Qu’est-ce que la titrisation ?
La titrisation est une technique financière qui consiste à transformer des actifs peu liquides (les biens immobiliers, les véhicules, les œuvres d’art, les bijoux et les collections, les crédits bancaires…), en titres financiers, dans l’objectif de les revendre plus facilement à un ou plusieurs investisseurs.
La titrisation permet, par exemple, à une institution financière de se défaire de prêts qu’elle a en portefeuille en les revendant à des investisseurs sous forme de titres financiers.
Pour effectuer une opération de titrisation, on utilise généralement des sociétés ad hoc (SPV) permettant la transformation des actifs en titres financiers négociables sur les marchés financiers.
Historique et origines
Née aux Etats-Unis dans les années 60, cette technique encore marginale a d’abord été utilisée par les banques pour consentir davantage de crédits. Mais c’est à partir de 1980 que la finance anglo-saxonne a connu une vague d’innovations sous l’impulsion de mathématiciens, de physiciens et d’ingénieurs, qui ont introduit dans les banques la finance quantitative et les nouvelles « technologies financières » de la titrisation pour pallier la baisse des revenus boursiers.
En France, cette technique a été introduite par la loi du 23 décembre 1988 du gouvernement socialiste de Bérégovoy. L’idée était de faciliter le développement du crédit immobilier en permettant aux banques de sortir les créances de leurs bilans.
En 2007, la crise des subprimes a mis en lumière certaines dérives dans l’utilisation de la titrisation des créances immobilières aux États-Unis. En effet, le principe même de la titrisation ne permet pas toujours d’avoir une vision claire de la situation des débiteurs et donc peut être facilement dévoyé. Cette crise provoqua un ralentissement significatif de l’utilisation de cette technique, mais surtout, une profonde refondation du cadre de son utilisation.
Fonctionnement et impact de la titrisation
Les mécanismes de la titrisation
La titrisation permet à une institution financière de regrouper des actifs peu liquides, puis de les céder à des investisseurs sous forme de titres financiers. Ces titres financiers seront revendus et gêneront un revenu proportionnel au risque encouru.
La titrisation classique fait intervenir plusieurs acteurs :
- Le cédant : c’est l’organisme qui est à l’origine des créances cédées (le plus souvent une banque)
- Le véhicule ad-hoc, ou Special Purpose Vehicle (SPV) : il fait l’intermédiaire entre le cédant, à qui il achète les créances, et les investisseurs, à qui il vend des titres qu’il émet.
- Les investisseurs : ils achètent les titres émis par le SPV. Ils peuvent être des banques, des sociétés d’assurance, des organismes de placement ou des particuliers.
- Une agence de notation : elle évalue le risque lié aux créances cédées et attribue une note aux différents titres émis en fonction du risque associé.
En pratique, la banque vend une partie de ces crédits à un organisme spécialisé, une structure de placement collectif. Cette société (SPV ou FCP) mélange les différentes créances qu’elle achète à des titres de meilleure qualité puis crée des titres obligataires mis en portefeuille, puis les revend à des investisseurs.
Traditionnellement, on distingue les titres issus de refinancement des crédits hypothécaires aux ménages et aux entreprises (MBS) et ceux supportés par d’autres formes de créances (ABS). Les revenus générés dépendent du rendement des actifs regroupés par tranches. Ces tranches sont catégorisées en fonction du risque (et donc du rendement), mais également de la catégorie des investisseurs (banquiers, assureurs, fonds d’investissement…).
Tous ces titres sont émis par une structure distincte, le véhicule ad hoc (SPV) créé pour le portage de chaque opération.
On peut donc affirmer que tout actif est titrisable : les crédits classiques, les créances commerciales, les loyers d’actifs mobiliers ou immobiliers, les royalties…
La qualité de l’opération sera donc déterminée par la qualité du débiteur et des titres adossés aux investissements.
L’impact réel au niveau national et européen en chiffres
Contrairement au marché américain, la crise financière de 2008 n’a pas totalement détruit le marché européen de la titrisation. Après avoir dépassé plus de 700 milliards d’euros en 2008, le marché européen de la titrisation a atteint un niveau plancher en 2013 avec seulement 150 milliards d’euros. Depuis, après une certaine atonie, nous assistons à un rebond important depuis 2018.
Les chiffres les plus récents de la BCE, datant de la fin de 2021, montrent un encours en progression dans la zone euro. Au deuxième trimestre 2021, l’encours des titres de créance émis par les véhicules financiers effectuant des opérations de titrisation (VFT) de la zone euro a augmenté, atteignant 1 607 milliards d’euros, après 1 595 milliards au trimestre précédent.
Le taux de croissance annuel des émissions de titres de créance, calculé sur la base des transactions, a diminué pour s’établir à 3,8 % au deuxième trimestre 2021, après 4,0 % au trimestre précédent.
