Pour mémoire, les membres du G8 ont décidé de créer en 1989 un organisme intergouvernemental : le GAFI (Groupe d’Action Financière), afin de construire des politiques de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, dites LAB / FT.
Ce groupement, qui intervient aussi bien au niveau national qu’international, a publié 40 recommandations destinées à interdire l’utilisation du système bancaire pour des opérations de blanchiment.
Pour sa part, suite aux recommandations du GAFI, la France a créé en 1990 la cellule TRACFIN (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers Clandestins), rattachée au Ministère de l’économie, des Finances et de l’Industrie.
Elle a pour mission de définir et de recevoir les « déclarations de transactions suspectes » ou « déclarations de soupçon », provenant des professions assujetties.
Voyons le texte applicable et ses modalités.
La Directive Européenne 2005/60/CE
Elle vise à renforcer l’efficacité de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme en surveillant et en organisant la détection des opérations douteuses, autour de trois thèmes :
- Le droit pénal de chaque Etat doit être adapté, voire renforcé, afin que les définitions respectives du délit de blanchiment de capitaux soient suffisamment similaires pour que la coopération judiciaire internationale puisse fonctionner avec le maximum d’efficacité.
- Le droit bancaire de chaque Etat doit également être précisé et complété dans plusieurs domaines, en vue notamment :
- de renforcer les obligations actuelles d’identification des clients et les étendre, le cas échéant, aux personnes faisant appel à un prête-nom ou à une société-écran ; les institutions financières sont spécialement invitées à apporter une attention particulière à toutes les opérations complexes ou inhabituelles importantes et à tous les types inhabituels de transactions, lorsque celles-ci n’ont pas de cause économique ou licite apparente ;
- d’accroître la collaboration entre les professions financières (établissements de crédit, entreprises d’investissement, sociétés d’assurances, etc.) et les autorités compétentes, afin de détecter plus efficacement les opérations mettant en jeu des capitaux d’origine criminelle, notamment en levant le secret bancaire pour permettre la communication à ces autorités des soupçons apparus au niveau des professionnels ;
- enfin, de définir des règles applicables aux relations financières avec les paradis réglementaires qui offrent, par essence, d’importantes possibilités de blanchiment (cf. G 20).
- La coopération internationale doit être développée, notamment pour ce qui concerne les échanges d’informations entre Autorités compétentes sur :
- les méthodes et les flux de blanchiment,
- les cas suspects,
- et, dans le cadre de l’entraide judiciaire internationale, sur les enquêtes et décisions de justice telles que les saisies, confiscations, décisions de gel et extraditions.
Calendrier de Transposition
Cette Directive LBA III devait être transposée en droit français au plus tard en décembre 2007. La Commission Européenne a rappelé la France à l’ordre en juin 2010, car elle n’avait toujours pas procédé à cette transposition.
Plus précisément, cette directive concerne :
- des acteurs financiers : sociétés de gestion SGP, conseillers en investissements financiers CIF, les dépositaires centraux d’instruments financiers et les gestionnaires de systèmes de règlement et de livraison
- d’autres catégories de professionnels : avocats, notaires, comptables, commissaires priseurs, agents de change, agents immobiliers, commissaires aux comptes, conseillers fiscaux, casinos, fiduciaires, prestataires de services pour les sociétés et intermédiaires en assurance.
Son champ d’application recouvre aussi tous les fournisseurs de marchandises, lorsque les paiements en espèces dépassent 15.000 euros !
La surveillance du client est en outre étendue aux bénéficiaires effectifs de la transaction :
La 3ème directive introduit un élargissement du champ d’application de la déclaration de soupçon
Sont concernées les infractions qualifiées de « graves » : fraudes (en particulier fiscales), corruption, mais surtout financement du terrorisme et infractions exposant à une peine d'emprisonnement supérieure à un an. Ces deux derniers points sont particulièrement sensibles et il s’agira :
- d’établir et de vérifier l’identité du client et de son ayant droit, et soumettre cette relation d’affaires à une surveillance;
- de faire état des soupçons de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme à la cellule nationale de renseignement financier (TRACFIN);
- de prendre des mesures adéquates, comme assurer une bonne formation de son personnel et d’instaurer des politiques et procédures internes de prévention appropriées.
