L’Episode 2 de notre série sur les risques a introduit les problématiques d’identification et de mesure des risques.
« Identifier et définir les risques pour mesurer les impacts sur le résultat et l’organisation »
Autrement dit : Connaître ses risques est la première brique nécessaire mais pas suffisante au pilotage d’une société cherchant à se prémunir de leurs impacts.
Dans le précédent épisode, nous vous avions présenté une courbe de maturité et de progression vis-à-vis de l’appétence des entreprises au pilotage des risques.
Nous avions alors traité les points 1 & 2 de cette courbe : du minimum réglementaire au pilotage stratégique de l’entreprise.
Ce nouvel et dernier épisode de la série « Le pilotage des Risques, bien sûr ! Une évidence pas toujours si claire », abordera donc les deux dernières étapes de notre progression.
3. Gérer et Réduire
La connaissance de ses risques en tant que telle est un bon point de départ. Elle permet de comprendre les sources d’exposition, de les qualifier et d’identifier les poches de risques à traiter en priorité.
Pour gérer et réduire son exposition, un certain nombre de mesures sont envisageables. Elles vont des plus simples (comme la mise à jour de processus) aux plus complexes (comme la titrisation par exemple).
L’objectif n’est pas de parcourir l’exhaustivité des mesures applicables, mais d’en présenter les grandes lignes pour accompagner la réflexion.
Les risques que nous traitons ici sont ceux qui ne sont ni issus de l’activité même de l’entreprise, ni assurables ou externalisables. Nous ne considérons que les risques qui ne seront pas absorbables sans mesures particulières prises par l’entreprise.
Deux approches peuvent être appréhendées :
a) Réconcilier haut et bas de bilan
Objectif : Mettre en cohérence le haut et le bas du bilan en travaillant sur les réserves et les risques pouvant impacter la trésorerie et le résultat.
Solution : Développer une méthodologie pour évaluer les provisions pour risques et charges à passer et les réserves de trésorerie à constituer.
Cette approche consiste en une financiarisation des risques ; cette financiarisation permet de faire ressortir le coût que représente chacun de ces risques. C’est ce que certaines activités appellent le « Coût du Risque ». Cet indicateur permet alors d’intégrer les risques dans la construction du chiffre d’affaires de l’entreprise.
Elle implique un choix précis entre les risques que l’on souhaite prendre et ceux que l’on souhaite couvrir.
Une fois l’identification des risques effectuée et leur coût intégré dans la structure du chiffre d’affaires, il convient de mettre en œuvre le mécanisme de mise en réserve régulière du coût de ce risque. Dans certains cas bien précis, ces réserves peuvent être identifiées comme provisions. Il est alors impératif de valider cette option avec le CAC.
En cas de survenance d’un risque couvert, ce sont alors les réserves (haut du bilan) qui vont absorber le choc et pas l’EBITDA (bas du bilan). Le résultat est alors préservé, les efforts demandés aux équipes pour atteindre leurs objectifs peuvent être reconnus à leur juste valeur et les promesses de croissance de résultat annoncées en début d’année, aux marchés et aux actionnaires, peuvent être tenues. C’est donc une solution à forte valeur ajoutée tant sur les aspects financiers qu’humains.
La contrainte de cette méthodologie est, bien sûr, l’intégration d’une charge supplémentaire dans la structure du chiffre d’affaires. Action très complexe en environnement concurrentiel fort, mais loin d’être impossible.
b) Réconcilier l’amont et l’aval de la chaîne de valeur
Objectif : Mettre en cohérence les niveaux de risques sur toute la chaîne de production de l’entreprise.
Deux solutions complémentaires :
Si la stratégie vue au point précédent répond aux critères les plus évidents en termes de logique financière (anticipation des aléas futurs – haut du bilan ; et absorption du choc – bas du bilan), la stratégie présentée au point 2 est tout aussi intéressante.
L’entreprise est au cœur d’une opération de transformation permettant d’apporter des matières premières vers un produit fini à destination d’un client final.
Elle doit donc veiller à ne pas être la seule à supporter l’ensemble des risques de cette chaîne de valeur.
Pour ce faire, elle doit mettre en place une série de mesures lui permettant de contrôler son risque fournisseur ou risque aval et de piloter son risque client ou risque amont. Ces deux typologies de risque peuvent impacter une partie de la marge produite. C’est ce que l’on qualifiera de marge sous contrainte.