Des plateformes d’investissement comme Mintos permettent à leurs utilisateurs de placer leur argent dans des crédit d’entreprise via un mécanisme semblable à la tritrisation.
Des sociétés de prêts proposent des crédits à des entreprises, et ceux-ci sont regroupés dans un « Ensemble de Notes » qui dispose de son code ISIN. Ce titre propose un taux d’intérêt en lien avec les prêts sous-jacents.
Les rendements proposés par Mintos s’étalent entre 5% et 22% en fonction des placements (et du niveau de risque associé).
Crise des subprimes et titrisation
La crise des subprimes de 2007 a mis en lumière certaines dérives dans l’utilisation de la titrisation pour les créances immobilières aux États-Unis. La mauvaise qualité des créances titrisées, la faible liquidité de ces titres, le travail douteux des agences de notation ainsi que l’essence du principe même de la titrisation ont provoqué une crise financière et économique systémique qui s’est propagée, par le truchement de la mondialisation, à tous les acteurs de l’économie mondiale.
Ainsi, la titrisation, technique financière révolutionnaire dans les années 80, est devenue un sujet controversé et symbolique de la dérive de la mondialisation financière.
Un système dévoyé
Dès 2002, l’industrie de la « titrisation hypothécaire », c’est-à-dire adossée au marché immobilier, explose à Wall Street. Les banques américaines exploitent cette nouvelle technique financière afin d’augmenter la quantité de liquidités disponibles, qu’elles vendent en gros volumes sous forme de dette (Collateralized Debt Obligations ; CDO), en échange de commissions juteuses à des investisseurs dupés par leur qualité.
En six ans, la dette hypothécaire des ménages américains passe de 5530 milliards de dollars en 2001 à 11000 milliards en 2007.
À partir de 2005, les financiers de Wall Street spéculent sur ces CDO contenant près de la moitié de créances hypothécaires subprimes. Ces subprimes, qui sont des prêts hypothécaires à haut risque, consenti pour une acquisition immobilière (souvent, le logement de l'emprunteur) à des personnes précaires, constituent des titres toxiques dont la valeur adossée sur un remboursement ou une revente du bien, reste malheureusement très aléatoire.
Face au resserrement de la politique monétaire américaine pour lutter contre l’inflation, le marché immobilier américain s‘effondre dans le sillage de la forte remontée des taux d’intérêt (de 1% en juin 2003, ils passent à 5,25% en juin 2006).
Le marché immobilier dopé par une bulle de crédit « gratuit » sans précédent, ne peut le supporter provoquant une vague de défauts de paiement massive chez les propriétaires immobiliers. Les achats de propriétés cessent, et le prix des maisons s’effondre début 2007, annihilant le marché des crédits titrisés.
Ce cercle vicieux provoque une vague de suspicion généralisée sur le marché interbancaire. Les banques cherchant avant tout à « nettoyer » leur bilan en éliminant les titres toxiques dits « subprimes », le financement de l’économie s’en trouve fortement ralenti. L’économie américaine plonge ainsi dans la crise et avec elle, l’ensemble des acteurs mondiaux.
Plus de 500 milliards de dollars disparaissent du circuit économique américain obligeant les autorités fédérales à des recapitalisations supérieures à 300 milliards. Cette crise a eu des répercussions sur l’économie mondiale pendant près de 10 ans.
Plus que le principe même de la titrisation, la crise des subprimes semble avoir souligné les lacunes dans les dispositifs de contrôle de cette technique financière.
Fort du contre-exemple américain, l’Union Européenne encourage, dans sa volonté de régulation, les banques à effectuer des titrisations dites “simples, transparentes et standardisées” (STS). En respectant ce label, elles ont moins de capital à mettre en face de leurs opérations car les titrisations et complexes étant pénalisées.
Ce label est destiné à faciliter l’analyse des risques et la compréhension de l’opération par les investisseurs.
Titrisation et Épargnants : le cas de l’immobilier
La titrisation immobilière : un secteur plébiscité par les épargnants
La croissance importante des investissements immobiliers depuis le début 2010 a bénéficié aussi bien au marché professionnel (bureaux, commerces, entrepôts…) qu’au secteur résidentiel. Cette tendance favorable et la baisse significative des droits de mutation en France (de 18,2 % à 4,8 %), ont attiré un nombre croissant d’investisseurs vers ces marchés liquides. Cependant, cette expansion rapide fortement « capitalistique » exige des besoins en financement en constante augmentation auxquels les banques commerciales ne sont pas toujours disposées à répondre, soucieuses de ne pas être surexposées à un secteur cyclique et fortement marqué par la crise de 2008.
Par conséquent, les investisseurs ont dû trouver des sources de financement complémentaires : la titrisation et l’accès qu’elle offre au marché financier.
Pour l’épargnant-investisseur, outre les modes classiques de détention directe en pleine propriété ou sous forme démembrée en nue-propriété ou en usufruit, il apparaît pertinent de détenir un bien immobilier au travers d’une SCI ou d’une SCPI, on parlera de « pierre-papier ».
