L’objet du règlement 2019/2088 adopté le 27 novembre 2019, et qui est entré en application le 10 mars 2021, est d’établir des « règles harmonisées pour les acteurs des marchés financiers et les conseillers financiers relatives à la transparence en ce qui concerne l’intégration des risques en matière de durabilité et la prise en compte des incidences négatives en matière de durabilité dans leurs processus ainsi que la fourniture d’informations en matière de durabilité en ce qui concerne les produits financiers ».
Entré en vigueur en France le 1er janvier 2024, la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) impose quant à elle un reporting extra-financier a toutes les entreprises, passée une certaine taille. Cette directive européenne ne se limite donc pas aux acteurs financiers, contrairement au règlement 2019/2088.
Origine du règlement
Dans ses « considérants », le texte du règlement rappelle bien évidemment l’adhésion de l’Union Européenne (UE) aux Objectifs de Développement Durables (ODD) de l’ONU et à l’accord de Paris. Il rappelle la nécessité de placer l’économie sur une trajectoire bas carbone plus résiliente à long terme, n’hésitant pas à parler des « conséquences catastrophiques et imprévisibles » des risques climatiques et des autres risques environnementaux auxquelles l’UE est confrontée de manière croissante.
Il insiste sur le rôle déterminant que peut jouer la finance pour atteindre cet objectif en allouant les capitaux vers les activités faiblement soumises aux risques en matière de durabilité ou qui permettent d’atténuer ces risques.
Le présent règlement est une des pièces du plan d’action de l’UE pour « une Europe durable à horizon 2030 » et porte donc sur la transparence des acteurs des marchés en ce qui concerne la prise en compte à la fois de l’objectif de durabilité dans les investissements et d’atténuation des risques en matière de durabilité dans leurs processus de gestion et dans les produits financiers.
Définitions de la durabilité en matière de finance
Le règlement définit le « risque en matière de durabilité » comme « un événement ou une situation dans le domaine environnemental, social ou de la gouvernance qui, s’il survient, pourrait avoir une incidence négative importante, réelle ou potentielle, sur la valeur de l’investissement ».
Il définit également un « investissement durable » comme « un investissement dans une activité économique qui contribue à un objectif environnemental, mesuré par exemple au moyen d’indicateurs clés en matière d’utilisation efficace des ressources concernant l’utilisation d’énergie, d’énergies renouvelables, de matières premières, d’eau et de terres, en matière de production de déchets et d’émissions de gaz à effet de serre ou en matière d’effets sur la biodiversité et l’économie circulaire, ou un investissement dans une activité économique qui contribue à un objectif social, en particulier un investissement qui contribue à la lutte contre les inégalités ou qui favorise la cohésion sociale, l’intégration sociale et les relations de travail, ou un investissement dans le capital humain ou des communautés économiquement ou socialement défavorisées, pour autant que ces investissements ne causent de préjudice important à aucun de ces objectifs et que les sociétés dans lesquelles les investissements sont réalisés appliquent des pratiques de bonne gouvernance, en particulier en ce qui concerne des structures de gestion saines, les relations avec le personnel, la rémunération du personnel compétent et le respect des obligations fiscales ».
Acteurs et produits visés par le règlement 2019/2088
Par « acteurs des marchés financiers », le règlement désigne les acteurs suivants :
- une entreprise d’assurance qui propose des produits d’investissement fondés sur l’assurance-vie
- une entreprise d’investissement fournissant des services de gestion de portefeuille
- une institution de retraite professionnelle ou un initiateur de produit de retraite ou un fournisseur de produits paneuropéens d’épargne-retraite individuelle (PEPP)
- un gestionnaire de fonds d’investissement alternatif (FIA), un gestionnaire de fonds de capital-risque, un gestionnaire de fonds d’entrepreneuriat social, une société de gestion d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM)
Le règlement vise également les conseillers financiers, c’est-à-dire tous les acteurs qui, sans investir directement les capitaux confiés par leurs clients sur le marché, fournissent le service de conseil en investissement et donc distribuent les produits financiers créés par les précédents.
Par « produit financier », le règlement désigne les produits suivants :
- un portefeuille d’actifs financiers géré pour le compte d’un client
- un OPCVM ou un fonds d’investissement alternatif (FIA)
- un produit d’investissement fondé sur l’assurance (comme l’assurance-vie)
- un produit de retraite (ex. PER), un régime de retraite ou un PEPP
Modalités de mise en œuvre
Le règlement s’applique à décrire les différentes modalités de mise en œuvre de cet objectif global de transparence et les informations qui devraient typiquement être rendues publiques. À noter que le règlement ne rentre pas dans le détail des informations à fournir, ceci sera pris en compte dans les normes techniques en cours d’élaboration par les autorités de régulation (ESMA, EBA, EIOPA).
