Définition de subprime
Le terme de « subprime » désigne un prêt immobilier à un taux élevé, accordé à un ménage disposant de faibles revenus. Ce type de prêt a été particulièrement développé aux Etats-Unis. Il s’agit de crédits destinés à des emprunteurs qui ne présentent pas les garanties suffisantes pour bénéficier des taux d’intérêt préférentiels « prime rate », mais seulement à des taux plus élevés, donc « subprime ».
Afin de démocratiser et d’élargir l’accès à la propriété immobilière, les banques américaines accordent massivement des prêts immobiliers, notamment de type subprime, au début des années 2000. Avec le soutien des pouvoirs politiques, on assiste à une véritable frénésie de construction immobilière qui dynamise l’économie américaine à court terme.
Ces crédits, très rentables mais plus risqués, présentent deux particularités permettant de se prémunir d’une défaillance de l’emprunteur :
- Ils sont gagés par une hypothèque du logement acheté. Dans un contexte de hausse du marché immobilier américain, ce qui était le cas au début des années 2000, une défaillance de l’emprunteur devait être plus que compensée par la vente du bien hypothéqué.
- Ces crédits sont accordés avec des taux variables. Le taux d’emprunt est indexé sur le taux directeur de la FED (Banque Fédérale Américaine).
Origine de la crise des subprimes
L’explosion de la commercialisation de prêts subprimes au début des années 2000 est le fruit d’une politique volontariste menée par les pouvoirs publics américains. En effet, le gouvernement souhaitait relancer l’économie américaine en boostant le marché immobilier. Il s’agissait d’ « ouvrir » ce marché en facilitant l’accès à la propriété pour les ménages les plus pauvres et également les immigrés. Ce marché s’est largement développé aux États-Unis à partir de 2001, passant d’un montant de 200 milliards de dollars pour les prêts hypothécaires en 2002 à 640 milliards de dollars en 2006. Ce montant représentait 23 % du total des prêts immobiliers souscrits.
Les ménages les plus pauvres avec un accès difficile au prêt immobilier ont un acronyme : NINJA. Cela signifie No Income, No Job, No Asset, donc ni revenus, ni emploi, ni patrimoine.
La croissance du marché des subprimes a été encouragée par plusieurs facteurs :
- Des taux directeurs historiquement bas pratiqués par la FED suite à la crise d’internet du début des années 2000. Ces taux très faibles ont incité les institutions de crédit à accroître la part des subprimes dans leur portefeuille et à profiter des importantes marges de risque imposées à ces crédits.
- Une législation incitative : le Community Reinvestment Act de 1977 permettant à un établissement bancaire d’obtenir une garantie de ses dépôts par l’État en contrepartie de prêts accordés à des personnes à revenus modestes.
- L’absence de législation prudentielle aux Etats-Unis concernant la situation financière des emprunteurs.
- De fortes commissions incitant les conseillers des banques régionales à vendre de préférence un crédit subprime à son client.
Mécanismes et fonctionnements pour un prêt subprime
Comme évoqué précédemment, le marché des subprimes est constitué de prêts hypothécaires accordés à une clientèle peu solvable ou à l’historique de crédit difficile. Pour que tout cela fonctionne, il repose sur un mécanisme complexe mêlant système bancaire classique et nouvelle technique financière : la titrisation.
Les acteurs
Il y a d’un côté les débiteurs, donc des foyers à faibles revenus, ayant eu des retards de paiement sur leurs emprunts, ou des absences de paiement par le passé. Leur score de crédit se situe en dessous de 620, les plaçant dans la catégorie à risque des subprimes (les primes étant supérieurs à 700 et mid-prime entre 700 et 620).
Pour qu’une banque décide si elle vous prête ou non de l’argent, et à quel taux, elle calcule un score de crédit. Celui-ci prend en compte plusieurs variables, comme votre niveau de revenus, votre reste à vivre, votre historique d'emprunteur, etc.
De l’autre côté, les créanciers sont les banques et des organismes de crédit spécialisés (ex. Fannie Mae ou Freddie Mac), qui ont titrisé une partie de leurs créances, placées ensuite auprès de fonds d’investissement. A noter qu’aux États-Unis, les banques peuvent sous-traiter à un intervenant extérieur l’analyse du profil des emprunteurs. Les banques américaines maîtrisent donc moins bien l’ensemble des informations.
Le mécanisme autour des prêts subprimes
Les taux d’intérêt sont variables avec toute une palette de modalités. Ils sont calculés en fonction du taux directeur de la Banque Centrale américaine, également lié aux taux auquel les banques se prêtent de l’argent entre elles (par exemple le taux LIBOR). De plus, il arrive que le taux soit fixe et bas pendant les premières années, puis calculé en regard d’un index par la suite. Cela peut entraîner une brusque augmentation des mensualités, les rendant insupportables pour le budget des ménages.
