La société civile est une forme d’association très connue des professions libérales. Mais c’est aussi un outil intéressant pour se constituer et gérer son patrimoine personnel, qu’il soit financier ou immobilier.

Or, dans certains cas, un ou des associés sont amenés à en céder les parts. Cette intervention peut intervenir dans le cadre d’une vente, d’un échange ou d’une donation. Quelles sont alors les formalités à respecter et la fiscalité ? On vous donne ici le mode d'emploi pour la cession des parts de votre société civile.

Qu’est-ce qu’on entend par la cession des parts d’une société civile ?

En langage juridique, la cession est le transfert de ses droits de propriété sur une chose au profit d’une autre personne. Il existe deux types de cessions :

  • la cession à titre gratuit : c’est une donation, c’est-à-dire le transfert de propriété sans contrepartie (on appelle cela une libéralité),
  • la cession à titre onéreux : c’est la vente ou l’échange, et donc un transfert de propriété en contrepartie d’une somme d’argent ou d’un autre bien.

Pourquoi effectuer une cession des parts de société civile ?

Dans certains cas, la cession des parts est forcée ; c’est notamment l’hypothèse d’un associé d’une société civile professionnelle qui arrête son activité. En général, les statuts ou un pacte d’associé vont l’obliger à céder ses parts aux associés poursuivant l’activité professionnelle ou éventuellement à un tiers agréé.

Ensuite, lorsque la cession intervient à titre gratuit (donation), l’objectif du donateur est de transmettre son patrimoine et d’anticiper sa succession. Cette opération présente des avantages fiscaux non-négligeables, notamment lorsque vous procédez à une donation en démembrement.

Enfin, dans de plus rares cas, la vente des parts d’une société civile patrimoniale peut intervenir pour des raisons financières. En effet, parfois, la vente des parts est plus avantageuse que la cession des actifs sous-jacents. C’est par exemple le cas d’une société civile immobilière constituée depuis longtemps, mais qui aurait acquis un bien depuis peu. Attention, cette opération peut néanmoins être requalifiée par le fisc.

Quelles sont les formalités à respecter ?

L’entrée d’un nouvel associé dans une société civile est très codifiée, la procédure peut être longue et semée d'embûches administratives.

L’évaluation des parts de la société civile

La première étape est l’évaluation des parts à céder. Le principe est la libre détermination du prix de cession entre les parties. Néanmoins, l’évaluation doit se faire selon des critères objectifs. En général, la valorisation des titres est déduite de l’actif net de la société (actif – passif). Une décote est appliquée aux parts minoritaires et lorsque les statuts ou un pacte d’associé contraignent fortement les associés.

Si des opérations sur le capital ont été effectuées dans les mois précédents, vous pouvez vous appuyer sur les évaluations des titres, à condition qu’ils confèrent des droits équivalents aux titres à céder. Par exemple, si une augmentation de capital a été effectuée récemment, la valorisation des titres à céder ne devrait pas trop s’en éloigner – sauf si un événement est intervenu entre-temps et peut justifier une hausse ou une baisse de valeur du titre.

Une fois le prix de vente ou la valeur de la donation arrêtée, il faut encore obtenir l’agrément des associés.

L’agrément des associés à la cession des parts de société civile

La deuxième étape est la validation du nouvel associé entrant par les associés présents ; c’est la procédure d’agrément. En effet, la loi fait de la société civile une société fermée par définition puisque tout nouvel entrant doit être approuvé à l’unanimité des associés (article 1861 du Code civil). Toutefois, les statuts peuvent prévoir des règles dérogatoires d’approbation, par exemple l’agrément du seul gérant.

Notez que les cessions de parts au profit des membres de votre famille (descendants et ascendants) ne sont pas soumises à l’agrément des associés, sauf dispositions statutaires contraires.

Enfin, le projet de cession doit être notifié avec demande d’agrément à la société et aux associés. La validation des associés intervient alors soit lors d’une assemblée générale, soit d’un acte séparé. Si aucune réponse n’est donnée dans un délai de 6 mois, l’agrément est réputé acquis.

Attention, les sociétés civiles professionnelles regroupent des membres d’une même profession réglementée et, par conséquent, ne peuvent pas accueillir de nouveaux associés qui n’exerceraient pas ce métier.

L’établissement de l’acte de cession ou de donation de parts

L’acte de cession de parts d’une société civile est toujours un acte écrit. Il peut être établi sous seing privé ou en la forme notariée. S’il s’agit d’une donation, la forme notariée est obligatoire. Alors, des taxes sont applicables (voir la partie fiscalité ci-dessous pour plus de détails).

