La chaîne Front-to-Back
La vocation première d’un Asset Manager est de gérer des fonds. La colonne vertébrale de son organisation se compose donc des métiers liés à la gestion : les Front, Middle et Back Offices.
Front Office
Le cœur du métier d’un Asset Manager est la gestion « pure » de fonds : métier fait par les gérants.
Chaque gérant, spécialisé par classe d’actifs, par stratégie de gestion, et parfois par zone géographique, a le plus souvent plusieurs portefeuilles à gérer. Il décide des ordres à passer pour constituer et faire vivre ses portefeuilles tout en respectant les contraintes réglementaires, le processus de gestion et les contraintes éventuelles fixées par le client dans le cadre d’un fonds dédié ou d’un mandat. Pour cela il peut, voire doit, s’appuyer sur des études des analystes financiers, économiques ou extra-financiers dans le cadre de l’ISR, et sur les orientations fixées par le comité de gestion.
Pour exécuter les ordres chez les Brokers ou sur les marchés, le gérant passe le plus souvent par les négociateurs réunis au sein de tables de négociations.
Les Gérants, la table de Négociation et les Analystes constituent le Front Office.
L’évolution récente va vers la filialisation des tables de négociation.
Middle Office
Dans la chaîne de traitement d’un ordre, une fois exécuté il devient une opération et c’est le Middle Office qui se charge de son bon dénouement, à savoir le Règlement-Livraison. Il valide ensuite cette opération pour prise en compte par le valorisateur dans la comptabilité du portefeuille.
Au quotidien, le Middle Office effectue également le suivi des positions et le traitement des OST simples (détachement de coupons, paiement de dividendes) comme conditionnelles (split, attributions gratuites, …). Il suit aussi les souscriptions/rachats, de façon à informer le gérant des mouvements de passif, afin que ce dernier investisse le cash et mouvementer l’actif en proportion. Tout cela l’amène à suivre la trésorerie du jour et la trésorerie prévisionnelle des fonds. Il peut d’ailleurs être amené à gérer cette trésorerie, le plus souvent sur les fonds monétaires de la société ou en instruments simples tels que des TCN (Titres de Créances Négociables) ou des billets de trésorerie.
Le Middle Office effectue enfin le rapprochement des positions Front et Back des portefeuilles ainsi que le rapprochement des opérations vis-à-vis des Brokers, le contrôle des valeurs liquidatives, le suivi des ratios et le contrôle du respect des contraintes de gestion.
Back Office (comptable)
Dès qu’une opération a été validée par le Middle Office, elle est transférée au Back Office pour être prise en compte dans la comptabilité du portefeuille.
Le Back Office effectue lui aussi un rapprochement des positions des fonds mais cette fois vis-à-vis des Dépositaires (société chez qui les titres et le cash sont déposés).
Surtout, le Back Office valorise quotidiennement (ou plutôt selon la fréquence de valorisation prévue lors de la création du fonds) tous les portefeuilles. Cette valorisation donne pour chaque fonds une « Valeur Liquidative (VL) » qui selon les frais appliqués permet de connaître :
- La VL nette de souscription : montant qu’un client paie s’il achète une part du fonds.
- La VL nette de rachat : montant qu’un client touche s’il vend une part du fonds.
La VL correspond à la division de l’actif net du fonds par le nombre de parts souscrites, majorée des frais de gestion.
Pour la majorité des Asset Managers, le Back Office est externalisé et sous-traité à un valorisateur externe, bien que la responsabilité finale de qualité de la valeur liquidative incombe à la société de gestion.
Gestion des risques et de la conformité réglementaire et légale
Les organes de contrôle de risques, de validation de la conformité juridique et réglementaire et de contrôle permanent sont maintenant un acteur majeur au sein des sociétés de gestion, bien souvent directement rattachés à la Direction Générale. En effet, ils ont à la fois un rôle régalien (fixer la politique de risques, autoriser le recours à une contrepartie ou l’utilisation d’un instrument financier…) et un rôle de support et de contrôle.
Risques
Les Directions des Risques émettent les politiques et contrôlent leurs exécutions pour les typologies de risques suivantes.
