Chef d’entreprise, vous vous apprêtez à vendre votre société qui dispose d’une trésorerie excédentaire dont vous ne savez que faire ? Vous vous demandez quel impact cela peut-il avoir sur la cession de votre entreprise ?
Plusieurs pistes s’offrent à vous. On vous présente différents scénarios, avec leurs conséquences pratiques, juridiques et fiscales. Pour savoir que faire de la trésorerie, lisez notre article ⤵️
Cet article ne concerne que les sociétés relevant de l’impôt sur les sociétés (IS).
Déterminer la trésorerie nécessaire de celle non-nécessaire à l’activité de l’entreprise
La trésorerie de votre entreprise peut provenir de différentes sources :
- bénéfices mis en réserve,
- besoin en fonds de roulement négatif,
- comptes courants d’associés,
- …
Votre repreneur aura besoin de la trésorerie nécessaire au bon fonctionnement de la société et c’est toujours rassurant de présenter une société qui a une trésorerie confortable.
En revanche, la trésorerie non-nécessaire ne sera guère utile au repreneur et elle augmente le prix de cession de votre société.
Votre tâche est donc de faire une analyse fine des comptes, avec l’aide d’un conseil le cas échéant, pour déterminer quelle est la trésorerie celle nécessaire, à laquelle il n’est pas conseillé de toucher (en général le BFR avec une marge de sécurité). En effet, sortir ces montants pourrait entrainer des difficultés lors de la reprise postérieure.
Une fois cette distinction faite, vous êtes donc confronté à une alternative concernant la trésorerie non-nécessaire ou excédentaire :
- vous pouvez soit vendre la société en laissant la trésorerie excédentaire,
- soit sortir cette trésorerie.
On vous présente les différents scénarios et dans quels cas vous auriez intérêt à envisager l’un ou l’autre.
Vendre avec la trésorerie ; quels inconvénients ?
Mécaniquement, la trésorerie excédentaire va augmenter le prix de cession de la société et donc la plus-value imposable. Elle entraîne également des difficultés de financement pour le repreneur. En effet, les banques sont plutôt réticentes à financer cette partie.
Si le repreneur ne veut ou ne peut pas financer la trésorerie disponible, sachez que vous pouvez consentir un crédit-vendeur à hauteur de ce montant. Cette opération permet au repreneur de payer le vendeur de manière échelonnée, après la vente de la société. Ainsi, vous pourriez percevoir le prix de cession (moins la trésorerie) lors de la vente mais le paiement de la créance à hauteur de la trésorerie vous sera remboursé plus tard.
Or, en tant que vendeur, vous pouvez avoir un intérêt à céder la société avec sa trésorerie :
- par simplicité afin ne pas multiplier les opérations,
- pour des raisons fiscales, la cession des titres s’avère dans certains cas plus intéressante que le perception de la trésorerie,
- pour des raisons juridiques, car vous souhaitez éviter le risque de défaillance lié à un éventuel crédit-vendeur (défaut de paiement du repreneur).
En toute hypothèse, explorez aussi les autres pistes qui s’offrent à vous avant de prendre une décision, et notamment celle de la distribution.
Faut-il distribuer la trésorerie avant la cession ?
La perception de la trésorerie se ferait dans ce cas par une distribution de dividendes. Avant d’aborder les avantages et le coût d’une telle distribution, il convient d’en rappeler les conditions légales.
Les conditions légales d’une distribution
Lorsque le capital social a été entièrement libéré, les réserves légales et statutaires constituées et les pertes antérieures apurées, la distribution des dividendes peut être réalisée en prélevant les sommes sur :
- le bénéfice distribuable de l’année,
- les réserves distribuables (bénéfices des années antérieures mis en réserve),
- le report à nouveau créditeur.
Limites : il est impossible de distribuer les réserves légales et statutaires. En outre, la distribution ne peut pas engendrer la réduction des capitaux propres de la société (capital social + réserves légales).
Quand et comment procéder à la distribution ?
En principe, c’est lorsque l’assemblée générale annuelle des actionnaires se réunit pour approuver les comptes qu’est décidée la distribution ou la mise en réserve (seule compétente en la matière).
Néanmoins, tout représentant de la société peut convoquer l’assemblée des actionnaires (extraordinaire) pour voter une distribution exceptionnelle de dividende. Celle-ci peut intervenir jusqu’à 9 mois après la clôture de l’exercice.
Les avantages
Distribuer la trésorerie excédentaire vous permettra de :
- purger la société et faciliter la vente au repreneur,
- percevoir les produits avant la cession de l’entreprise.
Coût fiscal
En tant qu’actionnaire personne physique, la distribution de dividendes sera imposée à la flat tax. Vous paierez ainsi 12,8% d’impôt sur le revenu et 17,2% de prélèvements sociaux.
