La transmission de votre patrimoine doit être anticipée le plus tôt possible pour être pleinement efficace. Toutefois, même une donation tardive, après l’âge de 70 ans, peut être pertinente. Les abattements fiscaux restent disponibles, et leur montant dépend de votre lien de parenté avec le bénéficiaire. Cependant, il est recommandé d’agir rapidement si vous envisagez de conserver l’usufruit des biens donnés.
Dans cet article, nous avons exploré les implications, les avantages et les risques associés à la donation de son vivant après 70 ans. Nous avons aussi identifié les meilleures pratiques pour une transmission de patrimoine, même tardive, efficace et sécurisée.
Qu’est-ce qu’une donation ?
La donation est un acte juridique par lequel le donateur (celui qui donne) transfère un bien, un droit ou des actions qui lui appartiennent à un donataire (celui qui reçoit).
✅ Le donateur se dessaisit du bien donné de son vivant, de manière irrévocable.
Ce transfert intervient à titre gratuit, sans contrepartie financière, et peut prendre 2 formes :
- La donation en avancement d’hoirie (ou en avancement d’héritage) : il s’agit d’une avance sur la part successorale lorsque la donation est consentie à un héritier réservataire. On dit qu’elle est rapportable à la succession.
- La donation par préciput et hors part : l’avantage est accordé en dehors de la succession future. Elle sert à favoriser l’un des enfants dans la limite de la quotité disponible, c’est-à-dire sans dépasser la part dont le donateur peut disposer librement. Elle n’est pas prise en compte dans la succession.
Attention, pour être valable, la donation d’un bien immobilier doit faire l’objet d’un acte authentique signé devant un notaire.
Rappel important : lorsque vous consentez une donation à l’un de vos héritiers, vous devez respecter les droits des autres héritiers réservataires, à savoir vos descendants et votre conjoint. La part réservée, appelée « réserve héréditaire » varie en fonction du nombre de vos enfants :
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- en présence de 1 enfant, la réserve est de ½ des biens ;
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- en présence de 2 enfants, elle est de ⅔ des biens ;
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- en présence de 3 enfants ou plus, elle est de ¾ des biens ;
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- en l’absence d’enfant, l’époux(se) devient héritier(e) réservataire et a droit à ¼ de la succession (hors donation entre époux le cas échéant).
Le surplus appelé « quotité disponible » peut être librement attribué au bénéficiaire de votre choix, qu’il s’agisse d’un héritier ou d’un tiers.
Il existe plusieurs types de donations :
- le don manuel qui concerne des biens meubles, c’est-à-dire des bijoux, tableaux, sommes d’argent… ;
- le présent d’usage qui permet de gratifier un proche à l’occasion d’événements spéciaux (mariage, anniversaire, fêtes de Noël, etc.) ;
- le don familial (anciennement appelé don Sarkozy) pour donner une somme d’argent à un membre de sa famille ;
- la donation simple pour transmettre un bien à un héritier ou à un tiers ;
- la donation-partage pour donner et répartir son patrimoine entre ses héritiers présomptifs.
✅ Vous pouvez aussi transmettre des sommes d’argent à vos enfants, votre époux(se) ou à un tiers en souscrivant une assurance-vie.
Donation et assurance-vie
L’assurance-vie est un placement financier à la fiscalité avantageuse, particulièrement au moment de la succession. Idéalement, il est recommandé de souscrire à l’assurance-vie avant l’âge de 70 ans, car les primes versées avant cet âge sont transmises « hors succession ». De plus, chaque bénéficiaire profite d’un abattement spécifique de 152 500 €.
Néanmoins, même si l’assurance-vie est souscrite après 70 ans et que le capital est réintégré à la succession, elle conserve des avantages fiscaux significatifs :
- Les bénéficiaires profitent d’un abattement de 30 500 € sur l’ensemble des capitaux transmis.
- Les intérêts et plus-values générés sont exonérés de droits de succession.
Pour en savoir plus sur la fiscalité de l’assurance-vie à la succession, vous pouvez consulter notre article dédié.
La donation après 70 ans : quel intérêt ?
Anticipez votre succession
Il n’est jamais trop tard pour organiser votre succession, même après avoir franchi le cap des 70 ans. En voici les deux principaux avantages :
- Vous transmettez vos biens selon votre propre volonté, à condition de respecter les règles relatives à la réserve héréditaire. En d’autres termes, vous donnez ce que vous voulez à qui vous voulez tant que vous n’entamez pas la part minimale d’héritage qui revient de droit à tous vos enfants ou à votre conjoint.
