrepartie, ou le broker, soit du point de vue d’un tiers, par exemple le custodian : dans ce cas si l’on parle d’un achat par exemple, le buyer c’est le client, et le seller c’est la contrepartie du client !
- Le custodian équivaut au « teneur de comptes conservateur » ou « global custodian » ou « dépositaire (global)»
- L’agent équivaut au « dépositaire local » ou « sub custodian » ou « local custodian ».
- Le dépositaire central est appelé « place of settlement » dans la terminologie Swift, « dépositaire central », « place de dénouement » ou « CSD » pour « Central Securities Depository ».
Voyons maintenant comment se déroule le règlement-livraison proprement dit, ce qui permettra de rentrer un peu plus avant dans le formalisme Swift qu’il est assez utile de maîtriser par exemple quand on travaille dans un back-office titres ⤵️.
Les instructions
Comme on l’a vu plus haut le point de départ de l’analyse se situe après que la transaction ait été conclue : on est dans la partie « post-marché » de l’opération. À ce stade les termes de l’échange sont complètement connus c’est pourquoi on ne parlera généralement pas d’ordres, (ce terme est plutôt réservé aux ordres d’achat-vente qu’un investisseur transmet à son broker) mais d’instructions de règlement-livraison.
Chacune des 2 parties transmet à son custodian son instruction de règlement-livraison sous forme d’un message SWIFT. Les messages SWIFT sont identifiés par un code « MT » suivi d’un n° sur 3 chiffres qui caractérise le message. Tous les messages liés à des transactions sur titres ont un n° qui commence par un 5.
- Le vendeur (Seller) transmet une instruction de livrer les titres soit en franco (MT542) soit contre paiement (MT543) à son custodian.
- L’acheteur (Buyer) transmet une instruction de recevoir les titres soit en franco (MT540) soit contre paiement (MT541) à son custodian.
Chacune des 2 instructions transmises contient :
- Une référence unique qui permettra au custodian d’identifier la confirmation de dénouement qu’il retournera, la « référence client »
- Le n° de compte sur lequel le client souhaite que le custodian enregistre l’opération
- Les caractéristiques de l’opération décrites plus haut qui, véhiculées jusqu’au bout de la chaîne, serviront de critères d’appariement dans le système de règlement-livraison du dépositaire central :
- Identification du titre
- Quantité de titres
- Montant
- Date de négociation
- Date théorique de dénouement
- Le circuit de règlement-livraison, c’est-à-dire la chaîne d’intermédiaires, utilisé par la contrepartie : qui est la contrepartie, qui est son custodian, qui est l’agent de celui-ci. Il est très important de noter que chacun indique dans son message le circuit de sa contrepartie et non le sien ! Pourquoi ?
- Parce que le message est adressé à son custodian, or celui-ci sait pertinemment à quel dépositaire local il va avoir recours pour dénouer sur la place donnée. Ce qu’il a besoin de savoir, c’est qui il aura en face de lui.
- Parce que cette information est véhiculée jusqu’au système de règlement-livraison du dépositaire central, et qu’à ce niveau l’appariement des 2 instructions va se faire sur la base des parties (en l’occurrence les agents) indiquées dans les 2 instructions reçues (cf. plus bas).
Ainsi le « Seller », celui qui livre les titres, émet un MT542 (delivery free of payment) ou un MT543 (delivery against payment) dans lequel il va indiquer l’identité des intermédiaires du « Buyer » :
- L’acheteur « Buyer » (BUYR)
- Le conservateur de l’acheteur, « receiving custodian » (RECU)
- L’agent du conservateur, « receiving agent » (REAG)
- Le dépositaire central où seront conservés les titres pour le compte de l’acheteur, « place of settlement » (PSET)
Réciproquement le « Buyer », celui qui reçoit les titres, envoie un MT540 (receipt free of payment) ou un MT541 (receipt against payment) dans lequel il va indiquer l’identité des intermédiaires du « Seller » :
- Le vendeur « Seller » (SELL)
- Le conservateur du vendeur, « delivering custodian » (DECU)
- L’agent du conservateur du vendeur, « delivering agent » (DEAG)
- Le dépositaire central où sont actuellement conservés les titres pour le compte du vendeur, « place of settlement » (PSET)
Ces chaînes d’intermédiaires, avec les n° de comptes associés, constituent ce qu’on appelle les SSI « Standing Settlement Instructions », ou coordonnées de règlement-livraison en français. Les contreparties qui traitent habituellement entre elles s’échangent ce type d’informations afin de pouvoir automatiser le dénouement des transactions titres ou cash.
