Définition d’un stress test

Un stress test consiste en la modélisation de l’impact d’une crise sur l’état de santé du système bancaire. L’objectif est de prendre certaines hypothèses pessimistes, et par le biais de calculs, d’estimer si une ou plusieurs banques seraient en difficulté voire en faillite.

Lors d’une crise économique, ou de certains évènements imprévus, un mouvement de panique peut engendrer un bank run. C’est-à-dire une situation dans laquelle un grand nombre de clients de la banque désirent retirer leur argent simultanément. C’est notamment ce qui s’est passé en 2023 avec la Silicon Valley Bank.

Or de tels évènements sont causés par des réactions en chaîne, et viennent créer une crise de confiance, qui peut être fatale au système bancaire, comme on l’a vu lors de la crise des subprimes en 2008 après la faillite de la banque Lehmann Brothers.

Ainsi, depuis les années 1990, et de plus en plus fréquemment, des stress tests sont menés afin de juger de la solidité des banques d’un pays ou d’une région, et de son aptitude à faire face sans encombre à des crises .

Les stress tests sont devenus plus courants à partir de la crise de 1997 venant des pays d’Asie, puis se sont généralisés et intensifiés après la crise financière de 2008.

Qui supervise les stress tests des banques ?

Le tests de résistance bancaire sont menés par les régulateurs des différentes zones économiques.

Ainsi, la Banque Centrale Européenne mène la danse pour les stress tests réalisés au sein de la zone économique européenne, avec l’Autorité Bancaire Européenne, et le soutien des régulateurs nationaux. Il s’agit par exemple de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) pour la France.

Pour les Etats-Unis, c’est la Réserve fédérale des Etats-Unis (la FED) qui dirige la réalisation des stress tests pour les banques outre-Atlantique.

Ces régulateurs sont notamment en charge de fournir les hypothèses nécessaires à la réalisation des stress tests par les équipes des banques.

En fonction des résultats, les autorités de supervision peuvent être amenées à demander aux établissements bancaires de renforcer leurs fonds propres.

C’est notamment une insuffisance de fonds propres qui peut amener une banque à faire faillite en cas de bank run. Il faut également qu’une partie de ces fonds propres soit suffisamment liquide, donc facilement mobilisables, pour pouvoir faire face à une éventuelle hausse des retraits par la clientèle de la banque.

Les différentes formes de stress tests 

Par définition, les stress tests doivent répondre à des situations économiques extrêmes

L’élaboration d’un ou plusieurs scénarios de crise est donc un préalable. La création d’un stress test pertinent repose sur l’équilibre entre situations catastrophiques, et situations pessimistes mais réalistes.

En effet, dans un scénario où le taux de chômage dépasserait 60 % et l’inflation 200%, il n’est pas dur de se rendre compte que théoriquement aucune banque ne pourrait survivre. Cependant, cette situation n’a qu’une chance infime de se produire et n’a donc pas sa place dans un de ces tests.

Ceci étant dit, plusieurs méthodologies ont été développées pour réaliser des stress tests, et dans la pratique, plusieurs types de stress tests ont été mis en place par les régulateurs.

Plusieurs façons théoriques de construire les tests de résistance 

Les stress tests historiques

Une approche simple consiste à “rejouer” des crises économiques passées et à estimer leurs conséquences financières sur le système bancaire actuel. 

L’avantage de ces scénarios est de pouvoir mesurer un risque précis et réaliste, puisqu’il s’est déjà produit ! 

Parmi les crises utilisables, on peut citer : 

  • La crise des subprimes, qui permet de tester la résistance à une crise immobilière, qui est couplée à une crise bancaire, puis s’étend dans tous les domaines de l’économie.
  • L’éclatement de la bulle technologique au début des années 2000, qui permet de tester la résistance d’une banque face à un effondrement des marchés financiers provoqué par un enchaînement de faillites. 
  • Les différents chocs pétroliers, qui permettent de tester une inflation explosive des prix de l’énergie.

Si rejouer le passé a un intérêt, par exemple pour estimer l’impact de mesures correctives (ex. renforcement des fonds propres), cela n’aide pas forcément à anticiper les crises futures.

Ainsi, les autorités européennes ont travaillé en 2022 à des tests de résistance liés au risque climatique. Pour 2024, des tests de résistance en lien avec la cybersécurité sont prévus.

Les stress tests hypothétiques

La méthode hypothétique repose sur des hypothèses macro-économiques conçues ex-nihilo. Les économistes, employés par les banques ou les banques centrales, élaborent des scénarios pessimistes en partant de la conjoncture actuelle et en la déformant.

Toute la difficulté de ces tests est d’arriver à représenter efficacement une crise économique, en jouant sur le niveau des variables macro-économiques tels que le Produit Intérieur Brut (PIB), le chômage, l’inflation ou encore le niveau de défauts de paiement.