Si les distributions ont pour effet d’augmenter votre revenu fiscal de référence, qui excède alors 250 000 euros (célibataire) ou 500 000 euros (couple marié ou pacsé), vous serez aussi redevable de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.
➡️ Donc, avec le prélèvement forfaitaire unique, le taux maximum d’imposition sera de 30% à 34%.
Sachez que vous avez aussi la possibilité d’opter pour l’imposition au barème progressif, bien que cette option soit rarement avantageuse. Pour en savoir plus, lisez notre article sur la fiscalité des valeurs mobilières.
Saviez-vous qu’il existe encore des alternatives à la distribution de dividendes ? Certaines permettent même de réduire encore le coût fiscal.
A noter : si vous avez procédé à une opération d’apport en report dans le cadre de l’article 150 0 b ter du Code général des impôts et que vous cédez l’entreprise dans les 3 ans de l’apport, vous devez impérativement réinvestir le prix de cession pour ne pas perdre l’avantage fiscal. Dans ce cas, ne distribuez surtout pas les dividendes !
Pour plus d’informations, notamment sur les régimes de faveur applicables, consultez notre article dédié à la fiscalité de la cession d’entreprise.
Les alternatives pour assurer la cession d’entreprise
Le remboursement des comptes courant d’associés
Si vous êtes titulaire d’un compte courant d’associé créditeur car vous avez prêté de l’argent à votre société, envisagez en priorité leur remboursement. En effet, cela permettre de purger les comptes et ce flux ne sera soumis à aucune imposition puisqu’il s’agit d’un remboursement de dette.
Attention, en contrepartie, la valorisation de la société sera augmentée (la dette en compte courant vient en déduction de la valeur brute d’entreprise).
L’option pour la réduction de capital plutôt que la distribution de dividendes
La réduction de capital social permet de réajuster celui-ci à l’activité de l’entreprise. Cette opération se conçoit donc parfaitement avant une cession. Et en plus, elle peut coûter moins cher que la flat tax !
✅ En effet, si vous êtes éligible à un régime de faveur relatif aux petites et moyennes entreprises (PME), vous pouvez bénéficier d’un abattement pour durée de détention proportionnel ou fixe :
- abattement renforcé pour acquisition des titres de jeune PME : 50% entre 1 et 4 ans de détention des titres, 65% entre 4 et 8 ans de détention, 85% après 8 ans de détention des titres. Les gains nets sont soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu,
- abattement renforcé pour dirigeant de PME partant à la retraite : 500 000 euros d’exonération. Les gains nets sont soumis soit à la flat tax, soit au barème progressif.
Pour être éligible, ces titres doivent notamment avoir :
- été acquis avant le 1er janvier 2018,
- été acquis dans les dix ans suivant la création de la PME,
- son siège social est installé dans l’UE ou dans l’Espace Économique Européen,
- elle exerce une activité commerciale, artisanale, industrielle, agricole ou libérale.
➡️ Ainsi, vous pouvez alléger considérablement votre impôt :
- si vous avez détenu les titres pendant plus de 8 ans, avec le régime des PME, vous divisez par deux le montant de l’impôt sur le revenu par rapport à la flat tax (abattement de 85% et tranche marginale de 45 % = 6,75%),
- si vous partez à la retraite, vous pouvez même être entièrement exonéré d’impôt sur le revenu jusqu’à 500 000 euros, soit une économie de 12,8% par rapport à la flat tax.
- en toute hypothèse, les prélèvements sociaux restant dus, à hauteur de 17,2%.
✅ Et bonne nouvelle, ces abattements renforcés s’appliquent également lors de la cession des titres de votre PME au repreneur.
Attention : ces deux abattements ne sont pas cumulables entre eux. Lorsque vous optez pour l’application du barème progressif de l’impôt, cela entraîne l’imposition de l’ensemble des revenus financiers du foyer au barème. Vérifiez si vous êtes éligible et faites des simulations pour déterminer quel est le régime le plus avantageux, avec l’aide d’un conseiller fiscal le cas échéant.
Les autres alternatives
Pour faciliter la vente, vous pouvez aussi envisager les options suivantes :
- une cession de la trésorerie via un crédit-vendeur : si le repreneur ne trouve pas de financement pour la reprise de trésorerie par exemple. Mais cette option ne vous avantage pas spécialement car vous devez immédiatement payer l’impôt sur la plus-value, votre paiement réel est différé dans le temps et vous fait donc courir un risque de défaillance du débiteur. Sachez toutefois que vous pouvez demander à l’administration fiscale un étalement de l’impôt afférent au montant de la créance de crédit-vendeur,
- éventuellement, réaliser de nouveaux investissements (renouvellement du matériel, etc) si la banque ne bloque pas sur le montant de l’investissement mais uniquement sur le financement d’une trésorerie excédentaire.
