
Vous souhaitez protéger votre conjoint après votre décès ? La réversion d’usufruit est une option qui permet de lui transmettre l’usufruit que vous détenez sur des biens sans compromettre l’héritage de vos enfants.
Alors, pourquoi et comment faire une réversion d’usufruit ? On vous présente les avantages et les limites de ce mécanisme, ainsi que sa fiscalité.
Qu’est-ce que la réversion d’usufruit ?
Définition
➡️ La réversion d’usufruit est un mécanisme juridique qui permet deux usufruits consécutifs sur un ou plusieurs biens. Au décès du premier usufruitier, l’usufruit est transféré sur la tête d’une seconde personne. Il s’agit souvent du conjoint survivant, mais il est possible de le transférer à toute autre personne physique ou morale.
Généralement, cette réversion d’usufruit est conventionnelle et intervient lors d’une donation démembrée. Un parent donne alors la nue-propriété d’un bien aux enfants et se réserve l’usufruit. Une clause est adjointe à la donation et prévoit la réversion de cet usufruit au profit du conjoint survivant au décès du premier conjoint.
La réversion d’usufruit peut également se manifester dans d’autres contextes :
- Donations successives (usufruit successif conventionnel) : une personne qui a reçu la nue-propriété d’un bien peut choisir de le transmettre à son tour, tout en se réservant l’usufruit pour le jour où le premier donateur-usufruitier décédera.
- Décès du nu-propriétaire avant l’usufruitier (usufruit successif légal) : si le nu-propriétaire décède avant l’usufruitier, et qu’il laisse des enfants et un conjoint survivant, ce dernier a la faculté d’opter pour la jouissance en usufruit des biens. Or, il existe déjà un usufruitier. Donc, c’est une réversion d’usufruit qui sera déclenchée dans cette hypothèse. Au décès de l’usufruitier initial, le conjoint survivant de l’enfant deviendra usufruitier.
Rappel important : l’usufruit est le droit de jouir d’un bien dont la propriété appartient à un autre, le nu-propriétaire. Cela signifie que l’usufruitier peut occuper le bien ou percevoir les revenus qu’il génère, comme les loyers. Ce droit temporaire s’éteint naturellement soit au décès de l’usufruitier, soit à l’expiration de la période pour laquelle il a été établi. Pour en savoir plus, lisez cet article sur le droit d’usufruit.
Comment fonctionne la réversion d’usufruit ?
Lors d’une donation, le donateur peut choisir donner la nue-propriété et conserver l’usufruit pour lui-même, afin de garantir ses vieux jours par exemple. C’est l’usufruitier « initial ».
Dans l’acte constitutif de cette donation, il peut inclure une clause spécifique de réversion d’usufruit. Cette clause stipule qu’à la mort de l’usufruitier initial, l’usufruit sera automatiquement transféré à un second usufruitier qui est explicitement désigné dans l’acte.
Au décès de l’usufruitier initial, l’usufruit passe au bénéficiaire désigné sans formalités supplémentaires. Le nouveau bénéficiaire exerce alors, jusqu’à son propre décès, tous les droits et obligations liés à l’usufruit sur le bien, de la même manière que le premier usufruitier.
Les nus-propriétaires ne deviennent pleinement propriétaires qu’au décès du dernier usufruitier.

Pourquoi faire une réversion d’usufruit ?
1 – Protéger son conjoint survivant
La réversion d’usufruit est particulièrement adaptée si vous souhaitez protéger votre conjoint après votre disparition.
En intégrant une clause de réversion d’usufruit entre époux dans l’acte de donation, vous lui garantissez par exemple le droit de continuer à vivre dans le domicile conjugal sans risque d’en être expulsé, si vous en avez la donation en nue-propriété. De plus, si le bien objet du démembrement de propriété génère des revenus, votre conjoint pourra continuer à les percevoir après votre mort.
Cette disposition ne remet pas en cause l’héritage de vos enfants. Ceux-ci retrouveront la pleine propriété du bien au décès du dernier parent.
Exemple
Votre père est l’unique propriétaire de la résidence principale. Il vous en donne la nue-propriété mais conserve l’usufruit, ce qui lui permet d’habiter dans le logement jusqu’à son décès. Néanmoins, il stipule une réversion d’usufruit au profit au profit de sa nouvelle compagne. Au décès de votre père, votre belle-mère sera la nouvelle usufruitière et pourra continuer à habiter le logement. Au décès de votre belle-mère, vous deviendrez l’unique et plein propriétaire du bien.
À noter qu’en cas de divorce, l’usufruit successif ne sera pas remis en cause. Il est donc nécessaire de le révoquer. Encore faut-il y penser …

Simplifiez-vous la vie, évitez un oubli et des complications futures en cas de divorce : insérez directement dans l’acte de donation initial une clause de révocation automatique en cas de séparation ou de divorce.