Les sociétés de gestion ont des obligations spécifiques de LBC/FT
- dans le cadre de la commercialisation des parts ou actions d’organismes de placement collectifs dont elles ont ou pas la gestion (recours mandataire ou pas) ;
- dans le cas d’un mandataire, la société de gestion peut lui déléguer ses obligations LBC/FT.
Dans le cadre de ses services d’investissement, si le mandataire n’est pas concerné par le dispositif LBC/FT alors la société de gestion doit préciser dans le contrat de mandat :
- les mesures et les procédures que le mandataire doit suivre en fonction du risque,
- la réception des informations et documents que le mandataire recueille en son nom et pour son compte ou dont il dispose dans ce cadre,
- les modalités selon lesquelles elle surveille et vérifie le respect par le mandataire de ses obligations.
La société de gestion a une obligation de contrôle des mesures mises en place par le mandataire, qui doit fournir tous les éléments nécessaires et pertinents.
LAB/FT lié à la notion de risque
La Directive détermine l’étendue des obligations de vigilance imposées aux professionnels assujettis. Les sociétés de gestion de portefeuille doivent :
- élaborer et mettre à jour une classification des risques de blanchiment
- Evaluer son degré d’exposition à ces risques
- Former le personnel sur le principe de l’approche LAB/FT par les risques et leur application concrète dans l’entreprise
Les professionnels concernés doivent évaluer les risques possibles auxquels ils sont exposés du fait des caractéristiques :
- de l’entreprise (types de produits, …) ;
- des clients et de la relation d’affaires.
Un classement en fonction de la probabilité que ces risques surviennent à partir de modèles d’informations disponibles en interne et en externe (cf. derniers rapports TRACFIN). En outre, l’AMF contrôlera si les dispositifs de gestion des risques sont bien adaptés à la réglementation et à l’entreprise concernée.
Qui est responsable de la mise en œuvre du dispositif de LAB/FT ? Selon l’article L. 561-32 du code monétaire et financier, il s’agit d’un membre de la Direction :
- dans le cas d’une personne morale, il s’agit du mandataire social habilité à représenter la société, ou le Président du Conseil d’Administration ;
- dans le cas où ce n’est pas une personne morale, le conseiller en investissement financiers est responsable avec une délégation possible à un tiers, dans les conditions fixées à l’article 315-52 du règlement général de l’AMF.
Modalités pratiques
Les professionnels concernés doivent faire suivre leurs soupçons à la cellule TRACFIN, qui est chargée de recueillir les « déclarations de soupçon » transmises par les organismes financiers et les intermédiaires immobiliers, afin de procéder à l’analyse des mouvements financiers signalés.
Dès que celle-ci met en évidence des faits susceptibles de relever d’un trafic de stupéfiants ou de l’activité d’organisations criminelles, il en est référé au Procureur de la République territorialement compétent, qui décide des suites à donner.
L’AMF doit être informée de l’identité des correspondants et des déclarants TRACFIN.
Il peut s’agir du dirigeant, ou du RCCI (Responsable de la Conformité et du Contrôle Interne), du responsable du contrôle au sein des dépositaires centraux ou des gestionnaires de systèmes de règlement et de livraison d’instruments financiers, du moment ou l’efficacité du dispositif n’est pas menacée.
Eléments à recueillir et à conserver sur les opérations douteuses
Il s’agit :
- des montants,
- de l’origine des fonds
- de la destination des sommes
- des personnes intéressées par l’opération en termes de rémunération ;
- de l’identité du donneur d’ordre, ainsi que du ou des bénéficiaires effectifs de l’opération ;
- de l’objet de l’opération, ses caractéristiques ainsi que les modalités de son exécution ;
- de la cohérence des informations recueillies.
En conclusion, une arborescence d’informations qu’il convient d’organiser en cohérence…
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