La période d’expansion accélérée des subprimes a commencé en 2001 et s’est arrêtée au milieu de l’année 2007. En parallèle, en lien avec la titrisation, les dérivés de crédit (Credit Default Swap ou CDS, Asset-Backed Security ou ABS, Collateralised Debt Obligation ou CDO) ont tous connu une croissance très rapide à la même époque.
La titrisation des créances consistait à regrouper les subprimes par paquet (de plusieurs milliers) en un produit financier appelé Asset-backed Security (ABS), revendu ensuite sur les marchés financiers. L’opération de titrisation permettait de sortir les créances (prêts) du bilan de la banque. Ainsi, elle peut continuer à placer de nouveaux crédits immobiliers.
La pérennité du système des subprimes repose donc sur deux conditions, généralement liées entre elles :
- Des taux d’intérêt relativement stables
- Une stabilité, voire une croissance du marché de l’immobilier
Quand ces conditions ne sont plus réunis, les dégâts arrivent…
Analyse de la crise des subprimes
Si vous avez entendu parlé de subprime en France, c’est probablement en lien avec la crise déclenchée en 2007/2008.
Les subprimes se sont envolés avec des taux d’intérêts faibles au début des années 2000, et des établissements de crédit qui poussent des ménages à s’endetter pour acheter une propriété immobilière. Sauf que la mécanique a fini par se gripper, et alors une profonde crise systémique survient, après un véritable effet « boule de neige ».
Naissance de la bulle immobilière et du surendettement
Au début des années 2000 les Américains sont donc de plus en plus nombreux à acheter des maisons grâce au crédit bon marché. Alors, le prix de l’immobilier augmente. En effet, l’offre de logements ne peut suivre à court terme une forte croissance de la demande, du simple fait des délais de construction. Comme l’offre augmente plus vite que la demande, les prix montent.
Or les subprimes s’appuient sur une hypothèque, donc tant que les prix montent, les établissements de crédit se disent qu’ils peuvent largement se rembourser en cas de défaut de leurs clients. Le risque paraît alors faible, et les crédits inondent le marché, permettant à des foyers américains d’acheter des maisons en fait trop chères pour leurs moyens.
➡️ Cette spirale alimente une véritable bulle immobilière.
La hausse des taux déclenche la crise
Pour limiter le gonflement de cette bulle, la banque centrale américaine, la FED, décide d’augmenter les taux d’intérêt à partir de 2005. Cette hausse a pour objectif de limiter le recours aux crédits subprime et de limiter la croissance artificielle du marché de l’immobilier.
Sauf que la hausse des taux directeurs provoque un renchérissement de la partie variable des crédits subprimes déjà accordés par les banques aux acquéreurs de logements. De plus en plus d'emprunteurs ne peuvent alors plus assurer le paiement de leurs mensualités, occasionnant des pertes pour les banques et la saisie des logements concernés par ces prêts. Ces biens se retrouvent bradés lors de ventes aux enchères, et le marché de l’immobilier américain finit par s’écrouler. Ainsi les établissements financiers se retrouvent en grande difficulté, notamment ceux détenant les produits de dettes titrisées (ABS, CDS, CDO, …)
Le 15 septembre 2008, la banque américaine Lehman Brothers fait faillite, déclenchant une panique inédite depuis 1929.
Un effet systémique
De par le poids des États-Unis dans le monde économique et financier, l’ensemble des pays du globe est rapidement impacté. Les banques n’osent plus se prêter de l’argent entre elles, ne sachant plus à qui faire confiance. Donc les financements bancaires se gèlent et l’économie mondiale se grippe.
Cette crise devient la plus violente que l’économie mondiale ait connue depuis la Seconde Guerre Mondiale.
D’ailleurs, suite à cet évènement, les stress tests des banques ont été considérablement renforcés et menés de manière plus systématique. Leur objectif principal est justement de jauger de la solidité du système bancaire, et éviter un effet systémique.
Les politiques menées face à la crise
Pour enrayer la crise, les Banques Centrales et les gouvernements mettent en place des politiques de relance budgétaire et monétaire. L’objectif était de limiter les impacts négatifs de la crise en termes de chômage et de précarité.
Si les résultats à court terme ont été positifs et ont permis d’atténuer les conséquences sociales et économiques de cette crise, les Etats ont dû massivement s’endetter pour financer ces politiques de soutien à l’économie.
Dans la plupart des pays développés, face à une dette devenue insupportable (plus de 100% du PIB), les Etats ont dû mettre en place, à partir du début des années 2010, des politiques d’austérité drastiques. Celles-ci ont fait peser fortement le poids de la crise de 2008 sur le budget des classes moyennes.
