Caractéristiques de paiements de détail
On appelle paiements de détail ou paiements de masse les moyens de paiement utilisés par les agents non financiers, entreprises ou particuliers, pour régler leurs dépenses courantes. Cela recouvre : Chèque, Virement, Prélèvement, Carte, Effets de commerce, Monnaie électronique, TIP, Télérèglement. Les principales caractéristiques de ces moyens de paiement sont :
- De faibles montants : en moyenne € 5 000 ;
- De gros volumes ;
- Un caractère non urgent ;
- Un traitement par lots et un mode de règlement interbancaire net: chaque banque est débitée ou créditée du solde net des paiements émis ou reçus par ses clients dans le lot traité.
Parts de marché des moyens de paiement en France
Ces graphiques, établis par la Banque de France, donnent une vision contrastée de l’usage des moyens de paiement.
Gros montants, petits volumes
Les virements de gros montants, représentent les échanges interbancaires ou des paiements initiés par des entreprises pour des montants unitaires importants (montant moyen de € 2 000 000). Ils sont traités pour une large part dans TARGET2. Ils représentent moins de 1% des volumes, mais 53% des montants échangés !
Le même décalage se vérifie pour les virements ordinaires qui représentent 18% des volumes mais 38% des montants. L’ensemble des virements (gros montants et petits montants) représentent 91% des montants, alors que le virement n’est clairement pas le moyen de paiement le plus rependu auprès du grand public.
Petits montants, gros volumes
À l’opposé, les paiements par carte représentent 57% des volumes, mais 2% seulement des montants échangés.
La révolution SEPA
SEPA Single Euro Payment Area est un vaste projet européen qui vise à harmoniser les moyens de paiement en euros. Ce projet concerne tous les paiements effectués au sein de la « zone SEPA » qui recouvre non seulement les pays de l’Union Européenne (ayant migré ou non à l’Euro) mais aussi la Suisse, Andorre, Monaco, Saint-Marin et le Vatican.
Le 1er janvier 2014 constitue un jalon important du projet SEPA. À partir de cette date,
- Les virements et les prélèvements domestiques ont été définitivement remplacés respectivement par le SCT, SEPA Credit Transfer et le SDD, SEPA Direct Debit,
- Seul l’IBAN (International Bank Account Number) sont admis comme identifiant pour les comptes du débiteur et du créditeur
- En France le TIP et le Télérèglement sont appelés à disparaître progressivement pour être remplacés par des prélèvements.
Pour être conforme à SEPA, un ordre de paiement émanant d’un client doit respecter les conditions suivantes:
- Montant en euros ;
- Débiteur et créditeur dans la zone SEPA ;
- Paiement non urgent ;
- Comptes identifiés par BIC (Business Identifier Code) et IBAN (International Bank Account Number) ;
- Frais partagés entre le débiteur et le créditeur.
Le SEPA impose aussi un certain nombre d’obligations aux prestataires de services de paiement:
- Accessibilité totale de la zone SEPA ;
- Enregistrement comptable des frais séparément du montant payé ;
- Délai de paiement au plus tard J+1 jour ouvré après acceptation de l’ordre ;
- Date de valeur crédit <= date de réception des fonds par la banque du bénéficiaire ;
- Date de valeur débit >= date d’exécution ;
- Acheminement de bout en bout de la référence du message et du libellé communiqués par le donneur d’ordre.
La migration à SEPA a également des conséquences techniques importantes :
- Les flux d’information doivent être échangés au format ISO 20022 qui remplace les standards locaux précédemment utilisés ;
- Les protocoles de transfert reposent soit sur SWIFTN soit sur EBICS.
Les moyens de paiement
Le virement et le SCT
Le virement, remplacé par le SCT dans le cadre de SEPA, est un moyen de paiement à l’initiative du débiteur. Celui-ci donne l’ordre à son prestataire de services de paiement de débiter son compte pour créditer un bénéficiaire final dont il indique les coordonnées. Le donneur d’ordre peut transmettre un ordre de virement groupé: à un débit unique, correspondent plusieurs crédits.
À réception d’un ordre de virement, le prestataire a le choix d’exécuter celui-ci, soit dans un système de paiement de détail (CORE en France), soit dans un système de règlement ou un canal interbancaire (TARGET2, Euro1, correspondent banking). Le choix d’un système interbancaire implique un coût plus important mais peut se justifier si :
- Le montant est élevé ; le montant seuil est au choix du prestataire. SEPA n’impose pas de montant limite
- Le paiement est urgent ; un virement SEPA ne peut pas être exécuté dans la journée
- Le bénéficiaire final ne peut pas être atteint via un virement SEPA
Le prélèvement et le SDD
Le prélèvement, remplacé par le SDD dans le cadre de SEPA, est un moyen de paiement à l’initiative du créditeur. Celui-ci doit au préalable avoir obtenu un mandat du débiteur, l’autorisant à émettre des prélèvements et autorisant sa banque à débiter son compte. Le mandat SEPA est numérisé et conservé par le créancier.
Le créancier doit, de plus, avoir obtenu un identifiant, l‘ICS (Identifiant Créancier SEPA) unique. En France c’est la Banque de France qui attribue les ICS.
