démembrement succession

Le démembrement de propriété est un mécanisme juridique original qui permet de diviser les droits de propriété sur un bien entre plusieurs personnes. Il peut être effectué du vivant d’une personne propriétaire ou à sa mort.

En effet, la loi prévoit la possibilité d’un démembrement de propriété sur la succession du défunt. Cette option est ouverte au conjoint survivant, sauf exception.

Concrètement, qu’est-ce que le démembrement de propriété à la succession ? Quels sont ses avantages et ses inconvénients  ? Comment anticiper un démembrement de propriété de son vivant ? Toutes les réponses aux questions que vous vous posez dans cet article ⤵️

Qu’est-ce que le démembrement à la succession ?

Les concepts de bases du démembrement de propriété

Le démembrement de propriété consiste à séparer les droits qui composent la pleine propriété d’un bien. Cette séparation ne consiste pas en des parts égales, mais en des pouvoirs (droits) différents, sur l’ensemble du bien :

  1. L’usufruit : il s’agit du droit de jouir du bien (c’est-à-dire l’utiliser) et du droit d’en percevoir les fruits, s’il en produit. Par exemple, le droit d’usufruit d’un bien immobilier consiste en un droit d’y habiter et d’en percevoir les loyers s’il est loué. En général, ce droit d’usufruit dure jusqu’au décès de la personne qui détient ce pouvoir (appelée l’usufruitier).
  2. La nue-propriété : il s’agit du droit d’un droit à la pleine propriété du bien à la fin de l’usufruit. Le nu-propriétaire détient un droit de propriété « dégradé » sur le bien dès le démembrement, c’est-à-dire qu’il est propriétaire du bien sans en avoir l’usage ou le droit à la perception des fruits. De plus, il n’a pas le droit de disposer du bien seul ; la vente du bien doit se faire avec l’accord de l’usufruitier.

La pleine propriété regroupe à la fois l’usufruit et la nue-propriété. Elle donne ainsi au propriétaire tous les pouvoirs sur le bien (jouissance, perception des revenus, vente, etc).

Enfin, le démembrement de propriété peut porter sur n’importe quel type de bien : immeuble, meuble, parts de sociétés, actifs financiers, contrat d’assurance-vie, etc.

Bon à savoir : vous ne devez pas confondre usufruit et droit d’usage et d’habitation. L’usufruit inclut le droit d’usage et d’habitation ainsi que le droit de louer le bien. Le droit d’usage, en revanche, est strictement personnel, et permet d’utiliser le bien sans pouvoir le louer.

Le démembrement de propriété peut être instauré de 2 manières :

  • Volontairement : le propriétaire d’un bien peut faire une donation de la nue-propriété et/ou de l’usufruit d’un bien de son vivant par une donation, ou par testament après son décès.
  • Automatiquement lors du règlement de la succession. Dans certains cas, la loi prévoit un démembrement de la succession lorsque le conjoint survivant opte pour cette solution.

Le quasi-usufruit

Le quasi-usufruit est une variante de l’usufruit. Le quasi-usufruitier les mêmes droits d’utiliser le bien et de jouir de ses fruits. Seulement, le quasi-usufruit s’applique à des biens dits « consomptibles », c’est-à-dire ceux qui des biens qui se consomment par leur premier usage.

L’exemple le plus emblématique est celui de la nourriture : vous ne pouvez pas jouir de la nourriture autrement que par sa destruction, en mangeant les aliments. L’argent est également un bien consomptible par nature, puisque sa jouissance implique de s’en déposséder. Et pour l’anecdote, le Code civil mentionne aussi les grains et les liqueurs !

En raison de cette « consomption » (utilisation qui entraîne la disparition du bien), on comprend qu’il ne laisserait rien au nu-propriétaire.

➡️ Ainsi, pour préserver les droits des nus-propriétaires, la loi prévoit qu’à la fin de l’usufruit, ce quasi-usufruitier doit restituer des biens qui ont la même nature, la même valeur et la même qualité, ou leur valeur estimée à la date de la restitution.

Un exemple concret : les sommes d’argent déposées sur le compte bancaire d’une personne décédée font l’objet d’un quasi-usufruit. Ainsi, le conjoint survivant pourra dépenser librement ces sommes mais il devra laisser des sommes équivalentes à sa mort (ou un bien dont la valeur est similaire). Elles seront restituées aux nus-propriétaires – qui retrouvent alors leur droit de pleine propriété sur le bien et peuvent en faire ce qu’ils veulent.

Le démembrement à la succession

Le démembrement de propriété à la succession peut résulter :

  • soit de l’application de la loi,
  • soit de la mise en oeuvre d’un testament rédigé par le défunt.

