La quotité disponible désigne la part d’un patrimoine qu’il est possible de donner librement, que ce soit de son vivant ou à son décès, à n’importe quelle personne (un héritier, un membre de la famille ou un tiers). Elle se distingue de la part réservataire, qui est la part du patrimoine qui revient automatiquement aux héritiers du défunt, principalement les enfants.
Et pour complexifier les choses, sachez qu’il existe deux types de quotité disponible : la quotité disponible ordinaire (attribuée à un membre de la famille ou un étranger) et la quotité disponible spéciale entre époux, pour favoriser le conjoint survivant.
Dans cet article, nous expliquons ce qu’est la quotité disponible, pourquoi et comment disposer de cette part de votre patrimoine ⤵️
La quotité disponible : la part de son patrimoine dont on peut librement disposer
Qu’est-ce que la quotité disponible ? Définition
Pensez-vous que vous pouvez entièrement décider de comment sera réparti votre patrimoine à votre décès ?
Eh bien, la réponse est NON ! Vous ne pouvez décider librement du sort que d’une partie de votre patrimoine ; c’est cette fameuse quotité disponible.
On appelle « quotité disponible » la fraction de votre patrimoine que vous êtes en droit de léguer de votre vivant par donation, ou à votre décès par testament, selon vos souhaits :
- à vos enfants ;
- à un membre de votre famille ;
- ou à n’importe quel étranger.
Et son montant varie en fonction de deux éléments principaux :
- l’existence ou non d’un conjoint survivant ;
- le nombre d’enfants que vous avez
En effet, ces personnes disposent de ce que l’on appelle une réserver héréditaire, qui vous empêche de les priver complètement d’héritage :
La quotité disponible et la réserve héréditaire
En droit français des successions, on distingue :
- La réserve héréditaire : c’est la part de votre patrimoine qui revient obligatoirement à vos héritiers réservataires désignés par la loi. Ce sont principalement vos enfants si vous en avez et, en l’absence de ceux-ci, votre conjoint survivant.
L’existence de la réserve héréditaire en France assure qu’aucun enfant ne puisse être déshérité (sauf dans des cas très rares). - La quotité disponible : c’est la fraction de votre patrimoine que vous pouvez transmettre librement, à n’importe quel bénéficiaire, par donation ou testament.
A savoir : lorsqu’une personne résidait à l’étranger au jour de son décès, la loi sur les successions de ce pays est susceptible de s’appliquer. Or, certains pays comme l’Angleterre ou les USA permettent de disposer librement de tout son patrimoine et, par conséquent, de déshériter un enfant. Dans ce cas, même si les enfants vivent en France, ils peuvent être privés d’héritage.
J’ai un petit conseil pour les Français résidant à l’étranger : vous pouvez décider de faire appliquer la loi française à votre succession, et non pas la loi du pays dans lequel vous résidez. Dans ce cas, vous devez :
- Rédiger un testament : celui-ci doit explicitement exprimer votre volonté de faire appliquer la loi française à votre succession. Je vous conseille de le faire avec un notaire,
- Être français, soit au moment de l’établissement du testament, soit lors de votre décès.
Je le conseille tout particulièrement aux Français résidant dans les pays de droit musulman, qui imposent parfois des restrictions d’héritage aux filles.
Rappel : qui sont les héritiers réservataires ?
Les héritiers réservataires en France sont ceux que l’on ne peut déshériter totalement :
- Les descendants du défunt : tous les enfants qu’ils soient issus d’un mariage, d’une union libre ou adoptés, sont considérés comme des héritiers réservataires. Chaque enfant a droit à une part de la succession qui varie en fonction du nombre total d’enfants.
- Le conjoint survivant : en l’absence de descendant, le conjoint survivant avec lequel vous étiez marié est considéré comme un héritier réservataire.
Attention, un enfant peut perdre ses droits à hériter de votre patrimoine (quotité disponible + réserve héréditaire), s’il est reconnu indigne par la justice pour des agissements graves tels que :
- meurtre ou tentative de meurtre à votre encontre ;
- violences physiques ou psychologiques ayant entraîné votre décès.
Si l’un de vos enfants décède avant vous, ses propres enfants (vos petits-enfants) deviendront héritiers réservataires de votre succession en lieu et place de votre enfant prédécédé. C’est le mécanisme de « représentation successorale ».
À quoi sert la quotité disponible ?
La quotité disponible vous permet de disposer librement d’une partie de votre patrimoine avec plusieurs objectifs :
1. Avantager un héritier ou un tiers
Vous pouvez choisir d’avantager une association ou toute personne tierce de votre choix. Vous pouvez aussi attribuer cette quotité disponible à votre conjoint ou à un enfant déjà héritier. Cette attribution aura pour conséquence de lui offrir une part plus importante que ce que la loi prévoit habituellement, et donc de l’avantager par rapport aux autres enfants. Ce geste peut être motivé par des raisons personnelles, par exemple récompenser une personne pour services rendus.
