Il était attendu depuis longtemps, il est enfin arrivé. Non, je ne parle pas du Bitcoin à 1 million de dollars malheureusement ! Je parle bien du règlement européen sur les cryptos, appelé MiCA. Certaines mauvaises langues diront que l’Union Européenne est décidément la reine de la régulation. Mais je n’irai pas plus loin à ce sujet 😏.
MiCA est l’acronyme de Markets in Crypto-Assets. Il s’agit d’un projet de règlement encadrant les actifs numériques, et qui date de plusieurs années maintenant. L’objectif était de créer la première régulation mondiale applicable aux cryptomonnaies. On les appellera d’ailleurs plutôt crypto-actifs dans cet article. MiCA n’est donc pas un règlement sur la blockchain ou le Web3 dans son ensemble, mais sur les seules cryptos.
Le règlement MiCA a été adopté en 2022 et il est publié au Journal officiel de l’Union européenne depuis le 9 juin 2024. Vous pouvez retrouver son contenu via ce lien.
MiCA : la première réglementation mondiale crypto
Je vais commencer par un petit historique, afin que vous ayez quelques dates clés en tête.
MiCA : les origines du règlement crypto
Le règlement MiCA est la première initiative d’envergure, à l’échelle mondiale, pour réguler les crypto-actifs. Pour analyser son émergence, il faut se pencher sur les évolutions du marché des cryptomonnaies. Depuis le bull run de 2017, les gouvernements ont en effet été confrontés à plusieurs questions. Celles-ci concernent principalement la sécurité, la fraude et la protection des investisseurs.
Pour y répondre, l’Union européenne (UE) a donc voulu créer un cadre législatif harmonisé pour les crypto-actifs. Jusqu’à MiCA, le marché des cryptomonnaies manquait en effet de clarté réglementaire. Hormis le PSAN (Prestataire de Services sur Actifs Numériques) en France, il n’y avait pas vraiment de régulation, créant des risques pour les investisseurs. En tout cas, des risques selon le régulateur européen. L’impulsion initiale pour MiCA a ainsi été donnée par la Commission européenne en septembre 2020.
Ce règlement fait partie de sa stratégie pour la finance numérique. L’objectif principal est d’encadrer strictement, mais, selon elle, équitablement, les activités liées aux crypto-actifs. Cela inclut l’émission de tokens, notamment les stablecoins (adossés au dollar ou à l’euro par exemple), les prestataires de services et les plateformes de trading.
Les impacts concrets de MiCA se sont fait sentir dès juin 2024, en commençant par les stablecoins.
MiCA se distingue par son ambition de protéger les utilisateurs et, selon son point de vue, de stimuler l’innovation dans le secteur. Son cadre réglementaire vise donc à établir des règles uniformes à travers l’UE. Cela offre objectivement une plus grande sécurité juridique pour les acteurs du marché et renforce la confiance des investisseurs.
Les origines de MiCA reposent ainsi sur la nécessité de répondre aux défis posés par les crypto-actifs. Elles visent à créer un environnement plus sûr et prévisible pour tous les participants du marché.
L’adoption du règlement MiCA
L’adoption du règlement MiCA a suivi un processus classique au sein de l’UE. Comme indiqué dans le paragraphe précédent, le projet de règlement a été proposé en septembre 2020. Le Parlement européen et le Conseil de l’UE ont ensuite débattu du texte.
Ces discussions visaient à affiner les propositions et à trouver un consensus. Elles furent longues et très tendues, entre les politiques et les acteurs du secteur. En mai 2022, les institutions ont finalement atteint un accord provisoire et le règlement final a été approuvé en juin 2022.
Nous en parlerons dans la seconde partie, mais sachez déjà que MiCA introduit des exigences strictes pour les émetteurs de stablecoins. D’une manière générale, selon le régulateur, la croissance rapide des crypto-actifs a mis en lumière les risques de fraude et d’abus. En réglementant ce secteur, l’UE cherche ainsi à créer un environnement plus sûr pour les investisseurs.
Les arnaques et la fraude sont un véritable fléau pour les investisseurs crypto, j’en suis bien d’accord. Mais je trouve que certains oublient bien vite que les fraudes à la carte bancaire et l’économie au noir n’ont pas attendu l’arrivée du Bitcoin pour sévir.