1 – Le démembrement prévu par la loi en l’absence de testament

Lorsque le défunt n’a pas fait de testament (ou donation entre époux), les règles de succession légale s’appliquent ; le patrimoine est alors réparti entre le conjoint survivant et les enfants.

➡️ La loi offre la possibilité au conjoint survivant de choisir entre les 2 options suivantes :

  • 25% de la succession en pleine propriété ;
  • ou 100% en usufruit.

S’il choisit cette dernière option, il bénéficie de l’usufruit sur la totalité des biens du défunt, tandis que les autres héritiers reçoivent la nue-propriété (généralement les enfants).

❌ Attention, cette option pour l’usufruit est impossible lorsqu’il y a des enfants d’une première union. Pour changer ces règles, il faut prévoir un testament ou une donation entre époux.

2 – Le démembrement prévu par testament ou par donation au dernier vivant

Une personne peut instaurer un démembrement de propriété sur ses biens à son décès, par testament ou par un acte de donation au dernier vivant. Souvent, ce démembrement est instauré au profit du conjoint survivant qui est alors usufruitier.

L’intérêt de procéder par testament ou par donation entre époux, plutôt que de ne rien faire, c’est la possibilité de moduler le droit d’usufruit. Vous pouvez alors décider :

  • d’un droit d’usufruit sur tout le patrimoine ou seulement sur certains biens (par exemple la résidence principale, si on veut protéger son conjoint),
  • de léguer l’héritage en partie en usufruit et une partie en pleine propriété à son conjoint,
  • de prévoir un droit d’usufruit sur les biens que le conjoint survivant choisira à votre décès, limités à ses besoins. Le reste des biens deviendra la pleine propriété des autres héritiers.

Par exemple, la loi prévoit qu’une donation entre époux offre au conjoint survivant le choix entre une ou plusieurs des options suivantes au décès :

  • la totalité des biens de la succession en usufruit ;
  • 25% des biens en pleine propriété et 75% en usufruit ;
  • la quotité disponible en pleine propriété.

Sachez que la donation entre époux est un acte révocable. Cela signifie que vous pouvez l’annuler à tout moment, soit par acte notarié, soit par testament, sans avoir à en informer votre conjoint. D’autre part, le divorce entraîne automatiquement la révocation de la donation.

A savoir : la donation au dernier vivant n’est possible qu’entre époux mariés (quel que soit leur régime matrimonial). En revanche, pour les partenaires pacsés ou les concubins, il est impératif de procéder par testament. A défaut, votre compagnon n’a aucun droit à l’héritage !

Tableau comparatif des droits du conjoint survivant avec ou sans donation entre époux

Héritiers du conjoint décédéDroits du conjoint survivant sans donation au dernier vivantDroits du conjoint survivant avec donation au dernier vivant
Enfants en commun– 1/4 en pleine propriété
– OU la totalité de l’usufruit

– la totalité en usufruit
– OU 1/4 en pleine propriété et 3/4 en usufruit
– OU la quotité disponible en pleine propriété
– ET faculté de cantonnement
Enfants d’une précédente unionSeulement 1/4 en pleine propriété
Antoine
Les conseils de Antoine

Faites une donation au dernier vivant si vous souhaitez protéger votre époux ! Cela permet au conjoint survivant, par exemple, de continuer à habiter la résidence principale sans crainte d’être chassé (si vous êtes propriétaire). D’autre part, si vous avez un patrimoine plus important, la « faculté de cantonnement » permettra au conjoint survivant de limiter son droit d’usufruit aux biens qui sont nécessaires pour assurer ses vieux jours. Vos enfants hériteront alors directement de la partie que votre conjoint a refusé. Cette « modularité » n’est pas possible sans DDV ou testament qui le précise. En effet, dans le cadre automatique prévu par la loi, l’usufruit s’exerce systématiquement sur 100% des biens de la succession.

Quels sont les droits et obligations lors d’un démembrement à la succession ?

Les droits et obligations de l’usufruitier en vertu de la loi

L’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance.

