En France, en 2022, le taux d’inflation s’établit à 5,2%, selon l’INSEE. Cela signifie que le prix de ce que nous consommons (énergie, alimentation, transports, etc.) a augmenté de 5,2% en moyenne pour l’ensemble des biens. Certains postes ont connu une augmentation plus importante, notamment l’énergie (+23,1%) et l’alimentation (+6,1%). Cette hausse des prix pèse sur le pouvoir d’achat des consommateurs, qui peuvent se procurer une quantité de biens plus faible pour un même niveau de revenu.
Dès lors, il semble a priori souhaitable que les prix baissent, puisque cela augmente le pouvoir d’achat – et donc le bien-être – des consommateurs. Seulement, une baisse trop rapide et surtout inscrite dans la durée du prix des biens peut être nuisible à l’économie dans son ensemble. En d’autres termes, il faut éviter une baisse du niveau des prix. Mais d’où peut provenir une baisse durable des prix ? En quoi est-ce nuisible ? Comment les pouvoirs publics peuvent-ils lutter contre la déflation ?
Qu’est-ce que la déflation ?
La déflation se définit comme l’opposé de l’inflation. Elle correspond à une baisse générale du niveau des prix sur une période donnée, en général plusieurs trimestres. La particularité de la baisse des prix caractéristique de la déflation, c’est qu’elle est auto-entretenue et qu’elle constitue un vrai défi pour les politiques économiques.
Elle se caractérise par un effet dit procyclique du taux d’intérêt. Cela signifie que les taux d’intérêt (qui sont par définition positifs) entretiennent la baisse des prix. Plus précisément, les taux d’intérêt réels (différence entre le taux d’intérêt nominal et le taux d’inflation) augmentent, puisque le taux d’inflation est négatif. Cela a pour effet d’enchérir la valeur des emprunts, et plus largement le coût du crédit, ce qui ampute le pouvoir d’achat des consommateurs, et la capacité d’investissement des entreprises.
La déflation se caractérise également par une récession, c’est-à-dire une diminution du PIB (Produit Intérieur Brut) réel. Cela signifie que la quantité de biens et de services produite dans l’économie chaque année diminue. Cela a pour effet d’auto-entretenir la déflation, puisque les revenus de l’ensemble des agents économiques diminuent.
La déflation, un phénomène auto-entretenu : la spirale déflationniste
En soi, la déflation pourrait ne pas être si problématique si elle n’était que temporaire, et faisait par exemple suite à des périodes de forte inflation. Cependant, la déflation est un phénomène économique redouté en ce qu’il est auto-entretenu. Ce caractère auto-entretenu de la déflation s’explique par plusieurs mécanismes qui constituent ce que l’on appelle la spirale déflationniste.
En période de déflation, les agents économiques anticipent des baisses de prix futures. Cela les encourage à reporter, du point en partie, leurs achats : pourquoi en effet acheter aujourd’hui quelque chose que l’on pourra acheter moins cher dans quelques mois ? Cela a pour effet de diminuer la demande à laquelle sont confrontées les entreprises, ce qui encourage ces dernières à baisser leurs prix de vente, alimentant la déflation.
Toutefois, si les baisses de prix ne suffisent pas à écouler leurs stocks, alors les entreprises seront encouragées à ralentir (dans un premier temps) puis diminuer leur production. Cela a pour effet d’augmenter le chômage puisque les nouvelles quantités produites nécessitent moins de main-d’œuvre : les entreprises auront donc tendance à licencier. Cette hausse du chômage se traduit par une baisse du revenu disponible des ménages, ce qui les pousse à diminuer leur consommation, aggravant la baisse des prix.
Cette diminution de la production du fait d’une baisse de la demande se traduit également par une baisse de l’investissement des entreprises, c’est-à-dire de l’achat de machines, de matériel, etc. nécessaires à la production. Or, ces investissements constituent une composante importante de la demande globale. La baisse de l’investissement diminue donc la production et l’emploi, et donc les prix, ce qui alimente la spirale déflationniste.
Cette baisse de la consommation et de l’investissement est également favorisée par l’augmentation des taux d’intérêt réels. Mécaniquement, la baisse du niveau des prix a pour effet, nous l’avons vu, d’augmenter le poids du remboursement des crédits et des dettes dans les dépenses des agents économiques. Dès lors, les ménages et les entreprises disposent de moins de revenu pour la consommation et l’investissement, ce qui a pour effet de diminuer la demande globale et donc les prix.
Comment lutter contre la déflation ?
La déflation, lorsqu’elle se présente, constitue un véritable défi pour les politiques économiques, notamment de par son caractère auto-entretenu et parce qu’elle a des effets sur l’ensemble de la situation macro-économique d’un pays (ou d’un groupe de pays, comme la zone euro). Les économistes s’accordent à dire que la déflation est un phénomène plus facile à prévenir que guérir.
Les banques centrales doivent fixer des taux d’intérêt directeur à un niveau suffisamment bas pour favoriser le crédit et donc l’investissement et la croissance. Cependant, il doit être suffisamment élevé, non seulement pour éviter que l’inflation ne soit trop élevée (du fait d’une hausse excessive et/ou trop rapide de la demande globale), mais éviter que cette situation ne se transforme en déflation dans le moyen et le long terme. En effet, une politique monétaire trop accommodante peut favoriser la déflation dans le futur. À la suite d’une période d’euphorie, caractérisée par un endettement massif des agents économiques privés, a lieu une période de désendettement des ménages et des entreprises. Pour se désendetter, ces derniers diminuent leur consommation et leur investissement. Cette baisse de la demande globale se traduit par un ralentissement de la croissance et le risque de tomber dans la spirale déflationniste. La politique monétaire joue donc un rôle central dans la prévention de la déflation, et doit trouver un juste équilibre en matière d’objectif de hausse du niveau des prix.
L’exemple le plus contemporain de pays tombé dans le “piège déflationniste” est le Japon, qui a connu une importante période de baisse du niveau des prix à la fin des années 1990 et au début des années 2000, face à laquelle la politique monétaire s’est révélée impuissante, comme elle a réagi beaucoup trop tardivement. Afin d’encourager la hausse de la demande globale, les autorités japonaises ont cherché à augmenter le volume de crédit via le canal des taux d’intérêt directeurs. Mais comme la déflation était déjà là, la baisse des taux d’intérêt n’a eu aucun effet, et n’a pu freiner que marginalement l’augmentation de la valeur réelle des emprunts. Le rachat massif d’actifs par la Banque du Japon, visant à augmenter le prix des actifs financiers et donc réduire la contrainte de financement des agents économiques, s’est révélé inefficace.
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