2 – Réduire les droits de succession
Lors d’une donation de la nue-propriété, les droits de donation sont calculés uniquement sur la valeur de la nue-propriété transmise. Cette valeur est déterminée en fonction de l’âge du donateur, par application de l’article 669 du Code général des impôts : plus l’usufruitier est jeune, plus la valeur de la nue-propriété est faible, et donc plus les droits de donation sont réduits.
Les droits de donation sont calculés en fonction du lien de parenté qui lie le donateur et le bénéficiaire ; donc généralement le parent donateur et l’enfant bénéficiaire. Il existe des abattements légaux qui permettent la réduction des droits de donation.
➡️ Grâce à cette donation, la fiscalité est réduite car :
- les droits de donation sont calculés sur une base plus faible que les droits de succession (= valeur de la nue-propriété),
- les droits de donation sont calculés sur la valeur du bien au jour de la donation, et non pas au jour du décès. Donc, si le bien prend de la valeur, c’est avantageux pour les enfants,
- le bien échappe aux droits de succession au décès de l’usufruitier initial et de l’usufruitier final.
Au décès de l’usufruitier initial, la réversion est soumise aux droits de mutation par décès. On vous explique cela dans le paragraphe « fiscalité » ci-dessous. Toutefois, les conjoints survivants et les partenaires de Pacs bénéficient d’une exonération totale des droits de succession, ce qui leur permet de devenir usufruitiers en second sans avoir de droits à payer.
Lire aussi : Toutes les solutions pour minimiser les droits de succession à votre décès.
3 – Gratifier une tierce personne ou soutenir une association
En théorie, il est tout à fait possible de prévoir une réversion d’usufruit au profit d’un tiers.
Par exemple, vous pourriez transmettre la nue-propriété de votre patrimoine à vos enfants et stipuler dans l’acte de donation qu’après votre décès, l’usufruit d’un appartement sera reversé à votre concubin ou l’usufruit d’un local sera destiné à soutenir une association.
Attention cependant car, d’un point de vue fiscal, nommer un tiers comme bénéficiaire de la réversion de l’usufruit peut être une opération très coûteuse (pour le bénéficiaire). En effet, lorsque le bénéficiaire ne présente aucun lien familial avec le défunt, il doit payer des droits de succession à hauteur de 60 % de la valeur de l’usufruit. Toutefois, certaines associations sont totalement exonérées de droits de succession.
Comment faire une réversion d’usufruit ?
Actes constitutifs d’une réversion d’usufruit
1 – Les donations
- Donation de la nue-propriété avec réserve d’usufruit et réversion
Comme indiqué dans notre article, le cas le plus courant est la donation de la nue-propriété du bien à une ou plusieurs personnes (souvent les enfants), avec réserve d’usufruit au profit du donateur.
Une clause de réversion est intégrée, stipulant qu’à la mort de l’usufruitier initial, l’usufruit sera transféré à une autre personne désignée, comme le conjoint survivant.
Ainsi, à la mort du dernier des parents, les enfants récupèrent la pleine propriété du bien immobilier.
- Donation de la nue-propriété et de l’usufruit à des personnes différentes avec réversion
Dans des cas plus rares, il est possible de donner la nue-propriété à une personne et l’usufruit à une autre, avec une clause de réversion prévoyant le transfert de l’usufruit à une troisième personne après le décès de l’usufruitier initial.
Exemple :
Monsieur X donne la nue-propriété de son appartement à sa sœur et l’usufruit à son frère. Une clause de réversion est prévue pour qu’au décès du frère, l’usufruit soit transféré à une association caritative pendant une durée spécifiée.
2 – Les successions
La réversion d’usufruit peut aussi naître d’une succession. C’est le cas lorsqu’une personne décède alors qu’elle possédait des biens en nue-propriété, et laisse un conjoint survivant et des enfants. Si le conjoint survivant opte pour l’usufruit de la succession, il est usufruitier en concurrence avec l’usufruitier primaire. Il y a donc un usufruit successif et le conjoint survivant devient usufruitier seulement au décès du parent usufruitier initiale. Quant aux enfants nus-propriétaires, ils ne deviendront pleins propriétaires qu’au décès du dernier usufruitier.
Lire aussi : Quand et comment rédiger un testament ?
Les conditions pour mettre en place une donation avec réversion d’usufruit
- Être propriétaire du bien : vous ne pouvez pas constituer un usufruit, et encore moins une réversion d’usufruit, sur un bien inexistant au moment de la donation.
- Stipulations expresses : la réversion d’usufruit doit être clairement stipulée dans l’acte constitutif, et le bénéficiaire expressément désigné.