Article 578 du Code civil, version en vigueur depuis le 21 mars 1804

Les droits de l’usufruitier : 

  • Droit de jouissance du bien : il peut loger dans le bien immobilier par exemple, conduire la voiture,
  • Droit d’en percevoir les fruits : c’est lui qui perçoit les produits générés par le bien, tels que loyers d’un bien immobilier, les produits d’une terre agricole ou encore les dividendes et intérêts d’un portefeuille de titres,
  • Droit de donner à bail le bien à un tiers : il peut librement louer le bien, sauf dans certains cas où l’accord du nu-propriétaire est requis (bail rural, immeuble à usage commercial, artisanal ou industriel),
  • Droit de vendre ou de donner ou son droit d’usufruit, sans l’accord du nu-propriétaire

Les obligations de l’usufruitier :

  • Maintien du bien en bon état : il doit assurer l’entretien courant et les réparations d’usage.
  • Conservation du bien : l’usufruitier ne peut vendre le bien sans l’accord du nu-propriétaire et doit le restituer dans l’état où il l’a reçu,
  • Responsabilités fiscales : il doit payer les impôts fonciers et autres charges liées à l’utilisation du bien (charges de copropriété, taxe sur les ordures ménagères…).
Antoine
Les conseils de Antoine

N’oubliez pas de dispenser votre conjoint de caution dans votre testament ! A défaut, les immeubles sont mis en séquestre et les sommes d’argent placées. En revanche, lorsque le conjoint survivant opte pour 100% de l’usufruit en l’absence de testament (usufruit dit « légal »), il est automatiquement dispensé de caution.

Droits et obligations du nu-propriétaire en vertu de la loi

Les droits du nu-propriétaire incluent :

  • Le droit à la propriété future : il deviendra propriétaire du bien de plein droit (c’est-à-dire automatiquement) à l’extinction de l’usufruit.
  • La vente ou l’hypothèque de sa nue-propriété, sauf clause contraire (lorsque le démembrement provient d’une donation, les actes notariés prévoient généralement une clause d’interdiction de vente ou d’hypothèque),
  • l’action conservatoire : lorsque l’usufruitier abuse de son droit de jouissance et met en péril la conservation du bien (dégradations du bien, défaut d’entretien), le nu-propriétaire peut agir en justice pour préserver ses droits.

D’autre part, il doit veiller à :

  • Ne pas nuire aux droits de l’usufruitier : celui-ci doit pouvoir jouir du bien paisiblement. 
  • Supporter les coûts liés à la conservation : il participe aux grosses réparations et à certains coûts importants pour la préservation du bien.

Tableau récapitulatif des droits et obligations de l’usufruitier et du nu-propriétaire

USUFRUITIERNU-PROPRIETAIRE
DROITSJouissance du bienDroit à la pleine propriété future (à l’extinction de l’usufruit)
Perception des revenusTitulaire d’une action conservatoire si l’usufruitier abuse de son droit
Vente ou donation du droit d’usufruitVente du droit de nue-propriété ou grève d’une sûreté
OBLIGATIONS
Maintien en bon état, réparations et travaux d’entretienGrosses réparations (structure, murs porteurs, poutres, toitures, … voir article 606 du Code civil)
Restitution du bien dans le même état que celui dans lequel il l’a reçuNe pas troubler la jouissance de l’usufruitier
Payer les charges, impôts fonciers et taxes liées à l’utilisation du bienNe pas détruire le bien

Le saviez-vous ? Il est possible de prévoir une autre répartition des droits et obligations par une convention de démembrement. L’usufruitier et le nu-propriétaire se mettent alors d’accord sur les pouvoirs et les devoirs de chacun.

Quels sont les avantages et les inconvénients du démembrement successoral

Avantages
  • protection et maintien dans le logement familial
  • perception des revenus générés par le patrimoine pour maintenir le train de vie, répondre aux besoins et renforcer la stabilité financière
  • cantonnement du droit d’usufruit si le défunt le prévoit dans une donation au dernier vivant ou par testament, qui permet de limiter son droit d’usufruit à certains biens seulement
  • optimisation fiscale
Inconvénients
  • propriété différée pour le nu-propriétaire, qui ne peut ni profiter du bien, ni en percevoir les revenus
  • problème de liquidités du nu-propriétaire qui doit faire les grosses réparations alors que le bien ne lui  procure pas de revenus
  • incertitude quant à la durée de l’usufruit qui complique la planification pour le nu-propriétaire
  • conflits potentiels entre usufruitier et nu-propriétaire sur la gestion quotidienne et les travaux
  • blocage si l’usufruitier et le nu-propriétaire ne sont pas d’accord sur la vente du bien

Le saviez-vous ? Le conjoint survivant, et dans certains cas le partenaire de PACS, disposent d’un droit temporaire au logement. En effet, il peut habiter à titre gratuit pendant 1 an la résidence principale. Ce droit est parfois complété par un droit viager au logement, qui protège essentiellement l’époux marié. Pour en savoir plus, nous décrivons les droits sur le logement au décès d’un des membres du couple ici.

Antoine
Les conseils de Antoine

Une convention de démembrement permet d’éviter certains conflits en répartissant autrement les droits et les devoirs de l’usufruitier et du nu-propriétaire. Vous pouvez ainsi modifier la prise en charge des travaux, les modalités de représentation en assemblée générale, le redevable des certaines taxes, la répartition des fruits, etc. Rédigez l’acte avec l’aide d’un notaire ou d’un avocat.