2. Désavantager un enfant
Mécaniquement, si vous attribuez la quotité disponible à un enfant plutôt qu’à un autre, vous avantagez le premier enfant et désavantagez les autres. Bien que la loi protège les héritiers réservataires, vous pouvez réduire la part de l’un d’eux en attribuant la quotité disponible à un autre héritier ou à un tiers.
Exemple
Vous avez 85 ans, vous êtes divorcé et avez 3 enfants. L’un d’entre eux a un rêve que vous soutenez depuis longtemps et il aurait besoin de plus d’argent que ses frères et soeurs.
- Si vous ne léguez pas la quotité disponible : chaque enfant a la même part dans l’héritage, soit 33,33% de votre patrimoine.
- Si vous léguez la quotité disponible : l’enfant que vous avantagez dispose de la quotité disponible + de sa part d’héritage usuelle, soit 50% de votre patrimoine. Chaque autre enfant dispose de 25% du patrimoine.
Succession : comment est calculée la quotité disponible ?
Les montants de la quotité disponible
Le montant de la QD varie en fonction du nombre d’enfant que vous avez et si vous laissez un conjoint survivant à votre décès :
Héritiers | Montant de la quotité disponible |
---|---|
Pas d’enfant, pas de conjoint survivant | Tout le patrimoine |
Pas d’enfant, 1 conjoint survivant | 3/4 du patrimoine |
1 enfant | 1/2 du patrimoine |
2 enfants | 1/3 du patrimoine |
3 enfants et plus | 1/4 du patrimoine |
Comprendre le calcul de la QD
Le calcul de la quotité disponible au jour du décès
La quotité disponible se calcule en reconstituant votre patrimoine et en retraitant certaines opérations effectuées de votre vivant. Voici les grandes étapes pour reconstituer la base sur laquelle la quotité disponible se calcule :
- Le calcul de la valeur brute de votre patrimoine au jour de votre décès
Il s’agit de l’ensemble des biens et actifs vous appartenant à la date de votre décès (biens immobiliers, comptes bancaires, placements financiers, créances …). - L’ajout du montant des donations consenties de votre vivant
Toutes les donations et les dons manuels (sauf présents d’usage) que vous avez consenti de votre vivant sont ajoutés au montant de votre patrimoine (masse successorale). Attention, la valeur des donations retenues est celle des biens donnés au jour de votre décès … sauf si vous avez fait une donation-partage par acte notarié.
- La déduction du montant de vos dettes et de celles liées à votre décès
Toutes les dettes dues au jour du décès sont déduites de l’actif patrimoniale : factures d’enterrement, frais de règlement de succession, et autres dettes personnelles (comme l’impôt sur le revenu dû l’année du décès).
❌ Les droits de succession à la charge des héritiers ne sont pas déductibles.
Les conséquences et les difficultés
Il est difficile de prévoir à l’avance le montant exact de la quotité disponible. En effet, cette dernière est calculée en fonction de la valeur de vos biens au décès – qui est une donnée inconnue.
Ainsi, certaines donations consenties de votre vivant peuvent porter atteinte à la réserve héréditaire d’un ou de plusieurs de vos héritiers. Que se passe-t-il alors ?
1 – La donation a été consentie à un tiers
Comme évoqué plus-haut, cette donation s’impute sur votre quotité disponible. Si elle dépasse la QD et empiète sur la réserve héréditaire des héritiers, ces derniers peuvent exercer une action en réduction pour réduire la donation consentie. Le tiers devra alors rembourser la partie excédentaire.
2 – La donation a été consentie à un héritier
En principe, la donation faite à un héritier s’impute sur sa part d’héritage (et non pas sur la quotité disponible). Si elle excède cette part d’héritage, il peut être tenu de rembourser aux autres héritiers réservataires la partie excédentaire !
Par exception, vous pouvez faire une donation hors part successorale par acte notarié. Alors, cette donation s’impute en priorité sur la quotité disponible :
- Lorsque la donation ne dépasse pas le montant de la QD, elle n’est pas remise en question et l’enfant reçoit en plus sa part d’héritage conformément aux règles légales,
- Si la donation excède la quotité disponible, le surplus s’impute sur la part dans l’héritage du bénéficiaire,
- Si cette donation est si importante qu’elle empiète, en plus, sur la réserve héréditaire des autres héritiers, alors ceux-si peuvent engager une action en réduction de la libéralité pour recevoir leur part.