Risques de marché
Il s’agit du risque de perte pouvant résulter d’une évolution négative du prix des titres ou instruments financiers composant un portefeuille. Le risque de marché est quantifié par la mesure de la volatilité, matérialisant l’importance des fluctuations possibles d’un prix. Les deux indicateurs utilisés par les Directions des Risques et suivis par le Front-Office et la Direction Générale sont la VaR (Value At Risk) et la TE (Tracking Error). La VaR calcule le montant de perte maximum qu’un portefeuille peut connaitre sur une période donnée, avec un intervalle de confiance (ou probabilité d’occurrence) donnés. La TE représente l’écart-type d’une série des différences entre les performances d’un portefeuille et celles de son indice de référence.
Risque de crédit / contrepartie
Il s’agit du risque qu’un emprunteur ne puisse pas rembourser sa dette à échéance. Afin de piloter ce type de risques, les Directions des Risques analysent les notations des émetteurs et définissent régulièrement une liste des contreparties avec lesquelles il est autorisé de traiter. Par ailleurs, afin de se prémunir d’un éventuel défaut d’une contrepartie, les Asset Managers couvrent leurs opérations, notamment par le biais de lignes de collatéral (en titres ou en cash) ou par le recours aux produits dérivés.
Risque de liquidité
Il s’agit du risque de ne pas pouvoir se refinancer, soit par manque d’acheteurs pour un titre donné en position vendeuse, soit par manque de cash sur le marché monétaire. Chez un Asset Manager, le risque de liquidité est suivi à deux niveaux : l’actif et le passif des fonds. Au niveau de l’actif, il s’agit de s’assurer que les titres ou instruments financiers en portefeuilles pourraient être vendus à tout moment et à un prix raisonnable. Du côté du passif, il s’agit de s’assurer de la bonne répartition des parts entre les porteurs, afin de se prémunir d’un risque de rachat massif, qui nécessiterait de vendre une grande quantité de l’actif net dans une courte période et pourrait engendrer une perte.
Risques opérationnels
Il s’agit du risque de perte financière liée à des événements non financiers. Les Directions des Risques mesurent le risque de défaillance des procédures (problème de contrôle, procédure incomplète…), des processus (inefficience), du personnel (malveillance, fraude, erreur), des systèmes d’information (panne, erreur de contrôle automatisé…) et de l’environnement externe (catastrophe, accident…). Ce suivi a été renforcé et systématisé avec la réglementation Bâle II et Bâle III. Le corollaire sera le Plan de Continuité d’Activité (PCA) en cas d’incident opérationnel avéré.
Conformité et Contrôle Interne
Ces entités s’assurent du respect de la réglementation en vigueur pour la société de gestion et pour les fonds dans les pays dans lesquels ils sont enregistrés.
Les déontologues s’assurent du respect des règles de déontologie professionnelle et de l’absence de conflits d’intérêts au sein de l’organisation. Ils ont par ailleurs mandat pour exécuter les processus de lutte anti-blanchiment, de lutte contre le financement du terrorisme, de respect des embargos économiques ou surveillance de comptes en banques et prévention des délits d’initiés. Afin de respecter la réglementation européenne MIFID, ils s’assurent également du bon fonctionnement du processus de diligence clients (KYC : Know Your Customer).
Le contrôle interne assure la surveillance permanente des processus de la société et veille à ce qu’aucune défaillance sérieuse de puisse avoir lieu. Dans les faits, le contrôle interne assure l’exécution de deux processus majeurs :
- Le contrôle permanent qui représente la somme des contrôles réalisés par les opérationnels (principalement Middle et Back Office), sous le patronage du contrôle interne
- Le contrôle inopiné, directement réalisé par les équipes du contrôle interne, afin de s’assurer sur une activité donnée de l’absence de risques à un instant donné
Ces deux fonctions sont rendues indispensables par la réglementation régissant les activités bancaires et financières, notamment les directives de Bâle (II et III), Solvency II, et Sarbanes Oxley (SOX).
Par ailleurs, SOX ayant fourni un cadre standard aux processus de contrôle interne, cette fonction a été normalisée au niveau international, sous le nom de SAS70 (Statement on Auditing Standard #70). Gage de bon fonctionnement des procédures de contrôle au sein des établissements financiers, cette certification est maintenant un prérequis pour répondre aux appels d’offres des grands institutionnels internationaux. Ceci est venu renforcer l’importance des contrôleurs internes au sein des sociétés de gestion. Aujourd’hui, la quasi-totalité des Asset Managers français sont certifiés SAS70. Cette certification est soumise annuellement à l’approbation du Commissaire aux Comptes.
