Mesure emblématique du quinquennat de Nicolas Sarkozy, le bouclier fiscal visait à limiter le montant d’imposition total des contribuables. En vigueur de 2006 à 2013, il a depuis été supprimé. Toutefois, le plafonnement de l’IFI, qui a succédé à l’ISF, peut s’assimiler à un bouclier fiscal.
➡️ Que sont le bouclier fiscal et le plafonnement de l’IFI ? Comment fonctionne ce mécanisme aujourd’hui ? Quels revenus et impôts prendre en compte ? Réponses !
La France a connu plusieurs dispositifs qui protègent le contribuable (= la personne qui paie des impôts) des prélèvements fiscaux confiscatoires.
Tantôt appelé « plafonnement », tantôt appelé « bouclier fiscal », ces mesures fixent un seuil maximum au-delà duquel le contribuable ne peut plus être prélevé.
Aujourd’hui, le plafonnement s’applique uniquement à l’IFI. C’est-à-dire qu’il ne s’applique qu’aux redevables de cet et ne permet de réduire que cet impôt.
Le taux confiscatoire a été fixé à 75 % des revenus nets du contribuable. Lorsque le montant des impôts payés dépasse ce seuil, l’IFI est réduit en conséquence.
Que sont le bouclier fiscal et le plafonnement des impôts ?
Le bouclier fiscal est une mesure de plafonnement des impôts directs payés les contribuables particuliers. Le principe est le suivant : le montant des taxations que vous supportez ne peut pas excéder un certain pourcentage des revenus que vous percevez. Au-delà, la taxation est considérée comme confiscatoire. Ce pourcentage a varié depuis son instauration en 1988.
➡️ Le taux de taxation total est aujourd’hui limité à 75 % des revenus nets.
De même, les impôts pris en compte dans le calcul du bouclier fiscal a varié au cours de l’histoire. Au début, en 1988, la mesure de plafonnement ne concernait que l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Le dispositif s’est ensuite étendu à d’autres impôts et taxes. Entré en vigueur sous sa forme définitive en 2006, il connaîtra plusieurs modifications jusqu’à sa suppression par la loi de Finances pour 2011, effective en 2013.
Aujourd’hui, le bouclier fiscal prend la forme d’un plafonnement de l’IFI.
Différence entre bouclier fiscal et plafonnement des impôts
Avec le bouclier fiscal instauré en 2006, vous aviez un droit à restitution des sommes prélevées au-delà du pourcentage fixé. Ainsi, l’administration fiscale vous remboursait le trop-perçu d’impôt l’année suivante.
En revanche, le plafonnement de l’IFI ne donne lieu à aucun remboursement d’impôt. En effet, lorsque les taxes excèdent 75 % de vos revenus, le montant supérieur à ce taux vient s’imputer sur l’IFI lui-même. Si l’IFI ne suffit pas à compenser cet excédent, aucun report sur d’autres impôts n’est possible.
➡️ Le plafonnement permet donc, au maximum, de ne pas payer l’IFI.
Le plafonnement de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI)
Vous êtes redevable de l’IFI si la valeur nette de votre patrimoine immobilier excède 1,3 million d’euros. Rappelons que votre IFI porte sur les biens immobiliers et droits immobiliers que vous détenez directement ou indirectement, à l’exception de votre patrimoine immobilier professionnel.
Succédant à l’ISF en 2018, l’IFI fait l’objet d’un plafonnement.
Le taux maximum des prélèvements
Les prélèvements opérés au titre des impôts directs ne peut pas excéder 75 % de vos revenus nets perçus.
Plafonnement\ IFI = IR +PS + CEHR + IFI <\ 75\%\ des\ revenus\ nets
➡️ Si votre imposition est supérieure à 75 % de vos revenus, alors l’excédent sera déduit du montant de votre IFI.
Les impôts directs pris en compte
Vous pouvez prendre en compte les impôts payés en France et ceux dus à l’étranger.
Les impôts français pris en compte pour calculer le taux de 75 % sont :
- l’impôt sur le revenu (IRPP) de l’année précédente,
- la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) de l’année précédente
- les prélèvements sociaux (PS) de l’année précédente, y incluant la CSG, CRDS, prélèvement social, contribution additionnelle au prélèvement social, prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine et sur les produits de placement,
- l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) de l’année.
Les impositions spécifiques suivantes entrent également dans le calcul du seuil de 75 % :
- la contribution sociale libératoire sur les distributions et gains nets des parts de carried interest
- la contribution salariale assise sur les gains issus de la levée d’options sur titres (stock-options) ou de l’acquisition d’actions gratuites,
- la taxe sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d’art, de collection ou d’antiquité,
- la taxe sur les plus-values immobilières élevées,
- la taxe forfaitaire sur les cessions de terrains nus devenus constructibles (TFTC),
- la taxe sur les cessions de terrains nus rendus constructibles.
Vous ne pourrez donc pas prendre en compte les taxes foncières (y incluent la taxe foncière, la taxe sur les logements vacants) ni la TVA – qui est un impôt indirect.