Ces actes de transfert de propriété doivent être rendus opposables, c’est-à-dire portés à la connaissance des tiers. Ainsi; une série de procédures est exigée.

La notification de la cession et la modification des statuts de la société civile

Pour que la cession soit opposable à la société tout d’abord, l’acte de cession doit être notifié à la société civile :

  • soit par voie de signification par acte d’huissier,
  • soit par acceptation dans un acte authentique,
  • soit par un simple transfert sur les registres de la société si les statuts le stipulent.

Ensuite, pour que cette cession soit opposable aux tiers, une publication de l’acte doit être faite au registre du commerce et des sociétés (RCS) et enregistrée auprès de l’administration fiscale.

Enfin, le changement d’associé doit être mentionné dans les statuts et entraîne une modification. Cette modification statutaire doit être publiée au greffe. Sachez que vous pouvez effectuer cette formalité par internet.

A savoir : si les parts sociales cédées sont des biens communs aux époux, il est nécessaire de recueillir le consentement de son conjoint pour pouvoir céder les parts. Quant à l’acquéreur, s’il emploie des biens communs pour acquérir les parts de la société, il est tenu d’en avertir son conjoint et de justifier de cette information dans l’acte d’achat.

Cession de parts de société civile : quelle fiscalité ?

Les coûts liés à la transmission de la propriété sont différents selon l’opération : soit vous vendez vos titres, soit vous procédez à une donation.

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Impôts dûs lors de la vente des parts

Lors de la vente des titres, des taxes sont dues par le cédant et par l’acquéreur. Le montant des impôts est différent selon que la société civile cédée détient une majorité de biens immobiliers ou pas.

Impôts de plus-values dûs par le cédant

Lorsque vous revendez des parts de société civile à un prix plus élevé que leur prix d’acquisition, vous réalisez une plus-value. Celle-ci est soumise à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux, en principe selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières classiques.

Toutefois, une règle dérogatoire est prévue pour la cession de parts d’une société civile composée majoritairement d’immobilier et relevant de l’impôt sur le revenu.

Sachez que vous pouvez déduire tous les frais d’acquisition et de cession pour déterminer la plus-value.

Principe : imposition à la flat tax sauf option pour le barème progressif

La vente de vos parts de sociétés civiles obéit au même régime fiscal que la vente de titres dans une société commerciale pour le calcul des impôts. Ainsi, votre plus-value sera soumise à :

➡️ C’est donc une imposition totale de 30% sur la plus-value pour le vendeur, mais vous pouvez opter pour l’imposition de la plus-value au barème progressif si c’est plus avantageux !

Pour mémoire, un abattement pour durée de détention de droit commun et un abattement spécifique peuvent s’appliquer si vos titres ont été acquis avant le 1er janvier 2018. Ils permettent de bénéficier d’une exonération à l’IR, qui peut aller jusqu’à 85% de votre plus-value !

Attention, vous pouvez être redevable de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus si la plus-value est très importante (3% à 4%). Ici, on vous explique qui sont les redevables de la CEHR.

Exception : société civile immobilière à l’impôt sur le revenu

Lorsque la société civile est majoritairement composée de biens ou de droits immobiliers, c’est un régime fiscal similaire à celui des plus-values immobilières des particuliers qui s’applique. Les taux de taxation sont les suivants :

  • 19% à l’impôt sur le revenu, après un abattement pour durée de détention à compter de la 6ème année. L’exonération totale est acquise après 22 ans de détention,
  • 17,2% aux prélèvements sociaux, après un abattement pour durée de détention à compter de la 6ème année. L’exonération totale est acquise après 30 ans de détention,
  • une surtaxe de 2% à 6% lorsque la plus-value de cession des parts excède 50 000 euros.

Dans le pire des cas, l’associé subit donc une imposition de 42,2% du montant de la plus-value à la cession. A cela, il faut ajouter la CEHR si la plus-value fait augmenter le revenu fiscal de référence du foyer au-delà de 250 000 € pour un célibataire et 500 000 € pour un couple marié ou pacsé.

✅ Notez néanmoins que l’associé qui détient sa résidence principale via une société civile et qui vend ses parts bénéficie d’une exonération totale.

✅ De plus, le décompte de l’abattement pour durée de détention est calculé à partir de la date d’acquisition des parts dans la société.

Attention : ce régime ne concerne que les sociétés civiles à prépondérance immobilière relevant de l’impôt sur les revenus. Elle ne concerne donc pas les sociétés immobilières imposées à l’impôt sur les sociétés, ni les sociétés de capitaux à prépondérance immobilière. Ces cessions relèvent alors du régime d’imposition classique des plus-values de cession de titres (voir ci-dessus).