- Acceptation formelle du bénéficiaire de la réversion du vivant du donateur.
- Délai : l’usufruit successif s’ouvre lorsque l’usufruit primaire s’éteint (par le décès ou au terme prévu).
- Obligation de passer devant un notaire : l’acte constitutif de l’usufruit et sa réversion nécessite l’intervention d’un notaire.
La fiscalité : combien coûte la réversion d’usufruit ?

La réversion d’usufruit entraîne une double liquidation des droits de mutation, ce qui implique deux moments distincts de taxation. Une première imposition survient lors de la constitution de l’usufruit par donation, et une seconde au décès de l’usufruitier initial.
Fiscalité à la constitution de l’usufruit successif (par donation)
- Droit fixe lors de sa constitution
L’acte de constitution d’une réversion d’usufruit par donation est soumis à un droit fixe d’enregistrement des actes innommés, qui s’élève à 125 €. - Droits de donation sur la valeur de la nue-propriété transmise
Tout d’abord, les droits de donation sont calculés sur la valeur de la nue-propriété transmise, laquelle est déterminée en fonction de l’âge de l’usufruitier initial (le donateur) au moment de la donation. Ensuite, le calcul des droits de donation diffère en fonction du lien de parenté qui unit le donateur (usufruitier initial) et le donataire (nu-propriétaire).
Exemple : un parent, âgé de 62 ans, fait une donation d’un bien immobilier à son enfant en nue-propriété. La valeur du bien sur le marché est estimée à 200 000 €. Ainsi, par application du barème légal, la valeur de l’usufruit est de 40 % et celle de la nue-propriété à 60 %. Les droits de donation seront donc calculés sur 120 000 €, en appliquant les tarifs des donations entre parent et enfant.
- Frais de notaire
La constitution d’une réversion d’usufruit implique également le paiement de frais de notaire, qui comprennent.
Fiscalité au décès de l’usufruitier
1. Calcul des droits de succession
La réversion d’usufruit est soumise aux droits de mutation par décès, conformément à l’article 796-0 quater du Code général des impôts. Cette opération est donc taxable au décès du premier usufruitier.
Alors, un nouveau calcul des droits de succession est effectué, basé sur le lien de parenté entre le stipulant (l’usufruitier initial) et le bénéficiaire de la réversion d’usufruit (le nouvel usufruitier) :
- S’il s’agit du conjoint survivant, ou du partenaire de PACS, il est exonéré totalement de droits de succession.
- S’il s’agit des frères et sœurs du défunt, ils sont également exonérés de droits s’ils remplissent les 3 conditions suivantes lors de l’ouverture de la succession :
- avoir plus de 50 ans ou souffrir d’un handicap les empêchant de travailler pour subvenir à leurs besoins ;
- être célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps ;
- avoir habité avec le défunt pendant les 5 années précédant le décès.
- Les autres bénéficiaires sont soumis aux droits de succession selon le barème légal, en fonction de leur lien de parenté avec le défunt (premier usufruitier).
2. Évaluation des biens
Les droits de succession dus par le nouvel usufruitier sont calculés sur la valeur des biens à la date du décès de l’usufruitier initial. La répartition de la valeur en usufruit et nue-propriété est déterminée en fonction de l’âge du second usufruitier à cette date.
3. Remboursement des nus-propriétaires en cas de trop-payé lors de la donation initiale
Nous l’avons vu précédemment, les nus-propriétaires doivent en principe payer des droits de donation lorsqu’ils reçoivent la nue-propriété du bien du donateur (sauf s’ils sont exonérés).
Or, lorsqu’il y a une réversion d’usufruit, ces droits sont recalculés !
Et, si les nus-propriétaires ont payé plus de droits de donation qu’ils n’auraient dû en payer au décès de l’usufruitier primaire, ils peuvent demander le remboursement du trop-payé. Ce montant correspond à la différence entre les droits payés initialement et ceux qui auraient été dus si la nue-propriété avait été recalculée selon l’âge du second usufruitier.
En pratique, les nus-propriétaires peuvent demander un remboursement lorsque :
- le conjoint survivant est plus jeune au jour du décès que son conjoint l’était au jour de la donation,
- et/ou le bien a perdu beaucoup de valeur entre le jour de la donation en nue-propriété et le jour du décès de l’usufruitier initial.
Si au contraire, le nouveau montant des droits est plus élevé que les droits de donation initialement payés, les nus-propriétaires ne doivent aucune taxe complémentaire !
A savoir : le droit à remboursement n’est ouvert qu’aux héritiers qui ont payé eux-mêmes les droits lors de la donation de la nue-propriété. Si ces droits ont été payés par le donateur, les héritiers ne peuvent prétendre à aucune restitution.