Scénario centralScénario adverseScénario inflation
Taux d’intérêt court terme (< 3 mois)-40 points de base-125 points de base+125 points de base
Taux d’intérêt > 3 mois-20 points de base-62,5 points de base+62,5 points de base
Evolution des marchés actions-7,5%-15%
Evolution des prix de l’immobilier résidentiel-3,8%-11,6%
Evolution des prix de l’immobilier commercial-12,5%-25%
Majoration des taux d’intérêts sur les actifs risqués par rapport au taux sans risque+19,15%+38,3%
Exemple de scénarios pour des stress tests

Heureusement pour les modélisateurs, même si les relations entre ces variables sont souvent très complexes, il existe des lois économiques pouvant les aider. Par exemple, la courbe de Phillips qui lie inflation et chômage.

Stress test simulé

Les stress tests simulés reposent sur une approche “aléatoire”. 

Ces stress tests reposent par exemple sur la méthode de Monte-Carlo. Il s’agit d’une famille d’algorithmes utilisés en statistiques et permettant de simuler un large éventail d’événements ayant une chance de se réaliser.

L’avantage principal de cette méthode est de pouvoir tester un grand nombre de scénarios de crise de façon automatisée, tout en leur affectant une probabilité de réalisation. Ainsi, on peut tester un scénario catastrophe tout en indiquant bien que celui-ci n’a que 0,01% de chances de se produire. 

Ce type de stress tests permet donc d’avoir une vue d’ensemble des différentes situations auxquelles une banque pourrait se retrouver confrontée. Cela permet de déterminer une stratégie globale, qui pourra ensuite être affinée en passant de nouveaux stress test liés aux scénarios les plus probables.

En pratique, plusieurs type de tests de résistance mis en place par les régulateurs

Je décris dans cette partie les principaux tests menés pour les banques européennes, tels que décrits par la Banque Centrale Européenne.

Tests de résistance de l’Autorité Bancaire Européenne (ABE)

Tous les deux ans, l’ABE mène un test de résistance à l’échelle de l’Union Européenne. Ce test est effectué avec l’aide de la Banque Centrale Européenne (BCE), ainsi que le Comité Européen du Risque Systémique (CERS) et les autorités nationales de surveillance.

Ce test se concentre sur les plus grandes banques, directement supervisées par la BCE. La méthodologie et les modèles sont fournis par l’ABE, tandis que les scénarios sont fournis par le CERS.

Pour illustrer, en 2023, la BCE a évalué 98 banques de la zone euro. Les banques soumises à ces tests de résistance représentent environ 80 % du secteur bancaire de la zone euro.

Tests de résistance thématiques

Les années où l’ABE n’effectue pas de test de résistance, la BCE demande aux établissements importants qu’elle supervise directement d’effectuer des tests de résistance en lien avec des chocs spécifiques.

Par exemple, en 2017 une analyse de la sensibilité des banques sur le risque de taux d’intérêt a été commandée. En 2019, l’analyse portait sur le risque de liquidité.

Analyses prospectives de vulnérabilité

En fonction des besoins, la Banque Centrale Européenne peut décider de réaliser des analyses prospectives, afin d’évaluer les risques liés à une situation qui vient de survenir.

Ainsi une analyse en lien avec la pandémie de covid-19 a été commandée en 2020, et une autre a été lancée en 2022 pour jauger l’impact de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine.

Tests de résistance à des fins macroprudentielles

Enfin, la BCE effectue également des tests sans solliciter les banques. Il s’agit de simulations réalisées à l’échelle du système bancaire, sur des hypothèses très générales.

Quelques résultats de stress tests passés

Après la crise des subprimes en 2008, la Fed a commandé un stress test sur les 19 principales banques du pays. A la suite de celui-ci, 10 banques ont dû être recapitaliser à hauteur de 75 milliards de dollars, soit plus de la moitié.

En 2014, la Banque Centrale Européenne a lancé un test de résistance sur 128 de plus grandes banques de l’Union Européenne. Ce test, fondé sur l’hypothèse de 2 années de récession économique ayant des impacts lourds en terme de chômage et sur le marché de l’immobilier, a relevé que 25 établissements bancaires (dont 9 banques italiennes) n’avaient pas assez de fonds propres selon le régulateur.

Cependant, aucun stress tests n’avait décelé la crise traversée par les banques irlandais au début des années 2010, ou encore les quelques faillites bancaires survenues aux Etats-Unis début 2023…

Les limites des stress tests 

Comme nous venons de le voir, malgré leur sophistication, les stress tests sont loin d’être parfaits et d’éviter les dégâts. Ils souffrent de plusieurs défauts que nous allons parcourir ci-dessous. 

Présence d’un biais de modélisation pour les stress test externes

Un stress test reposant sur des choix arbitraires réalisés par un humain, lors de l’initialisation des scénarios, la présence d’un biais est certaine.

