Un bank run, ou panique bancaire, désigne une situation dans laquelle de nombreux déposants retirent précipitamment tout leur argent de leur banque, par peur de le perdre et craignant pour la solvabilité de la banque. Suite aux retraits massifs et simultanés des dépôts d’un grand nombre de clients, la banque peut se retrouver à court de fonds et donc en situation de faillite. 

Ce phénomène lors duquel la peur de la faillite elle-même implique l’insolvabilité par une boucle de rétroaction est qualifié de prophétie autoréalisatrice

Les déclencheurs du bank run 

Le principal moteur d’un bank run est la propagation d’un sentiment de crainte : celui des épargnants de perdre leur argent confié à une banque ou à une autre institution financière. Cette peur entraîne une action immédiate des épargnants, qui retirent hâtivement leur épargne, parfois sans même s’interroger sur le bien-fondé de leur action.

Les dépôts font les crédits 

Afin de mieux appréhender le schéma traditionnel d’un bank run, rappelons le fonctionnement d’une banque commerciale.

  • D’un coté, il y a vos dépôts : l’argent que vous laissez sur vos comptes bancaires.
  • De l’autre coté, les banques utilisent ces dépôts pour offrir des prêts à d’autres clients.

➡️ On dit alors que les “dépôts font les crédits”.

Tant que vous vous sentez en sécurité, les banques continuent à fonctionner sans problème. Mais, lorsqu’un grand nombre de déposants remettent en question la fiabilité de ces institutions, le jeu s’arrête !  En effet, dès lors qu’une potentielle instabilité se fait sentir, un sentiment d’insécurité se propage auprès des investisseurs et la confiance dans la solidité de la banque est fragilisée. Ce sentiment négatif des investisseurs influence alors les déposants et on observe des retraits massifs des fonds déposés. Ces fonds sont retirés en liquides, transférés dans d’autres banques perçues comme plus “robustes”, ou investis dans des produits « sûrs », comme les métaux précieux, les matières premières ou obligations d’état. 

Dans les cas les plus extrêmes, la banque ne parvient parfois pas à répondre à la demande de retraits trop importante : c’est l’insolvabilitéEn effet, les banques prêtent davantage que ce que leurs clients déposent chez elles : c’est le jeu de la création monétaire.

En réalité, les banques ne conservent même qu’une petite fraction des dépôts (ce sont les réserves obligatoires instaurées par la politique monétaire) . Ainsi, la banque n’a, en théorie, pas assez d’argent “tangible” pour répondre à la demande de retrait de tous ses clients en simultanée. Donc, malheureusement, lorsque énormément d’épargnants souhaitent brusquement retirer leur argent, les banques se retrouvent à court de fonds. 

Une prophétie autoréalisatrice 

Ce schéma met finalement bien en avant le caractère autoréalisateur du bank run. En effet, la banque visée peut ne pas présenter de risque majeur d’insolvabilité mais c’est bel et bien la croyance quant à une situation hypothétiquement difficile qu’elle traverse qui provoque les premiers doutes. Le risque de faillite augmente alors avec le nombre d’épargnants qui se ruent au guichet ! Mais qui dit risque plus élevé, dit aussi sentiment de crainte renforcé : le nombre d’épargnants “au guichet” est alors d’autant plus important ! C’est une boucle de rétroaction qui s’auto-alimente.

En outre, si de nombreuses banques et institutions sont confrontées simultanément à des problèmes de confiance de grandes ampleurs, la panique peut se généraliser.

➡️ Cela peut même entrainer une crise financière systémique.

Des bank run célèbres 

La Grande Dépression aux Etats-Unis 

Panique bancaire dans les années 30, la police est obligée d'intervenir.
Panique bancaire dans les années 30, la police est obligée d’intervenir.

Les débuts des années 1920 marquent une période financière florissante dans l’histoire économique occidentale. Dans un contexte de forte croissance, les banques ont largement assoupli les critères d’accès aux prêts et on assiste à une hausse des crédits octroyés. 

Malheureusement, en parallèle, la productivité de l’industrie s’est détériorée et les pertes d’emplois se sont accélérées. Dès les premiers signaux de faiblesses, les clients d’une banque du Tennessee se sont mis à retirer leur argent pour le conserver en espèce. Ces retraits ont alors précipité la première faillite bancaire dûe à un bank run en pendant la crise de 29. Mais cet incident a priori mineur et isolé à pris une tournure beaucoup plus grave ! Cette faillite a déclenché une série de retraits massifs dans le Sud puis dans l’ensemble du pays entraînant ainsi de nombreuses faillites. 

Cette période a aussi été témoin de la propagation de nombreuses rumeurs quant à la solidité des institutions financières. En 1930 par exemple, un client de Bank of United States s’est vu déconseiller la vente d’une action. Dès sa sortie de la banque, une rumeur selon laquelle la banque était dans l’incapacité de vendre ses actions s’est répandue ! Cela a très vite été interprété comme un signal d’insolvabilité, et des milliers de clients ont retiré plus de deux millions de dollars en l’espace de quelques heures à peine. Le phénomène a par ailleurs effrayé les clients de banques voisines, provoquant alors de nouveaux retraits, chez des banques initialement non concernées par la rumeur ! 

Bank Run en Grèce 

Bank Run : file d'attente devant les guichets d'une banque grecque en 2015
Bank Run : file d’attente devant les guichets d’une banque grecque en 2015

Plus récemment, en 2015, beaucoup d’épargnants grecques ont craint la sortie de leur pays de la zone euro. Ces derniers se sont alors rués vers les guichets, retirant plus de 33 milliards d’euros entre janvier et avril 2015. Les retraits ont même atteint un montant record de plus de 3 milliards d’euros en une semaine seulement ! Durant cette panique bancaire, près d’un tiers des guichets automatiques ont été à court de billets à un moment de la journée et leur réapprovisionnement était suivi de très près par la Banque de Grèce. 

Comment empêcher le bank run ?

Les banques disposent de quelques outils pour prévenir le bank run. Parmi les pratiques les plus courantes, on retrouve notamment :

  • des plafonds de retraits autorisés ; 
  • la liquidation de dettes et la vente d’actifs pour répondre aux demandes de retrait ;
  • des emprunts interbancaires auprès d’autres institutions : d’autres banques ou même directement auprès de la banque centrale.

Le gouvernement peut, dans des situations délicates, lui même intervenir pour sauver les banques :

  • par anticipation, avec la hausse des taux de réserves obligatoires de liquidités des banques, qui auront un matelas plus confortable pour assurer la demande de retraits ; 
  • la mise en place d’une surveillance et d’une réglementation en vigueur ;
  • l’introduction de systèmes d’assurance-dépôts, en France, par exemple, les dépôts sont assurés à hauteur de 100 000€ par établissement afin de maintenir la stabilité et la confiance des épargnants. 

En outre, lors d’une panique bancaire sévère, la banque centrale peut jouer le rôle de prêteur en dernier ressort pour financer les banques. La Fed a d’ailleurs été créée à la suite du bank run de 1907 aux Etats-Unis, qui aurait pu avoir des conséquences plus dramatiques si JP Morgan n’avait pas assumé ce rôle à ce moment-là.