Le créancier est tenu d’avertir son débiteur 14 jours avant d’initier le prélèvement de la date et du montant du prélèvement. Le prélèvement peut être rejeté par le débiteur, sans que celui-ci ne soit obligé de motiver le rejet (« no questions asked »), jusqu’à 8 semaines après l’exécution du prélèvement. Sa banque est alors tenue de lui créditer les fonds sur son compte. Ainsi, contrairement à ce que l’on pourrait croire, le prélèvement est un moyen de paiement très sécurisant pour le débiteur. Par contre, le processus de traitement pour les banques et les systèmes interbancaires peut être relativement complexe!
Il existe deux versions du SDD: « Core » (à ne pas confondre avec le système de compensation CORE!) et « B2B ». Le schéma B2B est réservé aux débiteurs entreprises uniquement. Les conditions d’exécution sont faites pour accélérer le traitement. En particulier le débiteur ne peut pas rejeter un prélèvement. En revanche, le mandat est communiqué à la banque du débiteur et celle-ci vérifie obligatoirement la validité d’une demande de prélèvement par rapport au mandat.
Le chèque
Le chèque est un instrument de paiement bien connu du grand public. Moins connu est sans doute le déroulement des opérations après que le bénéficiaire a remis son chèque à encaisser à sa banque.
Depuis la mise en place de l’EIC (Echange Image Chèque), les chèques en dessous d’un montant de 5000 euros ne sont plus transmis à la banque tirée (c’est-à-dire la banque du débiteur, celui-ci qui a émis le chèque) mais sont conservés et archivés par la banque du bénéficiaire.
Les chèques remis à l’encaissement sont triés et numérisés, en général non par la banque elle-même mais par un prestataire privé spécialisé. Celui-ci produit un fichier électronique des chèques à encaisser, avec l’identification de la banque tirée, le n° de compte à débiter dans les livres de cette banque et le n° de compte à créditer dans la banque du bénéficiaire. Ce fichier est transmis par la banque au système CORE.
À l’émission du fichier vers CORE la banque du bénéficiaire peut donc dès à présent créditer son compte, puisque la banque tirée ne peut pas dans un premier temps refuser le message qui va lui parvenir. De même celle-ci doit immédiatement débiter le compte de son client. Si cela n’est pas possible (absence de provision, compte fermé, …), la banque enregistre le mouvement sur un compte d’attente et émet un message de rejet vers CORE.
Les cartes de paiement
Au moment où le client saisit son code confidentiel sur le terminal du commerçant, le terminal interroge la banque du client pour vérifier qu’il a la provision sur son compte. Le paiement est « accepté » mais en fait il ne se passe rien !
Ce n’est que dans un 2ème temps, en fin de journée, que le terminal de paiement transmet à la banque du commerçant l’ensemble des paiements reçus dans la journée. Celle-ci va les grouper dans un fichier et les transmettre au système CORE, qui les traite et calcule le solde interbancaire.
SEPA comprend aussi un volet concernant les paiements par carte, le SEPA Card Framework (SCF). Le SCF se focalise sur l’interopérabilité des réseaux et formule des préconisations techniques telles que l’usage de la puce et du code PIN.
Les effets de commerce
Les effets de commerce sont des instruments de paiement utilisés comme leur nom l’indique en règlement d’une transaction commerciale. Les effets de commerce matérialisent donc une créance et peuvent être utilisés par le créancier pour obtenir des facilités de trésorerie auprès de sa banque. Cette pratique, l’escompte, tend toutefois à être abandonnée au profit de produits plus sophistiqués offerts par les banques à leurs clients. Il y a deux sortes d’effets de commerce : les lettres de change et les billets à ordre.
La lettre de change est à l’initiative du créditeur, qui formule à son débiteur l’ordre de payer une certaine somme avant une certaine date. La lettre de change est maintenant complètement dématérialisée (LCR, Lettre de Change Relevé) et est transmise directement par le créditeur à sa banque, qui l’émet vers CORE. Avant de débiter son client, la banque du débiteur doit d’abord recueillir l’accord de celui-ci, le « bon à payer ». Si le client refuse, la banque émet un message de rejet vers CORE.
Le billet à ordre (BOR, Billet à Ordre Relevé) est à l’initiative du débiteur, qui remet l’effet, à son créancier. Le billet à ordre exprime l’engagement de payer une certaine somme à une certaine date. Le billet à ordre est transmis par le créancier à sa banque. Le schéma des flux d’information est ensuite le même que pour la lettre de change.
Ainsi quel que soit le type d’effet de commerce utilisé, c’est toujours finalement la banque du créditeur qui initie l’échange d’information avec la compensation interbancaire CORE. On remarque aussi que le laps de temps nécessaire à la banque du débiteur pour obtenir l’accord de celui-ci impose que les effets de commerce soient émis vers CORE quelques jours au moins avant la date butoir.