✅ Pour éviter les contestations potentielles liées aux donations consenties de votre vivant, vous pouvez léguer la quotité disponible par testament. Voici un exemple de clause que j’ai pu voir en pratique :
« Je soussigné(e), [votre nom], lègue à [nom du bénéficiaire] la quotité disponible de ma succession, conformément aux dispositions du Code civil. Le montant de ce legs sera évalué au jour de mon décès, après déduction de la réserve héréditaire due à mes héritiers réservataires ».
La quotité disponible ordinaire et la quotité disponible spéciale entre époux
Il ne faut pas confondre ces 2 notions. Voici les explications :
La quotité disponible ordinaire
Il s’agit de la part de votre patrimoine dont vous pouvez disposer librement (par donation ou testament) et que nous avons exposé ci-dessus dans l’article. Le montant de la quotité disponible ordinaire varie en fonction du nombre d’enfants qu’avait le défunt :
Nombre d’enfant | Montant de la quotité disponible |
---|---|
0 | 3/4 du patrimoine s’il existe un conjoint survivant Tout le patrimoine est disponible s’il n’y a aucun conjoint survivant |
1 | 1/2 du patrimoine |
2 | 1/3 du patrimoine |
3 | 1/4 du patrimoine |
La quotité disponible spéciale entre époux
A côté de la quotité disponible ordinaire, il existe dans le Code civil une « quotité disponible spéciale entre époux » (dite QDS). Comme son nom l’indique, elle bénéficie à l’époux survivant. Mais comment la calculer et comment s’articule-t-elle avec la quotité ordinaire ?
Tout d’abord, la QDS est une disposition expresse du défunt, faite par donation ou par testament, qui permet de favoriser son conjoint survivant en lui attribuant une part supérieure à la part habituellement disponible. Par cette disposition, le conjoint a des droits plus importants et un choix plus large :
Options successorales du conjoint survivant en l’absence de QDS | Options successorales du conjoint survivant avec une QDS |
---|---|
100% en usufruit (uniquement si enfants communs du couple) | 100% en usufruit (qu’il y a des enfants communs ou non communs du couple) |
1/4 en pleine propriété | 1/4 en pleine propriété + 75% en usufruit (qu’il y a des enfants communs ou non communs du couple) |
La quotité disponible en pleine propriété : – 1/2 si 1 enfant, – 1/3 si 2 enfants, – 1/4 si 3 enfants et plus (qu’il y a des enfants communs ou non communs du couple) |
Ensuite, les principes conséquences de cette QDS dépendent de la situation à votre décès :
➡️ Vous laissez un conjoint survivant et des ascendants (pas d’enfant) : vos parents sont alors privés de leur réserve héréditaire en présence d’une QDS, alors qu’ils auraient eu le droit à une part d’héritage en l’absence de QDS.
➡️ Vous laissez un conjoint survivant et des descendants héritiers : les enfants auront potentiellement des droits réduits à l’héritage selon l’option choisie par le conjoint survivant.
En résumé, retenez que vous pouvez instaurer une QDS au profit de votre époux si vous souhaitez l’avantager.
Vous pouvez instaurer cette quotité disponible spéciale de votre vivant en réalisant une donation au dernier vivant au profit de votre époux.
Exemples de calcul de la quotité disponible
A votre décès, vous disposez d’un patrimoine d’une valeur de 120 000 €. Vous léguez la quotité disponible à une association.
Le montant maximum de la quotité disponible que vous pouvez léguer dépendra du nombre de vos enfants :
1 – Calcul de la quotité disponible en présence d’un seul enfant
La quotité disponible est de 1/2 de votre patrimoine, soit 60 000 €. Vous pouvez librement disposer de cette somme.
Les 60 000 euros restants constituent la réserve héréditaire de votre enfant.
2 – Calcul de la quotité disponible en présence de 2 enfants
La quotité disponible est de 1/3, soit 40 000 €. Vous pouvez donner cette somme à l’association ou à n’importe qui d’autre.
Les 80 000 € restants sont répartis équitablement entre vos deux enfants (40 000 € chacun).
3 – Calcul de la quotité disponible en présence de 3 enfants ou plus
La quotité disponible est de 1/4 de votre patrimoine, soit 30 000 €. Vous pouvez léguer cette somme en tout ou partie à l’association de votre choix, à un tiers ou à un héritier.
Les 90 000 € restants sont répartis entre tous vos enfants, à parts égales.
Que se passe-t-il au décès du donateur ?