Juridique
Les Directions Juridiques ont un rôle extrêmement important à jouer dans les sociétés de gestion. En effet, outre leur rôle de pilotage du respect de la loi applicable aux activités bancaires et financières, elles jouent souvent en rôle de conseil en amont de la création, modification ou dissolution des fonds, ou de l’utilisation d’un instrument financier, que ce soit sur les marchés réglementés ou de gré-à-gré. Les Directions Juridiques regroupent généralement trois grandes disciplines.
Vie légale des Produits
Les Juristes produits s’assurent du bon respect des règles légales dans le cadre de la création, de la modification ou de la dissolution d’un OPCVM. Ils sont en général l’interlocuteur des autorités de tutelle (l’Autorité des Marchés Financiers ou AMF en France) pour l’enregistrement d’un fonds et sa mise en distribution. En relation avec les équipes d’Ingénierie Produits, de Front-Office, de Middle-Office et des Risques, ils participent (voire pilotent) les projets liés à la vie des OPCVM et sont garant de l’ensemble de la documentation juridique inhérente aux produits de gestion d’actifs (notice des fonds, prospectus, Key Information Document ou KID, etc.)
Vie légale des opérations de marché
Les Juristes Opérations de Marché interviennent dans la formalisation de l’ensemble des conventions nécessaires au traitement des opérations sur les marchés réglementés ou OTC (Over The Counter, de gré-à-gré). À ce titre, ils pilotent les négociations avec les contreparties et s’assurent de la conformité des conventions de marché avec les normes en vigueur (ISDA à l’international : International Swap & Derivatives Association). Enfin, ils interviennent souvent en amont, plutôt dans un rôle de conseil, dans le cadre de la structuration de produits ou de montages financiers complexes.
Vie légale des entités juridiques
Les Juristes Corporate sont responsables de l’animation de la vie sociale et institutionnelle des entités juridiques, à savoir la société de gestion elle-même, ainsi que les fonds (SICAV et FCP ont une nature juridique propre). À ce titre, ils organisent, préparent et animent les Assemblées Générales et Conseils d’Administration, gèrent les aspects contractuels des sociétés, assurent la gestion des litiges et pilotent les éventuelles opérations de haut de bilan.
Business Development
Le propre du Business Development est de planifier, piloter et exécuter la commercialisation et la distribution des fonds auprès des clientèles institutionnelles (relations B2B) et des distributeurs (relations B2B2C). Cette Direction à part entière couvre généralement quatre grandes fonctions.
Ingénierie et Marketing Produits
Les Ingénieurs Produits sont responsables de l’offre d’un Asset Manager. A ce titre, ce sont eux qui définissent les produits en étroite collaboration avec la Gestion, les Risques et les Juristes Produits. Leur analyse marketing du marché leur permet d’anticiper l’attrait des investisseurs pour telle classe d’actifs, tel style de gestion ou tel type de produits. Ils participent également avec la Direction Financière au pricing de ces offres (montant de frais de gestion optimal et breakeven sur un OPCVM donné). De manière collégiale, en incluant les Vendeurs, l’IP pilote et anime en général le Comité Produits de la société de gestion.
Reporting, Calcul & Attribution de Performance
Cette activité revêt un intérêt stratégique particulier pour les sociétés de gestion. En effet, la performance et le reporting sont les deux sujets majeurs sur lesquels les clients noteront leur société de gestion. Sur la base des données envoyées par le Valorisateur, ce service calcule la performance des OPCVM, c’est-à-dire le pourcentage d’évolution de la valeur liquidative majorée des frais entre deux dates données. Pour certaines classes d’actifs, une analyse complémentaire est nécessaire pour expliquer la performance, afin d’identifier les lignes (titres ou instruments) qui ont été moteurs de surperformance et au contraire, celles qui ont entraîné des pertes : c’est l’attribution de performance. La dernière étape de ce processus est de diffuser les données de performances, ainsi que les commentaires de gestion, données comptables, etc. au client, sur une base périodique définie dans le prospectus ou le mandat : c’est le reporting client.