La monnaie électronique
Les portefeuilles électroniques permettent d’effectuer des paiements sur internet sans avoir à saisir ses données bancaires (n° de carte, cryptogramme visuel). Ces données ne sont en effet demandées que lors de la création du portefeuille électronique. Par la suite, l’utilisateur doit uniquement saisir ses identifiants (nom d’utilisateur et mot de passe) pour réaliser des transactions.
Les paiements sans contact permettent de payer de petits montants en approchant simplement une carte ou un téléphone mobile d’un terminal de paiement, sans saisir de code confidentiel.
Le TIP et le Télérèglement
Le TIP, similaire à un prélèvement, permet au débiteur de donner expressément son accord lors de chaque règlement en apposant sa signature sur un support papier qu’il renvoie à son créancier.
Le Télérèglement est également similaire au prélèvement à la différence que le créancier ne peut initier le paiement qu’après avoir obtenu, par voie télématique, l’accord au coup par coup du débiteur. Ce moyen de paiement est utilisé par les entreprises pour le règlement de certaines taxes.
Le TIP et le Télérèglement sont appelés à être remplacés par des SDD dans le cadre de SEPA.
Comprendre les flux de paiement
Quand on décrit les mécanismes qui permettent d’échanger de la monnaie scripturale (qui regroupe tous les moyens de paiement autres que les pièces et les billets: chèque, virement, etc.), on est frappé par le nombre d’acteurs qui entrent en jeu et la complexité des processus. Pourquoi est-ce aussi compliqué?
Partons du principe que la quantité de monnaie en circulation est contrôlée en permanence par la banque centrale. Celle-ci enregistre les échanges sur les comptes qu’elle tient aux noms des banques commerciales. Ces dernières enregistrent les paiements qu’elles traitent sur les comptes de leurs clients. Ces derniers enregistrent eux aussi les paiements réglés et perçus dans leur propre comptabilité.
En définitive, ce qui circule ce n’est pas l’argent mais l’information :
- Les ordres de payer ou de recevoir des fonds émanent des clients vers leur banque ;
- Les banques transmettent les flux à un système central de traitement et de compensation des paiements. En France, ce système s’appelle CORE et est opéré par la société STET ;
- CORE traite tous les paiements et en déduit des soldes nets issus de la compensation des flux entrants et sortants de chaque banque commerciale ;
- Ces soldes sont ensuite déversés dans TARGET2, qui est le système de règlement interbancaire en Euro. C’est dans TARGET2 que la Banque de France tient les comptes des banques commerciales résidentes en France.
Le système de compensation interbancaire CORE
CORE est dans la terminologie SEPA un CSM: Clearing and Settlement Mechanism. Il réceptionne et traite en temps réel les fichiers contenant des paiements transmis par les banques. Contrairement aux systèmes de paiement de gros montant, où les ordres de paiement sont reçus et traités de manière unitaire, un système comme CORE fonctionne par lots. Dans le sens qui va de la banque vers CORE (fichier « aller »), ces fichiers contiennent :
- Des chèques, SDD (prélèvements), paiements par carte et effets de commerce au crédit de la banque
- Des virements au débit de la banque
- Des messages de rejet correspondant à des ordres de paiement reçus de CORE dans un fichier « retour » (cf. ci-dessous) et qui n’ont pas pu être traités pour des raisons techniques (compte inexistant, clôturé, …) ou commerciales (rejet d’un prélèvement par le client débiteur, absence de provision sur le compte à débiter)
CORE va traiter ces messages et constituer des fichiers à destination de chaque banque participante, dits fichiers « retour » qui contiendront donc :
- Des chèques, SDD, paiements par carte et effets de commerce au débit
- Des virements au crédit
- Les messages de rejet initiés par une banque contrepartie lors d’une précédente itération.
Les fichiers échangés entre les banques et CORE sont des fichiers XML au standard ISO 20022 et circulent via le réseau SWIFTNet.
Parallèlement, CORE traite en continu tous les ordres de paiement validés à la fois par la banque du débiteur et du créditeur et en déduit des soldes de compensation interbancaire. Ces soldes sont déversés plusieurs fois par jour sur les comptes des banques participantes dans TARGET2.
CORE est connecté à STEP2 (cf. ci-dessous) pour permettre le traitement d’ordres de paiement internationaux ainsi qu’à d’autres CSM européens.
Le système de compensation interbancaire STEP2
Ce système est opéré par EBA-Clearing (aucun rapport avec l’EBA, European Banking Authority!) et est le premier PE-ACH (Pan European Automated Clearing House) au sens de SEPA. Il traite les ordres de paiement SEPA (SDD et SCT) au niveau européen. Une banque peut être participante directe ou indirecte à STEP2. STEP2 est par ailleurs connecté à d’autres CSM locaux. Par conséquent, une banque peut être atteignable via STEP2 par 3 moyens: soit parce qu’elle est participante directe, soit via son participant direct si elle est participante indirecte, soit via son CSM local si celui-ci est relié à STEP2 ! C’est ce qu’on appelle « l’interopérabilité ».
STEP2 réceptionne et traite en temps réel les fichiers de participants et déverse les soldes issus de la compensation dans TARGET2.
- On trouvera toute la documentation SEPA sur le site de l‘European Payments Council
- Voir aussi le site de STET et de EBA-clearin
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