A savoir : une société est considérée à prépondérance immobilière lorsque son actif est, à la clôture des 3 exercices précédant la cession, constitué pour plus de 50 % de sa valeur réelle par des immeubles ou des droits portant sur des immeubles. En revanche, ne sont pas pris en compte dans les 50% les immeubles qui sont affectés par la société à sa propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l’exercice d’une profession non commerciale.

Impôts de plus-values dûs par l’acquéreur

Celui qui aquière les parts d’une société civile doit s’acquitter des droits d’enregistrement. Leur montant varie aussi en fonction de la nature des actifs sous-jacents dans la société :

Type de société civileTaux des droits d’enregistrement
Société à prépondérance immobilière (SPI)5%
Sociétés civiles autres qu’à prépondérance immobilière3%
Taux des droits d’enregistrement

L’assiette fiscale est la valeur des parts de la société transmises pour les SPI. En revanche, un abattement de 23 000 euros s’applique de manière particulière pour les cessions des autres droits sociaux.

Par exemple, si vous détenez 500 parts d’une société civile composée de 600 parts sociales, vous appliquez l’abattement comme suit : 23 000 / 600 parts = 38,33 € par part. 500 parts x 38,33 = 19 167 euros. Admettons que vous cédiez vos 500 parts pour un prix de 50 000 euros, les droits d’enregistrement s’élèveront à : 50 000 – 19 167 x 3% = 925 euros.

Déclarations auprès de l’administration fiscale à effectuer

Lorsque vous vendez des parts de sociétés civiles à prépondérance immobilière, il faut impérativement passer devant le notaire. Dans ce cas, il prélève l’impôt lors de la cession, et effectue les formalités auprès du fisc. Ainsi, il remplit le formulaire 2048-IMM et vous en donne une copie. N’oubliez pas de mentionner le montant de votre plus-value lors de votre déclaration des revenus au printemps suivant (case 3VZ).

En revanche, si vous cédez des parts de sociétés civiles dont l’actif n’est pas principalement composé de biens immobiliers, un acte notarié n’est pas obligatoire. Un simple acte sous seing privé est valide juriquement.

🚨 Alors, l’opération doit être déclarée à l’administration fiscale dans le mois qui suit la cession, soit par le cédant, soit par l’acquéreur. Vous pouvez tout faire en ligne ! Rendez-vous sur votre espace personnel impots.gouv dans la rubrique « Déclarer > Déclarer un don ou une cession de droits sociaux » ou envoyez le formulaire N°2759 au service des impôts. A défaut, vous vous exposez à des pénalités.

Au titre des subtilités déclaratives, vous devrez effectuer à la fois un enregistrement auprès du greffe du tribunal de commerce (déclaration de la modification statutaire) et un enregistrement auprès du fisc si vous ne passez pas chez le notaire pour la vente. Le formulaire fiscal de cession des parts (N°2759) ne peut pas être utilisé pour le greffe … vous devrez communiquer au greffe soit l’acte original sous seing privé, soit les statuts modifiés.

Impôts dûs lors de la donation des parts

Lorsque vous donnez les parts d’une société civile, vous n’êtes pas soumis à l’impôt de plus-value.

✅ En ce sens, la donation « purge » la plus-value.

En revanche, les droits de donation sont dus par le bénéficiaire de l’opération, après application d’un abattement qui peut atteindre 100 000 euros pour les enfants ! Aussi bien les abattements que les taux dépendent du lien de parenté entre le donateur et le donataire.

Les abattements applicables

Les abattements qui s’appliquent à une donation dépendent du lien de parenté unissant le donateur (celui qui donne) et le donataire (celui qui bénéficie de la donation) :

BénéficiaireAbattement
Enfant, parent100 000 €
Conjoint80 724 €
Petit-enfant31 865 €
Frère / soeur15 932 €
Neveu / nièce7 967 €
Arrière-petit-enfant5 310 €
Autres1 594 €
Donataire personne handicapée (abattement cumulable avec les abattements ci-dessus)+ 159 325 €
Abattements applicables lors d’une donation

Ces abattements se renouvelent tous les 15 ans. Ils peuvent être utilisés en une fois ou en plusieurs fois. En toutes hypothèses, si le donateur décède dans les 15 ans de la donation, celle-ci doit être rapportée à la succession pour calculer l’abattement applicable.

En d’autres termes, si votre enfant (héritier) a reçu plus de 100 000 euros au cours des 15 années précédant le décès, l’abattement est alors entièrement consommé et il ne bénéficiera d’aucun abattement supplémentaire pour les droits de succession. Si une seule partie a été consommée au cours des 15 dernières années, le reliquat pourra être appliqué aux droits de succession.