En conclusion, l’adoption de MiCA marque un tournant dans la régulation des crypto-actifs. Cela reflète l’engagement de l’UE à protéger les consommateurs tout en encourageant, selon elle, l’innovation. Oui, vous verrez dans la partie inconvénients que tous les acteurs ne partagent pas cet avis.
L’entrée en application du règlement crypto MiCA
Après son adoption en juin 2022, MiCA prévoit une mise en œuvre progressive avec des dates spécifiques pour différentes parties du règlement. Ainsi, son entrée en vigueur est officiellement au 30 juin 2023. Mais pas son entrée en application. Rassurez-vous les non-juristes, on vous explique tout ça !
L’entrée en application d’un règlement signifie que ses dispositions deviennent juridiquement contraignantes. En gros, elles doivent être respectées par les entités concernées. Or, un règlement peut prévoir que l’entrée en vigueur ne soit pas équivalente à l’entrée en application. Oui, le règlement existe, mais il n’est pas applicable ! Il le sera à la date ou aux dates indiquées dans le texte.
Ainsi, dans MiCA, les règles pour les stablecoins sont applicables depuis le 30 juin 2024. Pour les autres tokens et les prestataires de services, les règles s’appliqueront à partir du 30 décembre 2024. Par ailleurs, les entités déjà opérationnelles avant le 30 décembre 2024 peuvent continuer leurs activités sous les lois nationales existantes jusqu’au 1er juillet 2026, ou jusqu’à ce qu’elles obtiennent ou se voient refuser une autorisation MiCA. Cela concerne par exemple les PSAN déjà enregistrés ou certifiés en France.
⌛ En somme, l’entrée en application définitive de l’ensemble du règlement MiCA pour tous sera, au plus tard, le 1er juillet 2026.
Quels sont les principaux points à connaître du règlement MiCA sur les cryptos ?
Après avoir donné le contexte, je vais maintenant aborder le fond.
Le champ d’application du règlement
Le règlement MiCA couvre un champ d’application très large, mais pas exhaustif. Tout d’abord, MiCA s’applique aux émetteurs de tokens et aux prestataires de services sur crypto-actifs. Ces derniers sont désignés par l’acronyme CASP pour Crypto-Asset Service Provider. L’équivalent anglais du PSAN. MiCA s’applique également aux stablecoins, comme les tokens de référence d’actifs (ART, Asset-Reference Tokens) et les jetons de monnaie électronique (EMT, E-money tokens).
MiCA impose des obligations de transparence, de divulgation et de supervision pour les émetteurs de tokens. Les CASP doivent aussi obtenir une certification pour opérer sur le territoire de l’UE. De plus, des obligations de fonds propres sont également présentes dans le règlement.
Bref, en gros, une bonne partie du secteur des crypto-actifs semble concernée. Mais certains actifs sont toutefois exclus du champ d’application de MiCA. En premier lieu, les NFTs sont exclus du champ d’application s’ils sont uniques et non fongibles. Par conséquent, les NFTs fractionnés ou émis “en grande série” peuvent être couverts par MiCA. Nous attendons encore des précisions sur cette “grande série”.
De plus, les projets de finance décentralisée (DeFi) sont en grande partie exclus de MiCA, à moins qu’ils ne soient partiellement centralisés. Les services DeFi complètement décentralisés, sans intermédiaire, ne tombent pas sous la régulation de MiCA. Cette exclusion vise à ne pas freiner l’innovation dans le domaine de la DeFi, tout en reconnaissant les défis de régulation associés.
C’est pour cela qu’on parle déjà d’un MiCA 2 en Europe. Mais nous n’y sommes pas encore.
Il n’y a pas qu’au cinéma qu’on aime les suites ! Bâle 2, Bâle 3, Solvency 2… les régulateurs financiers aussi veulent leur trilogie 😉.
Une forte régulation des stablecoins
Le règlement MiCA impose une régulation très stricte aux stablecoins. Ces derniers sont séparés entre ART et EMT, comme indiqué précédemment. Les premiers sont des crypto-actifs conçus pour maintenir une valeur stable en se référant à la valeur d’autres actifs, tandis que les seconds visent à maintenir une valeur stable en se référant à une seule devise officielle. Nous avons donc 2 types de stablecoins dans MiCA.
