La directive MIFID 2 est entrée en vigueur depuis le 3 janvier 2018. Elle succède à la Directive MIFID 1 qui s’appliquait depuis 2007.
Quelles sont les conséquences de cette réglementation sur les marchés financiers européens et leurs acteurs ?
Lire aussi : Introduction à la directive MIF 2
Impacts sur les acteurs
Reconfiguration des lieux de négociation
Les « Broker Crossing Networks » (BCN), mis en place par les courtiers pour exécuter les ordres de leurs clients entre eux ou face à leur compte propre, équivalents à de la négociation OTC sans transparence, ont été de facto éliminés par la nouvelle réglementation.
Quant aux « dark pools », qui permettent d’exécuter des ordres de taille importante sans transparence pre-trade, leur activité est maintenant limitée par le mécanisme de « double volume cap ». Celui-ci affecte à ce jour plus de 600 instruments pour lesquels l’utilisation des dérogations permettant de négocier sur un dark pool est suspendue.
Mais la liquidité des marchés actions ne s’est pas pour autant reportée sur les marchés réglementés. Elle s’est plutôt déplacée vers les internalisateurs systématiques. Ceux-ci capturent à ce jour un quart des capitaux échangés. Ils sont autorisés à exécuter les ordres de leurs clients uniquement face à leur compte propre et doivent publier leurs prix pour les ordres en deçà de la « taille standard de marché ».
Parallèlement, la directive a institué le statut d’OTF (« Organised Trading Facility ») pour les produits autres que les actions, en particulier pour les contrats dérivés. Ces plateformes permettent d’intermédier des intérêts acheteurs et vendeurs, avec un minimum de transparence pré et post trade. A ce jour, 72 plateformes ce sont enregistrées auprès de l’ESMA en tant qu’OTF.
Enfin, la directive a aussi créé le statut de « marché de croissance » pour les entreprises de taille petite et intermédiaire (SME growth market). Ce statut vise bien évidemment à faciliter l’accès aux marchés de capitaux par ces entreprises. Cependant, à ce jour seuls deux marchés se sont enregistrés auprès de l’ESMA avec ce statut, bien qu’il existe bien plus de plateformes s’adressant à cette catégorie d’émetteurs en Europe (par exemple Euronext Growth).
De nouveaux acteurs pour de nouveaux besoins
Les exigences en termes de reporting des transactions ont été considérablement renforcées par MIF 2. Ce reporting peut être pris en charge pour le compte des entreprises d’investissement par des intermédiaires autorisés à cet effet par l’ESMA, les ARM (Approved Reporting Mechanism). A ce jour 22 entités ont été agréées par l’ESMA. Beaucoup d’entre elles sont en fait également des marchés réglementés ou des systèmes multilatéraux de négociation.
L’obligation pour les brokers-dealers de découpler dans leurs factures (« unbundle ») les frais de recherche (analyses micro et macro économiques) des frais de transaction génère en retour davantage d’attention sur les dépenses de recherche de la part de leurs clients investisseurs. Ceci est en train d’ouvrir des opportunités aux acteurs spécialisés dans ce domaine, fournisseurs exclusifs de recherche (IRP, Independent Research Providers) ou plateformes qui agrègent les rapports de plusieurs analystes (ORM, Online Research Marketplaces).
D’une manière générale, les multiples obligations nouvelles auxquelles les acteurs tant du buy-side que du sell-side doivent faire face créent une demande pour de nouvelles « Fintech » spécialisées. Ainsi par exemple l’obligation d’enregistrer tous les échanges avec les clients génère un besoin pour des systèmes d’enregistrement qui transcrivent automatiquement la voix en texte.
Évolution des modèles économiques
Nous avons déjà cité le découplage des frais de recherche des frais de transaction qui conduit les brokers-dealers à une révision de leur stratégie commerciale.