- Vous prévenez les potentiels conflits entre vos héritiers après votre décès. En effet, sans planification préalable, vos héritiers pourraient devenir propriétaires indivis de votre patrimoine. Ce statut oblige les co-indivisaires à des prises de décisions collectives, souvent source de désaccords et de litiges.
Profitez des abattements fiscaux tous les 15 ans
Les donations permettent de bénéficier d’abattements fiscaux, renouvelables tous les 15 ans, indépendamment de l’âge du donateur. Ces abattements varient en fonction de votre lien de parenté avec les bénéficiaires :
Lien de parenté | Abattement légal |
---|---|
Donation entre parents et enfants | 100.000 € |
Donation entre grands-parents et petits-enfants | 31.865 € |
Donation entre frères ou sœurs | 15.932 € |
Donation en faveur d’un neveu ou d’une nièce | 7.967 € |
Donation entre arrière-grands-parents et petits-enfants | 5.310 € |
Donation entre époux ou partenaires de Pacs | 80.724 € |
De plus, il existe une franchise de 159 325 € pour les bénéficiaires en situation de handicap, quel que soit le lien de parenté, cumulable avec les abattements précédemment mentionnés.
Diminuer les droits de succession de vos héritiers grâce au démembrement de propriété
Le démembrement de propriété est une stratégie astucieuse qui vous permet de transmettre un bien immobilier sans vous démunir, tout en allégeant la charge fiscale de vos héritiers.
En effet, vous pouvez céder la nue-propriété d’un bien tout en conservant l’usufruit. Ainsi, le bénéficiaire devient le propriétaire effectif, tandis que vous gardez le droit de jouir du logement par exemple, que ce soit en l’occupant ou en percevant les loyers s’il est loué.
En plus, cette opération présente des avantages fiscaux car, lors de la donation, les droits applicables sont calculés uniquement sur la valeur de la nue-propriété. Celle-ci est fixée en fonction de votre âge au moment de la signature de l’acte, conformément à l’article 669, I du Code général des impôts.
➡️ Plus vous êtes jeune au moment de la donation, plus la valeur de la nue-propriété est faible, et moins vous payez de droits de mutation à titre gratuit.
✅ A votre décès, l’usufruit s’éteint automatiquement. Le bénéficiaire devient pleinement propriétaire du bien, sans frais ni droits de succession à payer.
Faire des dons sans taxation avant votre décès
Les dons familiaux de sommes d’argent (anciennement dons Sarkozy) bénéficient d’une exonération totale de droits de donation.
✅ Vous pouvez ainsi donner de l’argent à des membres de votre famille jusqu’à 31 865 € tous les 15 ans sans droits à payer.
Pour bénéficier de cette exonération, plusieurs conditions doivent être respectées :
- être âgé de moins de 80 ans au moment du don ;
- et donner à un bénéficiaire majeur ou mineur émancipé ;
- faire un don en pleine propriété. Le don peut être versé en espèce, par virement, par chèque ou par mandat ;
- déclarer le don à l’administration fiscale.
Bon à savoir : il existe d’autres donations exonérées de droits :
- Les dons consentis aux victimes d’actes de terrorisme, sous conditions, sans limite de montant.
- Les dons en numéraire accordés à des militaires, sapeurs-pompiers, gendarmes, policiers et agents des douanes, blessés ou décédés dans l’exercice de leur mission.
La donation après 70 ans : quels risques ?
Une validité contestée
Selon l’article 901 du Code civil, « Pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence. »
Par conséquent, plus vous êtes âgé, plus votre donation risque d’être contestée devant les tribunaux par vos héritiers. Ces derniers pourraient remettre en cause la validité de la libéralité s’ils estiment que :
- vous n’étiez pas pleinement conscient de vos actes au moment de la donation,
- ou que celle-ci a été consentie sous contrainte ou sous l’influence d’un tiers en raison de votre vulnérabilité,
- et si, par cette donation, vous avantagez un hériter plus qu’un autre, ou un tiers.
De plus, un notaire peut refuser d’établir la donation s’il considère que vous n’êtes pas en mesure de comprendre pleinement les conséquences de votre acte en raison de votre âge ou de votre état de santé.
Pour garantir la validité des donations consenties, faites établir un certificat par un médecin expert afin qu’il atteste de votre entier discernement au moment de la donation. Ce document renforce ainsi la validité de l’acte en cas de contestation ultérieure.
Rapport à la succession des donations consenties
Les rapports civil et fiscal assurent à la fois l’équité entre les héritiers et la juste imposition des biens transmis.