Autrement dit, en se dotant d’un système de pilotage couvrant à la fois la vision aval et amont, l’Entreprise se place en situation plus confortable pour bien appréhender son exposition réelle aux risques indirects de son activité de transformation. Cet outil de monitoring permet également de réconcilier les visions « Acheteur », « Producteur » et « Vendeur » par la mise en commun d’un moyen simple et unique permettant à chacun de bien percevoir les enjeux réciproques qui les concernent.
4. Piloter la performance
Avec le 2ème point du chapitre 3, nous avons commencé à pressentir le fait que le pilotage des risques est l’affaire de plusieurs acteurs, de la direction financière (ou des risques) aux opérationnels.
Pour arriver au niveau visé par cette quatrième étape de notre progression : « Considérer les risques assumés comme un levier de performance » :…
…il faut déjà rappeler les enjeux portés par notre démarche :
- Anticiper et mieux gérer ces risques
- Sécuriser la performance et le résultat de l’entreprise
- Protéger l’EBITDA
- Mettre en œuvre un pilotage partagé
- (Etudier une meilleure appréciation des risques extrêmes)
Les points 1 à 3 ont clairement été pris en compte dans les différents épisodes, il n’en demeure pas moins que cette nouvelle étape contribuera également à leur amélioration.
Cette amélioration sera le fruit d’une prise en compte globale des risques dans l’ensemble de la chaîne de valeur et par la diffusion d’une « Culture Risque » spécifique à chacune des entreprises auprès de l’ensemble des acteurs contribuant à cette chaîne de valeur.
Matrice d’analyse librement inspirée de la méthodologie RMAC
Cette matrice montre de façon synthétique comment les différentes étapes de la chaîne de valeur s’articulent entre elles. Elle montre également qu’il est possible d’y entrer par n’importe lequel des quatre axes selon les besoins du pilotage que l’on souhaite assurer ou mettre en avant.
En d’autres termes, cette nouvelle étape permet de changer de dimension pour bénéficier à plein des bienfaits d’un pilotage des risques assumé et intégré dans l’ADN de l’entreprise.
Cette volonté de transformation passe par une refonte de l’approche business historique. A savoir :
- Intégration dans les processus opérationnels des choix retenus en termes de pilotage des risques et de conformité,
- Mise en convergence des pilotages de l’entreprise (finance, risques, business…) par des tableaux de bords partagés et communs,
- Définition de KPI (indicateurs de pilotage) et de KRI (indicateurs risque) au plus haut niveau comme au plus simple de l’activité,
- Adaptation de la politique de prix en y intégrant la variable du coût du risque comme un coût de production,
- Evolution de la politique des rémunérations par une intégration du résultat de la politique des risques dans les variables,
- Aligner la politique définie pour le pilotage des risques avec la stratégie définie pour le développement de l’entreprise,
- Prise en compte de la politique de risque au même niveau que la réglementation applicable (IFRS, LEF…).
Seul un passage progressif et raisonné à cette ultime étape sera la clé de la réussite d’une transformation aboutie
Il est évident que, sans qu’il soit nécessaire de casser tout le modèle précédent, toute entreprise qui souhaitera passer à ce niveau de maturité pourra le faire par brique. Elle devra alors définir, au regard de sa stratégie et de son marché, quelles mesures pousser en priorité. Certaines briques ne lui seront d’ailleurs peut-être jamais autorisées compte tenu de son contexte.
Enfin ce degré de maturité, lorsqu’il sera bien installé dans la culture de l’entreprise, permettra également pour certains acteurs de commencer à étudier les risques extrêmes (Stress tests, retours d’expérience). Mais là, nous rentrons dans la problématique des modèles statistiques lourds dont les coûts de mise en œuvre devront être analysés au regard de la réalité économique de l’activité.
Merci de nous avoir suivi tout au long des trois épisodes de cette saga « Le pilotage des Risques, bien sûr ! Une évidence pas toujours si claire »
J’espère que vous aurez pu y trouver de nouveaux éléments de réflexion et de nouvelles pistes d’amélioration pour la transformation continue de vos sociétés.
Pour ceux qui le souhaiteraient, cet échange peut être poussé plus en avant de chacun de vos cas particuliers à l’occasion de rencontres toutes aussi enrichissantes.
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