Un autre aspect fort de la directive est l’obligation pour les CIF (Conseillers en Investissement Financier) d’opter soit pour le conseil indépendant et renoncer aux rétrocessions de commissions des sociétés de gestion, soit de s’afficher clairement comme conseil non indépendant afin de conserver ces rétrocessions. Quant à la gestion sous mandat, la perception en les conservant de rétrocessions est purement et simplement interdite. De ce fait, la rémunération de ces activités ne provient plus que des honoraires facturés au client. Nul doute que ces nouvelles obligations ont eu un impact sur les business model de la banque privée et de la gestion de patrimoine, mais il est encore trop tôt pour le mesurer.
Impacts sur les marchés
Qualité du marché
MIF 2 impacte fortement la procédure de négociation, en particulier avec les nouvelles contraintes sur le pas de cotation, ces contraintes ayant clairement pour objectif de décourager le trading algortihmique. Les études récentes sur la qualité du marché actions mettent en évidence une amélioration de la profondeur du marché (hausse des quantités disponibles aux meilleures limites) et une réduction du « bruit » du fait de la réduction du nombre de messages. Quand aux spreads, ils se sont réduits sur les petites capitalisations, mais à l’inverse ont un peu augmenté sur les titres les plus liquides.
Modes de négociation
Si les volumes ont significativement baissé sur les dark pools, par contre la taille des ordres traités sur ces plateformes a pratiquement doublé. Ceci est dû au fait que la limitation dans l’utilisation des dark pools ne s’applique pas aux ordres de taille importante. Les investisseurs désireux de négocier « discrètement », principalement pour éviter qu’un ordre de grande taille n’impacte trop rapidement le marché, continuent d’avoir recours aux dark pools.
En effet, pour nombre d’investisseurs institutionnels, l’absence ou la limitation de la transparence de marché, tant qu’elle n’entrave pas la formation des prix, constitue un moyen d’agir au mieux des intérêts de leurs clients en garantissant d’acheter ou de vendre au meilleur prix. Le régulateur en est bien conscient (quoique pas suffisamment aux yeux de certains professionnels), d’où la complexité de certaines règles qui correspondent véritablement à du « réglage fin ».
Nouvelles données de marché
Les RTS (Regulatory Technical Standard) 27 et 28, applicables respectivement aux plateformes et aux entreprises d’investissement, imposent aux acteurs de publier régulièrement des données sur la qualité d’exécution des transactions traitées par eux. Ces données, en particulier celles publiées par les plateformes, vont sans doute constituer à l’avenir une source précieuse d’information pour les chercheurs et les acteurs du marché. Le format des données est spécifié par l’ESMA, donc standardisé, les données doivent être accessibles à l’ensemble du public, et dans un format lisible électroniquement. Bref c’est très intéressant à première vue, mais les volumes sont considérables. Un peu de travail est donc à prévoir pour les exploiter, mais les perspectives en termes de lecture des tendances du marché semblent intéressantes.
Par ailleurs, la directive a entraîné la création d’une grande quantité de nouvelles données de référence et données de marché associées aux instruments financiers. Parmi les données de référence, citons par exemple la classification des instruments financiers, le marché cible, l’identification des produits à effet de levier ou complexes, l’indicateur de liquidité. En ce qui concerne les données de marché, citons les données permettant d’évaluer la taille standard de marché de l’instrument, sa liquidité, les obligations en terme de transparence pré- et post-trade. Toutes ces données doivent être collectées, compilées, diffusées puis consommées et surtout utilisées à bon escient par les acteurs.
Tous ces aspects – et sans doute d’autres qui nous ont échappé – ont de quoi occuper encore les analystes et les consultants pour les années à venir. C’est sans doute après la clôture de l’exercice 2018 que l’on pourra commencer à identifier les vraies tendances de fond. Parmi celles-ci, nul doute que figureront une intensification de la concurrence, et une pression croissante de la réglementation sur les coûts, rendant les métiers des activités de marché de plus en plus inaccessibles aux acteurs n’ayant pas atteint la taille critique.
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