Rapport civil en cas de succession
Le rapport civil vise à garantir une répartition équitable des biens entre les héritiers en réintégrant la valeur des donations et dons manuels consentis du vivant du donateur dans l’actif de succession au moment du décès. Son objectif est d’assurer aux héritiers réservataires que leur part légale d’héritage n’est pas diminuée par des donations antérieures.
A savoir : certaines donations sont exclues du rapport civil comme les donations consenties hors part successorale, les donations-partages et les legs.
Rapport fiscal en cas de succession
S’agissant du rapport fiscal, il concerne le calcul des impôts dus par les héritiers.
➡️ Si une donation a été consentie plus de 15 ans avant le décès, elle n’est pas prise en compte dans le calcul des droits de succession. Dès lors, l’héritier bénéficie à nouveau de l’abattement complet et de l’application du barème fiscal comme s’il n’avait jamais reçu la donation.
➡️ En revanche, si la donation a été consentie moins de 15 ans avant le décès, elle est prise en compte dans le calcul des droits de succession. Les abattements fiscaux sont appliqués après déduction de ceux dont l’héritier a déjà bénéficié sur la donation antérieure. De plus, les tranches du barème d’imposition déjà utilisées ne peuvent pas être à nouveau prises en compte.
A savoir : certaines libéralités ne sont pas prises en compte dans le rapport fiscal comme la donation-partage transgénérationnelle et le don familial de somme d’argent.
Requalification par l’Administration fiscale
Un donateur âgé est plus enclin à effectuer des virements successifs et fréquents à ses proches. Cependant, ces transferts peuvent être requalifiés par les services fiscaux en dons manuels soumis aux droits de succession.
En effet, l’Administration considère que tout ce que le défunt possédait l’année de son décès est inclus dans sa succession.
Pour éviter le risque de requalifiation par le fisc, pensez à :
-
- déclarer les dons manuels pour leur donner date certaine ;
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- conserver les justificatifs liés aux présents d’usage.
Comment transmettre son patrimoine après 70 ans dans les meilleures conditions ?
Recherchez la sécurité juridique
Pour garantir la sécurité et la clarté de la transmission de votre patrimoine, vous devez la planifier avec la plus grande vigilance.
Envisagez notamment la donation-partage ou le testament-partage, qui offrent une structure juridique stricte et réduisent les risques de litiges futurs.
Ces actes, rédigés par un notaire (professionnel assermenté), établissent des dispositions claires et précises concernant la répartition du patrimoine, l’identification des bénéficiaires et la valeur des biens transmis.
La donation-partage
Privilégiez la donation-partage lorsque vous avez plusieurs biens à transmettre à plusieurs héritiers présomptifs. En effet, elle permet de répartir tout ou partie de votre patrimoine de manière distincte entre eux, évitant ainsi l’indivision et garantissant une propriété définie pour chaque bien transmis.
Sachez que vous avez la liberté de conserver l’usufruit de tous les biens ou seulement d’une partie, comme votre logement, ce qui garantit votre sécurité et votre autonomie tout au long de votre vie.
De plus, l’acte de partage requiert l’accord des co-partagés, ce qui limite les conflits entre les héritiers à l’ouverture de la succession. Une fois établi, il est irrévocable et les biens deviennent immédiatement la propriété du donataire.
✅ Enfin, les biens donnés ne sont pas rapportables à la succession et leur valeur est figée au moment de la donation. C’est un avantage indéniable pour son bénéficiaire.
Le testament-partage
Il s’agit d’un acte par lequel le testateur (celui qui fait le testament) distribue son patrimoine à ses héritiers présomptifs de manière anticipée, sans pour autant se déposséder de ses biens de son vivant. En effet, l’acte ne produit aucun effet avant le décès du donateur qui peut, par ailleurs, le révoquer à tout moment jusqu’à son décès.
Contrairement à la donation-partage, les bénéficiaires ne sont officiellement informés de la libéralité qu’à l’ouverture de la succession.
Les bénéficiaires ne peuvent renoncer au testament-partage qu’en renonçant à l’intégralité de la succession.
Optimisez la fiscalité de vos donations
Voici quelques stratégies à considérer, quel que soit votre âge, pour transmettre votre patrimoine et optimiser la fiscalité des opérations :
1 – Faire des donations à hauteur des abattements fiscaux renouvelables
Tout d’abord, consultez le barème des abattements disponibles selon votre lien de parenté avec vos bénéficiaires, et planifier vos donations en fonction de ceux-ci. Sachez que ces abattements sont fractionnables et renouvelables tous les 15 ans.