En effet, il est compliqué pour un être humain d’imaginer un scénario complètement nouveau. Ainsi, les stress tests sont forcément biaisés par les croyances et les expériences propres au modélisateur.

De même, afin de modéliser un stress test, certaines hypothèses arbitraires doivent être posées, incluant elles aussi un biais au scénario.

Incitation à la performance pour les stress test internes 

Dans le cas d’un stress test interne, c’est-à-dire un stress test créé et mené par la banque elle-même, un autre biais peut survenir. 

En effet, lors de la création d’un scénario pour un stress test interne, la banque pourrait avoir tendance, volontairement ou non, à optimiser le scénario pour ne pas se pénaliser.

Complexité des modèles employés 

Le but des stress tests étant de répliquer une situation de crise réelle, pour être efficients, ceux-ci se doivent d’imiter au mieux le fonctionnement de l’économie. 

Cependant, l’économie étant plus proche d’un organisme vivant que d’une machine, son fonctionnement est bien plus complexe que ce que nos machines sont capables de traiter. Ainsi lors de l’élaboration d’un stress test, il arrive que les modèles soient tellement complexes, qu’au moindre changement d’un paramètre tout s’écroule. Encore une fois, tout ceci repose sur un équilibre très précis ! 

Manque de données historiques

Ce point fait en quelque sorte suite au précédent. En effet, comme dit plus haut, l’économie est une machine très complexe, et lors de la réalisation d’un stress test historique, les analystes ne peuvent pas toujours obtenir toutes les données nécessaires à sa réalisation. 

Pour les crises s’étant produites avant l’invention d’internet, les données disponibles sont au final très sommaires. Les moyens d’informations et d’archivage de l’époque ne permettaient pas toujours de rendre compte précisément des événements s’étant produits. 

Ainsi, lors de la réalisation d’un stress test se basant par exemple sur le krach boursier de 1929, les analystes sont obligés d’interpoler certains événements. Ceci induit naturellement un biais au modèle.

Principe d’auto-réalisation de l’économie 

Finalement, ce dernier point, qui est également important, repose sur le caractère auto-réalisateur de l’économie. Lors de l’annonce des résultats d’un stress test, les banques et les régulateurs ne peuvent se permettre de présenter des chiffres trop catastrophiques, au risque de provoquer un mouvement de panique et une perte de confiance des clients, pouvant fragiliser la banque.

Ainsi, les stress tests doivet trouver un équilibre entre prévision des situations de crises, et maintien de la confiance dans le système bancaire, empêchant de ce fait la réalisation de stress tests trop pessimistes.

Si une personne très influente dit que l’entreprise A, cotée en bourse, va s’effondrer, des gens vont suivre son avis et vendre leurs actions de l’entreprise A. Cela crée une pression à la baisse sur son prix, ce qui peut entraîner une spirale négative. Les gens voyant le prix baisser, ils sont de plus en plus nombreux à se dire que l’entreprise A doit vraiment aller mal. Le prix plonge encore plus. Ce qui peut finir par réellement mettre en difficulté l’entreprise A, qui va avoir plus de mal à se financer, à trouver des partenaires, etc.

Exemple d’un stress test

Pour conclure cet article sur les stress tests, nous allons vous présenter le stress test hypothétique créé par la BCE en 2020. Ce stress test étudie l’impact d’une récession sur un horizon de 2 ans, et n’a finalement pas été mis en pratique, la crise sanitaire se substituant à lui.

Dans ce stress test, les analystes de la BCE, ont considéré un scénario de crise plus rude que les précédents. Jugeant que l’Union Européenne avait atteint son sommet de stabilité financière, ils estimaient que des conditions plus sévères devraient être testées, afin de confirmer la solidité du système bancaire européen.

Dans ce scénario, la récession serait provoquée par une hausse des incertitudes politiques et un choc de confiance au sein de l’Union Européenne. Le PIB européen diminuerait de 4,3%, entraînant dans sa chute une baisse du PIB américain de 4,8% et ralentissant la croissance des pays émergents asiatiques. 

Selon les analystes, un des risques de cette récession serait une déflation continue (baisse des prix), qui surpasserait alors des fluctuations de prix de court terme causé par des chocs politiques. 

Cette récession provoquerait alors une hausse du taux de chômage en Europe de 3,5%. Elle ferait également plonger les taux d’intérêt à des niveaux encore plus faibles que ceux déjà établis à l’époque.

➡️ Il est intéressant de comprendre à quel point les stress tests ne sont que des scénarios hypothétiques, et qu’ils peuvent rapidement devenir caduques au moindre choc imprévu, comme le coronavirus. En effet, en 2023 nous nous trouvons plutôt dans une situation de remontée des taux d’intérêts et d’une inflation atteignant des niveaux historiques, accompagnée d’une baisse du taux de chômage. Loin des hypothèses du stress test prévu en 2020 donc…