Anticiper sa succession avec le démembrement de propriété de son vivant

Pourquoi attendre votre décès pour commencer à transmettre votre patrimoine ? La donation de la nue-propriété d’un ou de plusieurs biens à vos enfants est particulièrement adapté à cet objectif.

A de nombreux égards, cette solution est « magique » :

1 – Transmettre votre patrimoine tout en conservant une sécurité financière

Lorsque vous donnez seulement la nue-propriété des biens à vos enfants, vous conservez l’usufruit. Ainsi, vous continuez à occuper la résidence principale et à percevoir les revenus générés par les biens (loyers, dividendes). Vous préservez votre niveau de vie pour vos vieux jours, tout en procédant à la transmission réelle de votre patrimoine à vos enfants.

Antoine
Les conseils de Antoine

Vous souhaitez protéger votre conjoint ? Prévoyez un usufruit successif (réversion d’usufruit) dans l’acte de donation. Alors, à votre décès, votre conjoint deviendra le nouvel usufruitier du bien donné.

2 – Préserver votre patrimoine en famille et réduisez les droits de succession

Bien sûr, lorsque vous faites la donation, les bénéficiaires doivent payer des droits de donation. Néanmoins, rappelons plusieurs éléments qui viennent réduire la fiscalité applicable :

  • les droits de donation sont calculés sur une valeur réduite par rapport à la valeur du bien (voir notre article pour un calcul détaillé),
  • vos enfants bénéficient d’un abattement de 100 000 euros tous les 15 ans sur les droits de donation,
  • si vous vous y prenez assez tôt, vos enfants peuvent bénéficier plusieurs fois de l’abattement, qui se recharge tous les 15 ans, et il est même parfois possible de transmettre plusieurs millions d’euros de patrimoine sans payer de droits de donation grâce au démembrement !

A la fin de l’usufruit, à votre décès, les enfants deviennent plein propriétaire sans payer de taxes supplémentaires.

✅ Donc, plus vous donnez tôt en nue-propriété, plus vous réduisez les frais pour vos héritiers. Indirectement, cette opération pourrait éviter à vos héritiers de devoir vendre le bien pour payer des droits de succession astronomiques à votre décès. Le démembrement permet ainsi de conserver le patrimoine en famille.

Notez enfin que les droits de donation sont en principe payés par les bénéficiaires (les enfants) mais peuvent être pris en charge par le donateur (vous).

A savoir : le démembrement de propriété n’est pas adapté à tout le monde. Découvrez ici les alternatives pour réduire les droits de succession.

Questions fréquentes

Qu’est-ce que le démembrement dans une succession ?

C’est le partage de la propriété des biens entre un usufruitier et un nu-propriétaire. La loi prévoit que le conjoint survivant peut choisir 100% de l’héritage en usufruit, s’il n’y a que des enfants communs au couple. Dans ce cas, il a un droit de jouissance du bien et de perception des revenus qu’il produit. Le nu-propriétaire ne pourra profiter du bien, percevoir les revenus ou le vendre qu’au décès de l’usufruitier. Son droit de propriété est donc dégradé, puisque différé dans le temps. Le démembrement peut aussi résulter d’une donation au dernier vivant ou d’un testament. Les droits et/ou les biens sont alors précisés dans les actes.

Quels sont les avantages du démembrement de propriété  à la succession ?

Il permet au conjoint survivant de continuer à habiter la résidence principale, à percevoir les revenus des actifs (loyers des biens immobiliers locatifs, dividendes ou intérêts des compte-titres, etc) et donc de s’assurer une certaine sécurité pour ses vieux jours. Cela permet aussi, souvent, une optimisation fiscale en économisant sur des droits de succession futurs (au décès du deuxième conjoint). Toutefois, le démembrement à la succession n’est pas souple. Il est préférable d’anticiper et de le prévoir de son vivant par une donation entre époux ou un testament.

Comment vendre un bien démembré  à la succession ?

Il faut d’abord que l’usufruitier et le nu-propriétaire soient d’accord sur la vente et sur le prix. Ensuite, il est préférable de faire évaluer le bien par un expert. Puis, vous signez l’acte de vente. Le notaire s’occupe des formalités d’enregistrement lorsqu’il s’agit d’un bien immobilier. N’oubliez pas, en amont de toute vente, de décider comment répartir le prix de cette cession ! Il est possible de poursuivre le démembrement après la vente et de remployer le prix dans un nouvel actif démembré, sous conditions.