1 – La reconstitution du patrimoine et les opérations passées
Au décès du donateur, le notaire chargé de la succession procède à la reconstitution du patrimoine du défunt :
- Il évalue les biens et actifs appartenant au défunt au jour de son décès (biens immobiliers, comptes bancaires, placements financiers et autres actifs),
- Il inclut à la masse successorale les donations consenties par le défunt de son vivant pour leur valeur au jour du décès. C’est ce que l’on appelle la « réunion fictive », car c’est une opération purement comptable,
- Il déduit les dettes du défunt et les frais liés à son décès (frais d’enterrement, frais de règlement de la succession…).
Les biens donnés aux termes d’une donation-partage sont pris en compte pour leur valeur au jour de la donation-partage, sauf convention contraire.
2 – La répartition du patrimoine dans le respect des droits des héritiers réservataires
Le calcul de la quotité disponible et l’imputation des donations et des legs
- Le notaire détermine la réserve héréditaire qui revient de droit aux héritiers réservataires selon le nombre d’enfants :
– 1 enfant = 1/2
– 2 enfants = 2/3
– 3 enfants et plus = 3/4
❌ Un enfant prédécédé et non représenté par ses propres enfants n’entre pas dans le calcul de la réserve.
👉 En l’absence d’enfant, le conjoint survivant devient héritier réservataire pour 1/4. - Il calcule la quotité disponible résiduelle librement transmissible.
- Il impute toutes les libéralités consenties par le défunt (d’abord les donations puis les legs, dans l’ordre d’ancienneté), à savoir :
– si elles ont été consenties en avancement de part : sur la réserve des bénéficiaires puis sur la QD pour le surplus ;
– si elles ont été faites hors part successorale : sur la quotité disponible.
👉 Si ces libéralités dépassent la quotité disponible, elles sont susceptibles d’être réduites.
Quelles limites à la quotité disponible ?
Bien que la quotité disponible vous permette de disposer librement d’une partie de votre patrimoine, les héritiers réservataires peuvent contester les donations et les legs que vous faites.
L’action en réduction des libéralités
Si les donations consenties excèdent la quotité disponible, et empiètent sur la part revenant aux héritiers réservataires, ces derniers peuvent exercer une action en réduction.
➡️ Ils peuvent ainsi demander la restitution de la part qui leur est légalement due.
Seuls les héritiers réservataires peuvent intenter une action en réduction.
Attention, le délai pour exercer cette action est de :
- 5 ans à compter de l’ouverture de la succession ;
- 2 ans à compter du jour où ils ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve.
L’action en réduction est une action individuelle qui doit être engagée par chaque héritier distinctement. Un héritier n’a donc pas besoin de l’accord des autres pour exercer cette action et protéger sa réserve héréditaire.
A savoir : pour éviter toute contestation des libéralités que vous faites, demandez aux héritiers de signer une renonciation anticipée à l’action en réduction (RAAR). Par cet acte, l’héritier qui signe renonce par avance à son droit de demander la réduction des libéralités excessives. Cette renonciation doit être formalisée devant notaire mais elle est un gage de sécurité puisqu’elle est irrévocable.
Le droit de retour
Vous disposez d’un droit de retour qui vous permet de reprendre un bien donné lorsque le bénéficiaire décède avant vous.
On distingue deux types de droits de retour :
- Le droit de retour légal : prévu par la législation, il s’applique automatiquement. Il concerne les parents qui ont donné un bien à leur descendant. Il s’exerce à concurrence de la part qu’ils détiennent dans la succession de leur enfant.
- Le droit de retour conventionnel : prévu par une clause incluse dans l’acte de donation au profit d’un membre de la famille ou d’un tiers, ce droit n’est pas automatique.
Questions fréquentes
En l’absence de testament, les héritiers légaux se partagent l’intégralité du patrimoine, y compris la quotité disponible, proportionnellement à leurs parts respectives définies par la loi.
Pour calculer la quotité disponible, le notaire chargé de la succession :
– Évalue le patrimoine du défunt au jour du décès.
– Inclut les donations rapportables consenties par le défunt dans la masse successorale.
– Déduit les dettes du défunt.
– Calcule la réserve héréditaire de chaque héritier et, de fait, la quotité disponible résiduelle.
Pour éviter les contestations et assurer une répartition conforme à vos volontés, voici quelques conseils :
– Rédigez un testament précis : exprimez clairement vos volontés concernant la quotité disponible. Par exemple, précisez les montants ou les biens spécifiques que vous souhaitez léguer.
– Consultez un notaire pour rédiger votre testament afin qu’il respecte les exigences légales. Vous limitez ainsi les risques de contestation.
– Prévoyez des clauses spécifiques comme le droit de retour en cas de décès du bénéficiaire.
– Demandez la renonciation anticipée à l’action en réduction à vos héritiers réservataires pour éviter toute contestation future.