Les taux des droits de donation

Les taux de taxation dépendant du lien de parenté entre le donateur et le donataire :

Taxation des donations en ligne directe (parents-enfants, grands-parents-petits-enfants)
Part taxable après abattementBarème d’imposition
Jusqu’à 8 072 €5 %
De 8 073 € à 12 109 €10 %
De 12 110 € à 15 932 €15 %
De 15 933 € à 552 324 €20 %
De 552 325 € à 902 838 €30 %
De 902 839 € à 1 805 677 €40 %
Plus de 1 805 677 €45 %
Barème des droits de donation en ligne directe

Ce barème est applicable aux mutations à titre gratuit entre vifs (donations) ou à cause de mort (succession). Pour un exemple d’application de ce barème, lisez notre article sur les droits de succession.

Taxation des donations aux frères et soeurs
Part taxable après abattementBarème d’imposition
Inférieure à 24 430 €35 %
Supérieure à 24 430 €45 %
Barème des droits de donation aux frères et soeurs
Autres donations
Situations taxables après abattementBarème d’imposition
Donation entre parents jusqu’au 4e degré inclus (neveux, nièces)55 %
Donation entre parents au-delà du 4e degré et tiers60%
Barème des droits de donation aux neveux/nièces, aux parents au-delà du 4° degré et aux tiers

Les pistes d’optimisation de cession des parts sociales

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De nombreuses options sont possibles pour réduire les coûts de la vente ou de la donation de parts de sociétés civiles :

  • l’apport-cession à une holding si vous souhaitez réinvestir les bénéfices. Vous pouvez même y faire entrer vos enfants pour anticiper la transmission de votre patrimoine.
  • parfois, la vente des parts de société civile plutôt que du bien immobilier sous-jacent est plus avantageuse s’il existe une grande différence entre les délais d’acquisition. Attention, une décote est souvent négociée par les acquéreurs en raison de l’illiquidité des parts de sociétés civiles. Une comparaison doit alors être effectuée.
  • le changement de forme sociale ou de régime d’imposition, dans certaines conditions restrictives,
  • envisager des donations avant cession à vos enfants pour purger la plus-value et optimiser la transmission de votre patrimoine.
  • penser à la donation de la nue-propriété si vous souhaitez transmettre votre patrimoine à vos enfants mais continuer à percevoir les revenus (à votre retraite par exemple).
  • un achat immobilier et un emprunt combinés par une société civile familiale permettent à votre famille de se constituer un capital à long terme.

Attention, les opérations ci-dessus doivent être validées et orchestrées par un conseil habilité pour évacuer tout risque de contentieux juridique ou fiscal. Rappelons que la procédure d’abus de droit fiscal peut désormais être mise en oeuvre lorsque le fisc soupçonne que les opérations d’un contribuable ont un but principalement fiscal (et non plus exclusivement fiscal).

Dernier conseil : veillez à bien documenter les raisons pour lesquelles vous faites ces opérations !

Si vous cherchez à transmettre votre entreprise par donation, vous devriez vous renseigner ici sur le Pacte Dutreil. En effet, ce dispositif permet d’appliquer un abattement de 75% à la valeur des titres transmis.

Questions fréquentes

Quelles formalités doivent être effectuées pour la cession de parts de société civile ?

Le vendeur doit d’abord notifier son projet de vente à la société et aux associés, qui acceptent ou refusent. Une fois les négociations menées et la vente conclue, vous devez rédiger un acte écrit, soit sous seing privé soit un acte notarié (obligatoire si vente de parts de sociétés immobilières). Les statuts modifiés doivent être déposés au greffe du tribunal de commerce dont votre société dépend. Enfin, si le notaire ne l’a pas fait, déclarez à l’administration fiscale les cessions de parts sociales dans le mois qui suit, en allant sur votre espace personnel.

Comment est imposée la vente des parts de sociétés civiles ?

Si vous êtes une personne physique, la plus-value de vente sera imposée à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux (30%), sauf si la société civile a un patrimoine majoritairement composé d’immobilier. Dans ce cas, les taux d’imposition sont de 19% à l’impôt sur le revenu et 17,2% aux prélèvements sociaux, après application d’un abattement pour durée de détention. Une surtaxe de 2% à 6% peut être due si votre plus-value excède 50 000 euros. L’acquéreur doit, quant à lui, payer des droits d’enregistrement lorsqu’il acquière les parts. Ils sont de 5% pour les sociétés civiles à prépondérance immobilière et de 3% pour les autres sociétés civiles.