Placer la trésorerie avant la cession : vigilance !
Si vous souhaitez placer la trésorerie excédentaire en attendant la vente de votre entreprise, privilégiez plutôt les placements liquides, à court et à moyen terme. En effet, l’acquéreur devra pouvoir les débloquer s’il en a besoin, dès la reprise.
Par exemple, vous pouvez opter pour des comptes à terme si l’échéance fixée est dans quelques semaines ou quelques mois.
Si l’horizon est plus long, envisagez le contrat de capitalisation, les obligations et/ou les actions via un compte-titres, les SCPI en usufruit et les SCPI en pleine propriété.
✅ J’ai fait un comparatif complet des différents placements de la trésorerie d’entreprise. J’ai synthétisé pour vous les horizons de placement, la liquidité, la fiscalité, les avantages/inconvénients de 6 supports financiers et sélectionné certains partenaires.
Le cas particulier de l’apport-cession
Si vous avez procédé à un apport de titres à une société que vous contrôlez (holding) et qui relève de l’IS, vous avez peut-être bénéficié d’un report d’imposition de la plus-value (sous le régime de l’article 150 0 b ter du Code général des impôts).
Si votre holding vend les titres apportés dans les 3 ans suivants l’apport, vous devez alors impérativement réinvestir au moins 60% du produit de cession pour ne pas perdre l’avantage fiscal !
Dans ce cas, vous pouvez distribuer des dividendes jusqu’à 40% du produit de cession, mais vous allez être imposé à la flat tax.
Enfin, pour en savoir plus sur l’apport-cession, lisez nos articles dédiés :
- l’opération d’apport-cession et le report d’imposition,
- les options de réinvestissement après la cession de la filiale.
Conclusions
Pour savoir si vous devez laisser la trésorerie excédentaire ou la sortir avant la vente de votre société, vous devez en priorité définir le rôle de cette trésorerie pour les besoins de l’entreprise.
Ensuite, la stratégie à adopter va dépendre des paramètres suivants :
- possibilité ou non pour le repreneur d’acheter avec la trésorerie excédentaire,
- existence ou non de comptes courants d’associés à rembourser,
- possibilité ou non de distribuer des dividendes,
- éligibilité ou non à des régimes fiscaux de faveur.
Ces diverses option peuvent aussi être combinées entre elles pour optimiser la vente.
En tous les cas, il est très important dans cette étape de se faire accompagner non seulement par votre expert-comptable mais également par un conseil fiscal.
Tableau récapitulatif des options
Opération | Avantages | Inconvénients | Quand y procéder ? |
---|---|---|---|
Distribution de dividendes | Purge la société de la trésorerie excédentaire et facilite la cession | Imposition au PFU (30%) | Quand il y a un bénéfice ou des réserves distribuable et que vous n’êtes pas éligible à un régime de faveur PME |
Remboursement du compte courant d’associé | Vous récupérez les sommes prêtées à la société par la passé, sans aucune fiscalité | Augmente d’autant la valeur d’entreprise | Quand le repreneur peut financer l’acquisition majorée de la valeur de la créance |
Réduction de capital social par rachat d’action | Réajustement du capital à l’activité de la société et réduction du coût fiscal dans certains cas | Imposition (flat tax ou barème progressif et prélèvements sociaux), max 30% | Quand vous pouvez bénéficier des abattements renforcés pour cession de titres de PME ou dirigeant de PME partant à la retraite |
Crédit vendeur | Facilite la cession et potentielle rémunération élevée (taux d’intérêt) | Paiement échelonné, risque de défaillance et paiement immédiat de l’impôt (sauf demande d’étalement) | Quand vous peinez à trouver un repreneur |
Réinvestissement | Pérennité de l’exploitation | Ne facilite pas la cession, pas d’optimisation financière (placements) | Quand le repreneur peut financer la reprise |
Questions fréquentes
Vous pouvez récupérer la trésorerie d’une entreprise en procédant à la distribution de dividendes, au remboursement de votre compte courant d’associé si vous avez prêté de l’argent ou à la réduction de capital social. Attention, vous ne devez pas mettre en danger la santé de la société en y procédant.
Tout dépend de la capacité d’acquisition du repreneur. Soit vous vendez la société avec la trésorerie, soit vous sortez la trésorerie excédentaire avant la vente. Dans cet article, nous abordons les conséquences pratiques, juridiques et fiscales de ces options.
Les associés. Dans certains cas, les dirigeants qui ont prêté de l’argent à l’entreprise.