La crise des subprimes et la France
L’Union européenne et la France bénéficient d’un système bancaire et financier spécifique, empêchant la création d’une bulle fondée sur des crédits de type subprimes.
En effet, plusieurs conditions annihilent ce risque systémique :
- En France, le marché du financement est totalement intégré. C’est-à-dire qu’un même établissement assure la totalité de la relation bancaire allant de la réalisation du prêt à l’étude préliminaire jusqu’au recouvrement en cas de contentieux. Aux États-Unis, chaque étape peut être sous-traitée à un intervenant différent (un vendeur de crédit, un organisme prêteur, un organisme pour récupérer les mensualités du prêt et un organisme pour packager les prêts afin d’en faire des titres négociables sur un marché). La notion de banque recouvre donc une réalité totalement différente des deux côtés de l’Atlantique.
- Les conditions de délivrance des prêts immobiliers en France reposent essentiellement sur le profil financier des emprunteurs et non sur la valeur du bien. Le paramètre principal reste la capacité de remboursement de l’emprunteur en fonction de la valeur réelle du bien immobilier et non sur sa valeur potentielle.
- Les prêts immobiliers en France se font en grande majorité à des taux fixes dépendant du profil des candidats, du temps d’emprunt, de la valeur du bien et des taux directeurs pratiqués par la Banque Centrale.
➡️ Finalement, la crise des subprimes n’a eu qu’un effet indirect en France. C’est la propagation de la crise économique venue des Etats-Unis qui a fortement impacté l’économie française. Les pouvoirs publics ont alors dû mettre en place des politiques de relance massive qui ont dégradé l’équilibre budgétaire et le ratio de la dette.
Il est à noter que des réflexions avaient été menées en France et au Royaume-Uni au début des années 2000 pour élargir le crédit hypothécaire aux ménages les plus précaires. Il s’agissait d’introduire prudemment et progressivement des critères de variabilité dans les taux, et de plus tenir compte de la valeur du bien. Cependant les recommandations du rapport Taffin Worms, publié en 2008 se sont heurtées au début de la crise des subprimes et furent donc rapidement enterrées par les pouvoirs publics.
Culturellement, en matière bancaire, la France préfère l’exclusion au risque.
- https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-01064406/document
Questions fréquentes
La crise des subprimes reposait de manière structurelle sur deux caractéristiques : des crédits toxiques et une technique financière, la titrisation, devenue anarchique.
Si la titrisation reste une technique novatrice et puissante pour financer la croissance économique d’un pays, elle se doit d’être régulée et contrôlée de manière stricte afin de limiter ses effets pervers. La titrisation, qui consiste à émettre des titres adossés à des portefeuilles de prêts, peut aider les banques à alléger leurs bilans, et donc à financer les entreprises et les ménages. Cette technique reste donc un levier puissant de financement pour l’économie, qu’il convient d’encourager.
Depuis le 1er janvier 2019, les banques en Europe ayant recours à cette technique financière, doivent respecter des nouvelles règles du jeu élaborées à Bruxelles.
Les autorités européennes encouragent dorénavant les banques à émettre des titrisations dites « simples, transparentes et standardisées » (STS), en respectant une série de critères.
Ce nouveau label augmente la transparence du processus de titrisation en permettant de comprendre et d’identifier les produits financiers qui alimentent et se diffusent dans le circuit financier. Il s’agit d’une réponse concrète aux dérives de la crise des subprimes.
Si la plupart des gouvernements des grands pays industrialisés ont réagi après la crise des subprimes en adoptant des mesures de contrôle et de régulation de leur système financier, il existe des signes permettant de craindre une résurgence d’une crise similaire.
Pour soutenir la croissance économique, les Banques Centrales pratiquent des politiques monétaires laxistes avec des taux d’intérêt extrêmement bas. Ces taux donnent un accès facilité aux capitaux pour les banques, qui grisées par « cet argent gratuit » font parfois preuve d’une absence de sélectivité dans la distribution des crédits, notamment aux entreprises et aux startups. Les taux directeurs (très bas) ne jouant plus leur rôle de vigie, les banques prennent des risques de plus en plus importants dans leur investissement en négligeant la pérennité économique des projets d’entreprise. Là, il ne s’agit plus d'emprunts immobiliers à risques, mais d'emprunts d’entreprises à risques.
En 2019, les déboires du fonds H20 détenu par Natixis ont souligné les risques du retour de crédits toxiques (non pas adossés sur les prêts immobiliers mais sur les prêts aux entreprises) dans le système financier. Le fonds H20 a perdu près de 1.4 milliards d’euros en 2019 faisant chuter la valeur boursière de Natixis de 10%.
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