Dans les instructions SWIFT, les différents acteurs sont généralement identifiés par leurs codes BIC (Bank International Code). Ce code sur 11 caractères est alloué par SWIFT.
Les participants aux systèmes de règlement-livraison (intermédiaires de niveau DEAG / REAG) peuvent également être identifiés par des codes locaux spécifiques à chaque marché. En France le code local est le n° d’affilié Euroclear France, précédé du mot-clé « SICV ».
Voici les 2 instructions envoyées par les parties engagées dans notre exemple:
Le déroulement
Les instructions sont véhiculées par le réseau SWIFT de l’émetteur vers le récepteur. SWIFT utilise un réseau propriétaire sécurisé qui offre des garanties de fiabilité qui justifient sa large utilisation. SWIFT effectue des contrôles de forme garantissant qu’un message acheminé de bout en bout est correctement formaté et pourra donc être traité automatiquement par le récepteur.
Nous faisons ici comme si le réseau SWIFT était utilisé de bout en bout dans la chaîne, ce qui n’est tout de même pas systématiquement le cas :
- Beaucoup d’investisseurs finaux ne sont pas raccordés au réseau SWIFT. Leurs prestataires, des global custodian, leur mettent à disposition des lignes spécialisées ou des services de saisie d’instruction à distance, lesquels s’appuient souvent sur le formalisme SWIFT comme format d’échange.
- Beaucoup de dépositaires centraux ont une histoire beaucoup plus ancienne que SWIFT, et donc un mode de communication qui s’appuie sur un format et un réseau propriétaire. C’est le cas d’Euroclear France par exemple, qui n’offre un accès SWIFT à ses affiliées que depuis 2008, dans le cadre du projet ESES.
À réception, l’intermédiaire, global ou local custodian effectue des contrôles de fond sur le message reçu : le titre existe-t-il, le mode d’expression de la quantité est-il cohérent avec la nature du titre, les n° de comptes indiqués existent-t-ils, appartiennent-ils bien au client émetteur du message, les intermédiaires cités existent-ils bien, etc.
Certains contrôles méritent qu’on s’y attarde un peu :
Le contrôle de cut-off consiste à vérifier que l’heure de réception de l’instruction est compatible avec la date théorique de dénouement souhaitée. En effet l’intermédiaire est tributaire de ses propres intermédiaires et in fine des contraintes de fonctionnement de la place de dénouement. Il ne peut donc s’engager à dénouer à la date souhaitée que si son client lui transmet son instruction dans des délais raisonnables. Les cut-offs par place de dénouement font partie du « SLA » (Service Level Agreement) des dépositaires.
Le contrôle de provision titres et cash consiste à vérifier :
- Pour une instruction d’achat que l’acheteur détient bien les espèces lui permettant de régler son achat, encore que dans ce cas son dépositaire, un banquier, puisse-t-il lui accorder une autorisation de découvert.
- Pour une instruction de vente que le vendeur détient bien en compte la quantité de titres à livrer. Le non-respect de cette contrainte revient à faire ce que l’on appelle du « tirage sur la masse » : chez le dépositaire central, l’instruction peut très bien se dénouer quand même, si d’autres clients du dépositaire local détenaient la quantité souhaitée. Mais en définitive le dépositaire local a livré des titres qui n’appartenaient pas à son client… Le non-respect de cette contrainte est donc généralement interdit.