A savoir : l’impôt sur le revenu à prendre en compte est celui indiqué par le fisc après application, s’il y a lieu, du plafonnement des effets du quotient familial, de la décote et des réductions et crédits d’impôt non représentatifs d’une imposition acquittée à l’étranger.
Si vous disposez de crédits d’impôt représentatifs d’une imposition acquittée à l’étranger, il faut prendre en compte le montant avant imputation de ces sommes et avant imputation des retenues non libératoires.
Les revenus pris en compte
Vous devez prendre en compte le total de vos revenus et produits perçus l’année précédente, qu’ils aient été réalisés en France ou à l’étranger. Il s’agit non seulement des revenus nets déclarés à l’IR, mais également certains revenus exonérés ainsi que, dans certains cas, ceux perçus au travers d’une holding.
Les revenus concernés sont :
- tous les revenus catégoriels nets déclarés (salaires, BIC, BNC, BA, revenus fonciers, dividendes, plus-values de cession, etc), après imputation des déficits catégoriels autorisés par l’article 156 du Code général des impôts,
- les revenus exonérés d’impôt sur le revenu (par exemple les intérêts du livret A, les plus-values exonérées par application de l’abattement pour durée de détention ou celles résultant de la clotûre du PEA après 5 ans),
- les revenus soumis à un prélèvement libératoire (auto-entrepreneur).
Les plus-values ainsi que tous les revenus sont pris en compte sans considération des exonérations, seuils, réductions et abattements prévus par le Code Général des Impôts, à l’exception de ceux représentatifs de frais professionnels.
Le dispositif anti-abus qui vise les holdings patrimoniales
Selon cette clause « anti cash-box », vous devez réintégrer dans les revenus pour le calcul du plafonnement les revenus distribués à une société passible de l’impôt sur les sociétés (IS) et que vous contrôlez.
Toutefois, cette mesure ne s’applique si l’existence de cette holding et le choix d’y recourir ont été principalement motivés par la volonté d’éluder l’impôt sur la fortune.
➡️ Il s’agit pour l’administration de reconstituer les capacités contributives réelles du la personne imposée, pour apprécier le caractère confiscatoire ou non des impositions, et l’application subséquente du plafonnement.
Concrètement, deux situations sont dans le viseur :
- la société que vous contrôlez finance, directement ou indirectement, des dépenses qui se rattachent à votre train de vie ou à la constitution de votre patrimoine (hors bien sûr du cas des rémunérations et avantages de toutes natures régulièrement soumis à l’impôt) ;
- les revenus distribués thésaurisés dans cette société servent, directement ou indirectement, de garantie financière pour vous (par exemple la garantie d’un prêt destiné à financer votre train de vie ou à vous constituer un patrimoine etc.).
Seule la part des revenus distribués à la société contrôlée par le redevable de l’IFI qui correspond à la diminution artificielle des revenus est prise en compte pour le calcul du plafonnement.
L’application du plafonnement : calcul et imputation de la réduction de l’IFI
Si le taux de prélèvement 75 % est dépassé, l’excédent constaté vient en diminution de l’IFI dû.
Si le montant de l’IFI est inférieur à l’excédent constaté, cet excédent n’est ni imputable sur d’autres impositions, ni restituable. Dans cette hypothèse, vous n’aurez simplement aucun IFI à payer.
1 : calculer le montant maximal d’imposition
Plafond\ d'imposition\ = 75\% \ des\ revenus\ nets
2 : calculer le montant total des impôts (théorique)
Total\ impôts = IR\ (N-1) + PS\ (N-1) + CEHR\ (N-1) + IFI\ N (avant\ plafonnement)
3 : calculer la différence entre les deux termes précédents
Montant\ du\ plafonnement = total\ impôts - plafond\ 75\% \ des\ revenus\ nets
4 : soustraire du montant de l’IFI la différence déterminée à l’étape précédente
Montant\ final\ IFI = IFI (avant\ plafonnement) - montant\ du\ plafonnement
Exemple chiffré
Paul et Marion sont mariés avec 3 enfants à charge. Ils disposent au 1er janvier 2023 d’un patrimoine immobilier net taxable à l’IFI de 9 000 000 €. Marion a perçu en 2022 des salaires nets de frais professionnels d’un montant de 75 000 € et Paul n’a pour sa part perçu aucun revenu.
- montant de l’impôt en 2022 : 5 144 euros,
- montant de l’IFI avant plafonnement : 84 619 €
Calcul du plafond d’imposition
Le montant total des impôts (IR + PS + CEHR + IFI) s’élève à : 5 144 + 84 619 = 89 763 €.
Le montant total des revenus s’élève à 75 000 €.
Le plafond des impôts est donc de 75 000 x 75 % = 56 250 €.
Or, le montant des impôts dus au titre de 2022 (89 763 €) est supérieur au plafond des revenus (56 250 €).
Donc, le plafonnement de l’IFI s’applique.