Ventes et Service Clients
Les Sales (ou Vendeurs) pilotent les relations commerciales entre la société de gestion et ses clients. Ils sont généralement organisés par typologie de clients : FIG (Financial Institution Group) qui regroupe toutes les institutions financières investissant pour leur compte propre (B2B) ou en tant que distributeurs d’OPCVM (B2B2C ou Wholesale), Corporates regroupant tous les autres grands institutionnels, parfois découpés par secteur d’activité (Oil & Gas, Retail, Telco…), Small & Mid Caps pour les plus petits institutionnels, Sovereigns & Supranationals pour les clients gouvernementaux ou supranationaux et Charity pour les organisations à but non lucratif et les associations. Chaque Vendeur anime un portefeuille de clients et est objectivé sur la collecte que son portefeuille générera. Le Service Clients assure souvent le back-office commercial (gestion des réclamations, validation des souscriptions/rachats, reconstitution du passif…)
Planification stratégique et veille concurrentielle
Le Strategic Planning ou « Analytics » assure la veille de la concurrence au travers des données fournies par les Data Providers spécialisés (EuroPerformance, Lipper, MorningStar) afin de positionner la société et ses produits par rapport à la concurrence, en termes d’encours gérés et distribués, de collecte et de performances. A partir de ces données et conjointement avec la Direction Générale, les Sales et le Marketing, il prépare et suit chaque année le plan commercial, fournissant les objectifs de collecte de la société de gestion pour l’année, par classe d’actifs, type de client… Enfin, le Strategic Planning agit souvent dans un rôle de sponsoring ou de direction de Projets pour les sujets ayant un fort impact sur les métiers et/ou les clients (ex : le CRM, les processus commerciaux, le reporting interne, le pilotage du budget et du plan stratégique, etc.)
Autres Directions de pilotage ou de support
Systèmes d’information (IT) et l’Organisation
Ces services sont devenus prépondérants chez les Asset Managers et intéressent tout particulièrement les sociétés comme ALFI qui sont des partenaires privilégiés.
Ce sujet est développé dans le chapitre suivant de ce dossier.
Direction Financière (incluant Comptabilité)
Les Directions Financières des sociétés de gestion couvrent essentiellement deux fonctions : la comptabilité et le contrôle de gestion.
Les comptables gèrent la comptabilité de la société de gestion, celle des fonds étant assurée par le Valorisateur (Back-Office). Cela couvre en général la comptabilité clients (Account Receivable), la comptabilité fournisseurs (Account Payable), la gestion des arrêtés comptables et des reports à nouveau et les déclarations légales et fiscales.
Le contrôle de gestion est quant à lui, souvent un interlocuteur transverse, interagissant avec l’ensemble de la société de gestion. En effet, il est le principal fournisseur de données chiffrées de l’entreprise. Il pilote la définition et le suivi du budget, analyse les résultats et la rentabilité des produits, des clients et de la société de gestion, établit la comptabilité analytique de la société et pilote la tarification des produits. Enfin, il joue un rôle essentiel dans le pilotage du business, en aidant souvent le Strategic Planning à expliquer la collecte et les encours, en splittant par exemple la collecte en effet volume (les ventes), effet prix (le marché) et effet change (les devises), fournissant ainsi les clefs pour mieux comprendre l’origine des évolutions d’encours.
Remarques
La tendance des Asset Managers est au recentrage sur leur métier de base, ou leur core-business : la gestion pure (Front Office). Certains réfléchissent à – voire ont déjà mené à bien – l’externalisation d’un maximum d’autres métiers ou de processus non-core.
Le premier service à avoir été externalisé par les grands Asset Managers a été le Back Office donnant naissance à des gros Valorisateurs externes. (Exemples : SGSS – CACEIS – BPSS – StateStreet…). De nombreux Asset Managers de taille plus modeste en ont depuis profité pour se séparer de leur Back Office, repris par ces gros Valorisateurs qui au fil du temps sont devenus énormes et multi clients.
Depuis quelque temps des externalisations de Middle-Offices ainsi que des processus de Reporting / Performance se font jour également, les Valorisateurs externes amenant de la valeur ajoutée en offrant ces services.
La massification des sujets réglementaires joue un rôle important dans ce phénomène d’externalisation.
En effet, les mises en conformité nécessite souvent des projets coûteux et les sociétés de gestion trouvent souvent moins coûteux d’externaliser ces processus aux Valorisateurs, qui réaliseront des économies d’échelles, que de mettre en place des évolutions de leurs SI propres.
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