Le dénouement
Les instructions ayant franchi tous les obstacles cités ci-dessus, finissent par arriver chez le dépositaire central. Celui-ci procède d’abord à leur appariement (matching), c’est-à-dire qu’il va reconstituer les paires qui vont ensemble. Soit 2 instructions A et B, celles-ci sont appariées (matched) si :
- L’une est une réception et l’autre une livraison.
- L’agent contrepartie indiqué par A est l’agent émetteur de B et réciproquement.
- Les critères d’appariement indiqués plus haut sont identiques : titre, quantité, montant, date de négociation, date de dénouement.
Pour pouvoir dénouer le dépositaire doit effectuer ses propres contrôles de provision titres et cash. Dans l’hypothèse où ceux-ci sont concluants il peut transférer les titres et les espèces entre les 2 agents. Si les provisions titres et / ou cash ne sont pas présentes, les instructions restent « en suspens » (« pending ») jusqu’à ce que le dénouement soit possible.
Si les provisions titres et cash sont présentes, le dépositaire central peut alors confirmer à chaque agent le dénouement. Chacun à son tour confirme à son client custodian, qui ensuite confirme au client final. L’opération est « dénouée » (settled).
Les cas particuliers
On a décrit ici le cas générique où les chaînes d’intermédiaires sont symétriques et se débouclent chez un dépositaire central unique. En pratique ce n’est pas toujours le cas. Il y a plusieurs causes possibles d’asymétrie.
Premier exemple
Tout d’abord les deux parties n’ont pas des statuts identiques sur le marché. Par exemple, l’investisseur final peut être un gérant de fonds qui a recours aux services d’un conservateur global (global custodian). Ses SSI auront typiquement systématiquement 2 niveaux, avec en DECU/RECU ce conservateur global, puis au niveau DEAG/REAG le dépositaire local de ce conservateur global pour la place de dénouement considérée.
En face de lui, le broker est typiquement un intermédiaire de marché local. Il a accès au système de règlement-livraison local via un intermédiaire unique, qui peut d’ailleurs être lui-même : ses SSI pour cette place de dénouement n’auront qu’un seul niveau. Le DECU/RECU dans ce cas est omis.
Deuxième exemple
Un autre cas particulier intervient quand les deux parties ne conservent pas leurs titres chez le même dépositaire central. Ce cas particulier se présente entre autres fréquemment quand l’une des 2 parties conserve ses titres chez un dépositaire central international ou ICSD (International Central Securities Depository). Ces acteurs un peu particuliers agissent à la fois en tant que dépositaires centraux pour des titres dont ils gèrent effectivement l’émission, mais aussi pour des titres qui sont bien au départ émis chez des dépositaires centraux nationaux. Ils sont au nombre de 2 : Clearstream Banking Luxembourg et Euroclear Bank.
Ainsi dans le cas illustré ci-dessous, le vendeur livre depuis un dépositaire central national, tandis que l’acheteur les reçoit chez Euroclear Bank. Dans ce cas les 2 chaînes de dénouement ne se terminent pas par la même « PSET ». La pratique de marché est toujours d’indiquer, comme pour les autres intermédiaires, le dépositaire central de la contrepartie. C’est la responsabilité des dépositaires locaux de faire en sorte de transférer les titres d’un CSD à l’autre.
Troisième exemple
Autre cas particulier, le système de règlement-livraison permet à un participant de livrer des titres à un autre en franco (sans espèces) sans que ce dernier ait besoin de transmettre sa propre instruction. Cette possibilité est par exemple offerte par RGV. Ce mécanisme est réservé à des cas bien particuliers car il est source d’erreurs.
On l’aura compris, de nombreuses variantes sont possibles à partir du cas général présenté ici, les principes généraux restant toujours les mêmes :
- Les deux parties instruisent leur custodian avec les coordonnées de règlement-livraison de l’autre partie
- Les données significatives de la transaction définissent les critères d’appariement qui doivent être renseignés à l’identique de part et d’autre pour que l’opération puisse se dénouer.