Même après 70 ans, la donation demeure avantageuse, notamment au vu de l’espérance de vie en constante augmentation en France : 80 ans pour les hommes, 85,7 ans pour les femmes selon les chiffres publiés par l’Insee au 1er janvier 2024.
✅ Grâce à ces abattements, vous pouvez donner des biens d’une valeur de 100 000 €, tous les 15 ans, à chacun de vos enfants. Si vous avez 3 enfants, il est donc possible de transmettre un patrimoine de 300 000 €, sans droits de donation ! Des frais d’acte notarié s’appliquent néanmoins.
2 – Donnez la nue-propriété de vos biens
Optimisez la transmission de votre patrimoine avec le démembrement de propriété, c’est possible, même après 70 ans.
Cette stratégie vous permet de séparer l’usufruit et la nue-propriété de vos biens. C’est financièrement avantageux pour 2 raisons :
- vous conservez l’usufruit des biens : s’il s’agit de biens immobiliers, vous pouvez continuer à y habiter ou les louer. S’il s’agit d’actifs financiers, vous percevez les dividendes ou intérêts des titres. L’usufruit vous permet donc de vous assurer des revenus financiers.
- les droits de donation sont réduits : en effet, vous procédez à la donation de la seule nue-propriété du bien, et non pas sa pleine propriété. Alors, la valeur de la donation est réduite et les droits de donation avec. La valeur de la nue-propriété est fixée par la loi et augmente au fur et à mesure que l’usufruitier avance dans l’âge. Par exemple, si vous faites une donation avant vos 71 ans, la valeur de la nue-propriété est fixée à 60% de la valeur de la pleine propriété. Vous économisez donc des droits de donation sur 40% de la valeur du bien par rapport à une donation classique.
Valeur de la nue-propriété en fonction de l’âge de l’usufruitier :
Age de l’usufruitier au jour de la donation | Valeur de la nue-propriété transmise |
---|---|
Moins de 71 ans révolus | 60% |
Moins de 81 ans révolus | 70% |
Moins de 91 ans révolus | 80% |
Plus de 91 ans révolus | 90% |
⚠️ Attention : lorsqu’une donation de la nue-propriété est consentie moins de 3 ans avant le décès du donateur, celle-ci peut réintégrer la succession et être taxée sur la valeur en pleine propriété du bien au jour du décès.
3 – Faites des dons familiaux de sommes d’argent
Ce type de dons, aussi appelé « Don Sarkozy », concerne les donations de somme d’argent que vous faites à vos enfants, petits-enfants, ou arrière-petits-enfants.
✅ Sous certaines conditions, ce régime vous permet de donner jusqu’à 31 865 € sans fiscalité. Non seulement, cette exonération se renouvelle tous les 15 ans mais en plus, le don familial est cumulable avec les autres abattements liés aux liens de parenté.
On vous dit tout sur les dons familiaux de sommes d’argent ici.
4 – Donnez plus grâce aux présents d’usage
Vous pouvez réaliser des cadeaux d’usage exonérés lors d’occasions spéciales (anniversaire, mariage, Noël, etc.). Toutefois, ils doivent être proportionnés par rapport à votre patrimoine.
✅ Ils ne nécessitent pas de déclaration fiscale, et ne sont pas soumis à imposition, et ne sont pas rapportables à la succession, ce qui en fait une option attrayante pour compléter votre stratégie de transmission de patrimoine.
Astuce en bonus : au moment de la donation, les droits de mutation doivent en principe être payés par le donataire (celui qui reçoit la donation). Cependant, la loi permet de déroger à cette règle et que le donateur (celui qui donne) paie les droits. Cette action ne sera pas considérée comme une autre donation, et la somme, sortie de votre patrimoine, ne sera pas soumise aux droits de succession à votre décès.
En résumé
Bien qu’il soit préférable sur le plan fiscal de planifier votre succession le plus tôt possible afin de maximiser l’utilisation des abattements fiscaux renouvelables, il n’est jamais trop tard pour transmettre votre patrimoine, même après 70 ans.
Les diverses options de donations, y compris les assurances-vie, vous permettent d’organiser votre succession et de réduire la charge fiscale pour vos héritiers.
Attention toutefois, car les donations tardives comportent aussi des risques potentiels, comme des contestations ou des implications fiscales.
➡️ N’oubliez pas que, quel que soit le moment où vous agissez, la consultation d’un notaire vous aidera à mettre en œuvre une transmission de vos biens adaptée à votre âge et à votre situation.