L’immobilier « pierre-papier »
Une société civile immobilière (SCI) est une structure juridique constituée de minimum 2 personnes. Chaque membre de la société dispose du statut d’associés et reçoit des parts sociales proportionnelles à son apport.
Ce type de société est souvent utilisé pour structurer un projet immobilier (gestion, acquisition, construction), que ce soit par la détention ou la mise en location.
Il existe 4 grandes formes de SCI :
- La SCI d’attribution : elle permet de construire ou d’acquérir des biens immobiliers en vue de les diviser, soit en nue-propriété, soit en jouissance, soit en pleine propriété.
- La SCI de gestion ou de location : plus classique. Les associés peuvent acquérir et gérer un patrimoine immobilier.
- La société civile de construction vente (SCCV) : ce type de SCI permet de construire et revendre des biens immobiliers à des tiers.
- La SCI familiale : ce type de société civile immobilière est adapté à la gestion d’un patrimoine familial : les membres d’une famille sont associés.
La création d’une SCI s’inscrit dans un cadre légal très simplifié, n’exigeant que l’existence de 2 associés et d’un dépôt minimum de 1 € comme capital social. Il n’existe pas de nombre maximum d’associés. D’un point de vue fiscal, les revenus fonciers issus d’une SCI sont soumis à l’impôt sur le revenu.
La SCI ne peut exercer une activité commerciale. Elle ne peut donc se spécialiser que dans l’achat, la revente ou la gestion de biens immobiliers. La SCI peut générer des profits grâce à la mise en location de biens ou la revente du bien ; profits répartis en fonction de la quote-part des associés.
Ce type de société facilite la transmission de biens immobiliers. En effet, une Société Civile Immobilière vous permet d’effectuer des donations successives de parts sociales tous les 15 ans, en franchise de droits.
Questions fréquentes
S’il apparaît difficile d’établir un lien de causalité direct entre ces deux évènements. Il est certain que la crise des subprimes, due à un détournement de l’usage de la titrisation, a engendré une crise économique systémique, obligeant les gouvernements à des mesures de soutien et de recapitalisation massives à destination du secteur privé.
Cette politique de relance s’est traduite par une explosion de la dette, particulièrement dans les pays déjà fragilisés comme la Grèce, l’Italie ou l’Espagne (et dans une moindre mesure la France).
Afin de respecter les critères de Maastricht et par conséquent de baisser drastiquement leur niveau d’endettement, ces gouvernements ont dû opter pour des politiques d’austérité faisant peser une grande partie du coût de la dette sur les classes moyennes, assommées par la hausse des impôts.
En ce sens, les mouvements sociaux européens (Anonymous et même Gilets jaunes) sont une des conséquences lointaines certes, mais bien réelles de la crise amorcée en 2008.
Des causes différentes peuvent produire malheureusement des résultats similaires. Le mot « crise » en économie, s’il désigne globalement toujours la même situation de ralentissement de la croissance, ne semble pas recouvrir la multiplicité des causes la provoquant.
La crise de 2008 était marquée par ses caractéristiques endogènes et systémiques. En effet, il s’agissait bien d’un dérèglement du système économique et financier (titrisation de crédits toxiques : les fameux subprimes) qui était à l’origine du cercle vicieux de la crise mondiale.
En 2022, c’est la juxtaposition de la crise du Covid et de la guerre en Ukraine, évènements exogènes (c’est-à-dire extérieurs au fonctionnement économique) qui semblent avoir entraîné les économies mondiales dans une spirale inflationniste, tout exposant les fragilités de l’hyper-mondialisation.
Les travaux de Jacques Friggit cherchent à représenter de manière empirique l’évolution des prix de l’immobilier en France en fonction du revenu moyen de la population. Représentée sous forme de graphique, cette étude montre que de 1960 aux années 2000, la courbe dite de Friggit évolue dans un « tunnel » de stabilité de plus ou moins 10%, démontrant une sorte de proportionnalité entre l’augmentation des prix de l’immobilier et le revenu moyen. Les français deviennent massivement propriétaires.
A partir des années 2000, la courbe de Friggit sort de manière spectaculaire de ce « tunnel » illustrant une déconnexion spectaculaire entre les revenus qui stagnent et les prix de l’immobilier qui explosent ; rendant ce vieux rêve gaulliste d’une « France de propriétaire » de plus en plus inaccessible.
Une des explications fortes de cette tendance observée depuis les années 2000 serait l’arrivée sur le marché de l’immobilier français des nouvelles techniques d’ingénierie financière, comme la titrisation.
Cette dernière en réorientant une grande partie des investissements privés des épargnants vers le secteur de l’immobilier aurait fortement contribué à l’explosion des prix et donc à l’exclusion des classes moyennes de ce marché.
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