Par ailleurs, les émetteurs de stablecoins doivent désormais obtenir une autorisation préalable pour opérer dans l’UE. Cette autorisation implique le respect de conditions strictes en matière de transparence, de gouvernance et de sécurité des fonds. Les émetteurs doivent notamment maintenir des réserves suffisantes pour garantir la stabilité des stablecoins et protéger les utilisateurs contre les risques de défaillance.
Ces obligations ont suscité des critiques. Ainsi, Paolo Ardoino, CEO de Tether, a exprimé des préoccupations concernant l’exigence de MiCA de maintenir 60 % des réserves de stablecoins en dépôts bancaires. Ardoino estime que cela pourrait augmenter les risques des opérations des stablecoins, notamment en cas de défaillance bancaire, puisque les dépôts ne bénéficient d’une assurance que jusqu’à 100 000 euros.
Il faut se dire que beaucoup de stablecoins existants début 2024 ne remplissent pas les critères de MiCA. L’avenir est donc très incertain en Europe pour certains d’entres eux.
La création d’une certification européenne ou “PSAN européen”
Le règlement MiCA introduit une certification européenne pour les CASP. Cette certification, qu’on appelle communément en France « PSAN européen », vise à harmoniser les normes et à renforcer la sécurité du marché des crypto-actifs au sein de l’UE.
Pour obtenir cette certification, les CASP doivent remplir plusieurs obligations. Ils doivent notamment respecter des exigences strictes de transparence et de gouvernance. Les PSAN doivent aussi garantir la sécurité des fonds des clients, se conformer aux règles anti-blanchiment et procéder au KYC des clients dès le premier euro. Enfin, il y a une obligation de disposer de fonds propres… sans indiquer de montant précis !
Les PSAN certifiés bénéficieront d’un passeport européen, leur permettant d’offrir leurs services dans toute l’UE, sans nécessiter d’autres autorisations nationales. Dit autrement, un acteur enregistré en France ou en Lituanie, c’est la même chose pour l’accès au marché européen. La certification vise à accroître la confiance des investisseurs en offrant une garantie de conformité aux normes européennes.
L’utilisation du passeport européen est déjà monnaie courante au sein de l’Union Européenne. Par exemple, les néobanques ont pour la plupart obtenu une licence dans un pays européen, pour attaquer ensuite le continent sans avoir à s’acquitter d’autres formalités.
L’obtention de la certification PSAN européen implique des coûts et des efforts très (trop ?) importants pour les CASP. Les petites entreprises vont probablement trouver ces exigences trop contraignantes et nous en reparlerons dans la partie inconvénients.
Sachez que des acteurs comme Binance, Bitvavo, Bitpanda ou Coinhouse, déjà enregistrés en France, ont jusqu’au 1er juillet 2026 pour se conformer à MiCA.
Les avantages du règlement crypto MiCA
Nous avons déjà évoqué beaucoup des supposés avantages de MiCA. Tout d’abord, il crée un cadre réglementaire harmonisé, réduisant les disparités entre les régulations nationales. Cela permet aux entreprises de crypto d’opérer plus facilement à travers les frontières et d’accéder à un marché unique plus vaste.
MiCA renforce également la protection des consommateurs. En effet, le règlement impose des exigences strictes de transparence et de gouvernance. Cela protège les investisseurs contre la fraude et les pratiques abusives. Les consommateurs bénéficient ainsi d’une meilleure information sur les risques associés aux cryptos.
Enfin, selon l’UE, MiCA stimule l’innovation, car le cadre est clair. Mais vous allez voir que c’est plutôt un inconvénient selon certains acteurs du secteur.
Les inconvénients du règlement MiCA
Le règlement MiCA présente un inconvénient majeur. Plusieurs critiques soulignent en effet que les exigences strictes et les coûts de mise en conformité pourraient freiner l’innovation. Ils seraient même exorbitants pour les petites boîtes. Certains acteurs du marché estiment que MiCA pourrait créer des obstacles à l’entrée pour les nouveaux participants. Cela pourrait favoriser les gros acteurs au détriment des autres, et donc les Américains. Les coûts et les délais associés à l’obtention des autorisations nécessaires pourraient décourager de nouveaux acteurs de se lancer sur le marché des crypto-actifs. Cette situation pourrait donc renforcer la position des acteurs établis, au détriment de l’innovation et de la diversité du marché.
La majorité des critiques sont soit des bruits de couloir, soit des tweets ou posts Linkedin d’acteurs du secteur.
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