Calcul du plafonnement et du montant révisé de l’IFI
Tout d’abord, il faut calculer le plafonnement, qui est égal au montant total des impôts payés – le plafond de 75 % des revenus. Soit, dans notre exemple : 89 763 – 56 250 = 33 513 €.
Ensuite, pour déterminer le montant de l’IFI dû, il faut déduire du montant de l’IFI avant plafonnement le plafonnement précédemment calculé.
Ainsi, le montant de l’IFI dû est de 84 619 – 33 513 = 51 106 €.
À quoi sert le bouclier fiscal ?
Le bouclier fiscal a pour objectif la lutte contre le risque d’expatriation des contribuables les plus fortunés, en raison d’un prélèvement fiscal jugé confiscatoire. Il bénéficie donc en premier lieu aux foyers fiscaux les plus aisés, ou du moins, qui possèdent un patrimoine important. Il permettrait également aux exilés fiscaux de d’envisager un retour en France.
Selon Nicolas Sarkozy, dont le bouclier fiscal constituait une mesure phare de son quinquennat, la diminution de la pression fiscale permettrait de stimuler la croissance grâce à une consommation accrue des plus riches et un investissement plus massif dans l’appareil productif français.
Le bouclier fiscal s’inscrit donc dans le courant des économistes libéraux de l’offre, pour qui la réduction des impôts doit inciter au travail et à la création de richesses. Selon la théorie d’Arthur Laffer, pour qui « trop d’impôt tue l’impôt », l’épargne non confisquée par l’impôt génère in fine des revenus dans l’économie. Celles-ci viendront à leur tour augmenter les recettes fiscales de l’État.
Toutefois, ces mesures de plafonnement de l’impôt sont vivement critiquées.
Selon un rapport du député UMP Gilles Carrez réalisé en 2009, « le bouclier protège la fortune, à commencer par la plus grande ». Par exemple, Liliane Bettencourt aurait bénéficié d’une restitution d’impôt de 30 millions d’euros en 2007, grâce au bouclier fiscal.
Cette mesure est donc jugée injuste en ce qu’elle aurait tendance à se montrer trop généreuse pour les riches. De plus, sa complexité ne lui permettrait pas de fonctionner correctement, ni d’assurer la sécurité fiscale. Il ne semble pas non plus avoir eu d’impact concret sur l’exil fiscal.
L’historique du bouclier fiscal en France
Le plafonnement fiscal en 1988
La première version du bouclier fiscal a été votée sous le gouvernement socialiste de Michel Rocard. Elle plafonne les prélèvements au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune et de l’impôt sur le revenu à 70 % des revenus perçus. Par la suite, les prélèvements sociaux ont été ajoutés à l’assiette de calcul du bouclier fiscal (CRDS et CSG).
Sous le gouvernement d’Alain Juppé, le plafond du bouclier fiscal est rehaussé à 85 % en 1991.
Pour en savoir plus : l’assiette fiscale (définition, calcul et applications).
Instauration du bouclier fiscal en 2006
C’est le gouvernement Villepin qui instaure le principe du bouclier fiscal sur l’imposition directe en 2006. L’article 1 du Code général des impôts (CGI) dispose alors que « les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 60 % de ses revenus ».
Ce plafond porte sur l’ISF, l’IR, les impôts locaux (taxe foncière de la résidence principale et taxe d’habitation), mais exclut les cotisations sociales. En les incluant, le plafond aurait été porté à 71 % des revenus. Rappelons que l’ISF comprenait l’ensemble du patrimoine, financier et immobilier (revenus de capitaux mobiliers, dividendes, gains d’assurance vie…).
À partir de 2007, cette limitation prend la forme d’un reversement de l’excèdent d’impôt par le fisc l’année suivante.
Nicolas Sarkozy abaisse le plafonnement du bouclier fiscal à 50 % en 2007, en vertu de la loi TEPA (Loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d’achat). L’assiette du bouclier fiscal comprend l’ensemble des impôts et taxes, en incluant la CSG et la CRDS.
Le bouclier fiscal est finalement supprimé en 2011. Le gouvernement Fillon lui préfère une modification du barème de l’ISF.
La taxe sur les logements vacants, la taxe sur les ordures ménagères et la redevance audiovisuelle ne sont pas concernées par le bouclier fiscal.
Lire aussi : Quelles sont les principales niches fiscales en France ?
Tout savoir sur le plafonnement des niches fiscales
Questions fréquentes
Le bouclier fiscal fixe instaure un plafonnement des impôts directs. Jusqu’en 2013, le prélèvement opéré au titre de ces taxes directes ne pouvait pas excéder 50 % de vos revenus perçus. Aujourd’hui les prélèvements au titre de l’IR, des PS, de la CEHR et de l’IFI ne peuvent pas excéder 75 % des revenus.
Ce dispositif consiste à plafonner le montant des avantages fiscaux dont vous pouvez profiter chaque année dans le calcul de votre IR. Il s’élève à 10 000 euros par an en métropole.
Seuls les résidents fiscaux français redevables de l’IFI au 1er janvier de l’année peuvent bénéficier du plafonnement.
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