Transparence « ex ante » au niveau des acteurs et des produits financiers
Le règlement prévoit de la part des acteurs l’obligation de publier des informations « ex ante » comme par exemple, au niveau des organisations :
- Des informations concernant leurs politiques relatives à l’intégration des risques en matière de durabilité dans leur processus de décision d’investissement ou leurs conseils en investissement
- S’ils prennent en compte les incidences négatives des décisions d’investissement sur les facteurs de durabilité :
- Des informations sur leurs politiques de recensement et de hiérarchisation des risques en matière de durabilité et les indicateurs associés
- Une description des principales incidences négatives en matière de durabilité et les mesures prises à cet égard
- Un bref résumé des politiques d’engagement (cf. définition en encart ci-dessous)
- La mention de leur respect des codes relatifs à un comportement responsable des entreprises et des normes internationalement reconnues en matière de diligence raisonnable et de communication d’informations et, le cas échéant, de leur degré d’alignement sur les objectifs de l’accord de Paris.
- S’ils ne prennent pas en compte les incidences négatives :
- Des informations claires sur les raisons pour lesquelles ils ne le font pas, y compris, le cas échéant, des informations indiquant si et quand ils ont l’intention de prendre en compte ces incidences négatives.
La politique d’engagement décrit la manière dont les investisseurs institutionnels et gestionnaires d’actifs assurent le suivi des sociétés détenues sur des questions pertinentes (y compris la stratégie, les performances financières et non financières ainsi que le risque, la structure du capital, l’impact social et environnemental et la gouvernance d’entreprise), dialoguent avec les sociétés détenues, exercent les droits de vote et d’autres droits attachés aux actions, coopèrent avec les autres actionnaires, communiquent avec les acteurs pertinents des sociétés détenues et gèrent les conflits d’intérêts réels ou potentiels par rapport à leur engagement.
De même, au niveau des produits financiers, le règlement prévoit des règles de transparence dans les informations précontractuelles ou commerciales comme :
- Lorsqu’un produit financier promeut des caractéristiques environnementales ou sociales :
- Des informations sur la manière dont ces caractéristiques sont respectées
- Si un indice est utilisé comme référence, des informations sur les raisons pour lesquelles cet indice est adapté pour les caractéristiques en question et l’endroit où l’on peut trouver des informations sur la manière dont cet indice est calculé
- Lorsqu’un produit financier a pour objectif l’investissement durable :
- Choix de l’indice de référence, caractère approprié de cet indice, méthode de calcul,
- S’il n’y a pas d’indice de référence, des explications sur la manière dont l’objectif de développement durable est atteint par le produit en question
- Et pour tout produit financier commercialisé ou conseillé :
- Une explication claire et motivée indiquant si un produit financier prend en compte les principales incidences négatives sur les facteurs de durabilité et, dans l’affirmative, la manière dont il le fait
- Les résultats de l’évaluation des incidences probables des risques en matière de durabilité sur le rendement des produits financiers
Transparence « ex post »
La transparence ex post concerne la manière dont l’acteur a réalisé ses objectifs en termes de gestion durable ou d’intégration des risques de durabilité, ou la manière dont les produits financiers distribués ont réagi aux risques de durabilité au cours de l’exercice écoulé.
En ce qui concerne les produits financiers, la transparence ex post impose de publier :
- Pour un produit financier qui promeut des caractéristiques environnementales et sociales, la mesure dans laquelle ces caractéristiques ont été respectées
- Pour un produit financier qui a pour objectif l’investissement durable :
- L’incidence globale du produit financier en matière de durabilité, au moyen d’indicateurs de durabilité pertinents; ou
- Lorsqu’un indice a été désigné comme indice de référence, une comparaison entre l’incidence globale du produit financier en matière de durabilité et les incidences de l’indice désigné et d’un indice de marché large, au moyen d’indicateurs de durabilité
Modes de diffusion des informations
Le règlement prévoit la diffusion des informations sur les sites internet des acteurs concernés, mais aussi sur différents supports comme les « informations précontractuelles ». Le document ne le précise pas mais on peut supposer que cela couvre les prospectus des produits financiers ainsi que toute documentation précontractuelle remise au client avant la signature d’un contrat ou la souscription d’un produit financier.
En outre, les acteurs veillent à ce que les informations publicitaires ne contredisent pas les informations diffusées en vertu du règlement. Ils veillent également à mettre à jour régulièrement ces informations sur les différents supports de communication.
En ce qui concerne les informations ex post, le règlement vise principalement les différents rapports annuels produits par les acteurs.
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