Exemple chiffré
Madame A, âgée de 73 ans, donne la nue-propriété d’un bien immobilier évalué à 800 000 € à ses deux enfants (B et C), avec une clause de réversion d’usufruit au profit de son époux (Monsieur A). Au décès de Madame A, son conjoint survivant, âgé de 62 ans, devient le bénéficiaire de l’usufruit conformément à la clause de réversion.
1 – Droits dus au jour de la donation en nue-propriété par Madame A à ses enfants
- Valeur de l’usufruit à 73 ans : 800 000 € x 30 % = 240 000 €.
- Valeur de la nue-propriété donnée : 800 000 € x 70 % = 560 000 €, soit 280 000 € par enfant.
- Si aucune donation n’a été effectuée au cour des 15 dernières années, les enfants bénéficient chacun d’un abattement de 100 000 €.
Chaque enfant devrait donc payer 34 194 € de droits de donation. Sachez qu’ils peuvent être payer par la donatrice (Madame A).
2 – Droits dus au jour du décès de Madame A
Au décès de Madame A, la réversion d’usufruit est taxée et les droits sont à nouveau liquidés :
- La répartition entre la valeur de l’usufruit et de la nue-propriété sont calculés en fonction de l’âge du conjoint survivant, soit 62 ans. Donc, la valeur de l’usufruit est de 320 000 € (40%) et la valeur de la nue-propriété de 480 000 € (60%),
- Le conjoint survivant est exonéré des droits de succession ; il ne paie donc rien,
- Chaque enfant est réputé recevoir la nue-propriété par moitié, soit 480 000 € / 2 = 240 000 €.
Après abattement de 100 000 €, ils auraient dû payer des droits de donation de 26 194 €.
➡️La différence entre les droits de donation payés lors de la donation et la liquidation au décès de l’usufruitier initial est de. Les enfants pourraient alors en réclamer le remboursement au fisc s’ils les ont payés lors de la donation initiale.
Cas particulier : la vente d’un bien grevé d’un usufruit successif avant le décès d’un usufruitier
Que se passe-t-il si le bien dont la propriété est démembré, avec clause de réversion d’usufruit, est vendu ?
L’accord nécessaire du bénéficiaire de la réversion d’usufruit
La vente d’un bien immobilier démembré grevé d’un usufruit successif exige l’intervention et le triple consentement du nu-propriétaire, de l’usufruitier initial et du futur bénéficiaire de la réversion.
Néanmoins, le futur bénéficiaire de l’usufruit peut choisir de renoncer à ses droits si l’usufruit n’est pas encore ouvert. Cette renonciation est formalisée par un acte à enregistrer aux impôts (droit fixe de 125 €).
La répartition du prix de vente ou le report du démembrement de propriété
Par défaut, si les parties ne prévoient rien avant la vente d’un bien immobilier démembré, le prix de vente est réparti entre l’usufruitier et le nu-propriétaire. Alors, le démembrement prend fin. En pratique, le notaire évalue chaque droit démembré pour la répartition : il procède à une évaluation économique du droit d’usufruit, qui tient compte de l’âge de l’usufruitier, son espérance de vie, la nature du bien, la rentabilité. Puis, il soustrait la valeur de l’usufruit actuel à la valeur de l’usufruit successif.
Par exception, les parties peuvent convenir avant la vente d’un report du démembrement de propriété sur un nouveau bien acquis avec le produit de la vente. Nous écarterons ici la possibilité d’une réversion de quasi-usufruit sur le prix de cession, qui est discutée juridiquement et dénué de tout intérêt fiscal.
L’impôt sur la plus-value
L’usufruit successif complique le calcul des plus-values. En effet, l’administration fiscale ne précise pas quelle date et quel prix d’acquisition doivent être retenus pour le calcul de l’impôt. Néanmoins, on constate souvent un calcul basé sur la valeur vénale de l’usufruit au jour de l’ouverture de l’usufruit successif.
Questions fréquentes
Uniquement si vous le prévoyez dans un acte juridique. Dans de rares cas, l’usufruit peut se transmettre sans acte, par application automatique de la loi (hypothèse de décès d’un nu-propriétaire marié, dont le conjoint survivant opte pour l’option en usufruit de la succession).
La clause de réversion d’usufruit doit être insérée dans l’acte notarié constitutif de l’usufruit, tel qu’une donation ou un testament. À la suite d’une donation de nue-propriété, c’est uniquement le nu-propriétaire qui a le pouvoir de constituer un usufruit successif.
Il est possible de révoquer une réversion d’usufruit entre époux, notamment en cas de divorce. Cette révocation peut être automatique si une clause spécifique est incluse dans l’acte constitutif de la réversion. En revanche, la réversion d’usufruit est irrévocable pour les partenaires non mariés (partenaires de Pacs ou concubins).