Le monde du Web3 et de la blockchain introduit une nouvelle façon d’envisager l’économie et le monde de l’entreprise. Pour les protocoles les plus connus, comme Bitcoin (BTC), cela tient en un mot : décentralisation. Cette dernière est aussi le marqueur des DAO.

En 2014, l’arrivée sur le marché de la blockchain Ethereum (ETH) est venue rebattre les cartes d’un marché uniquement accès sur la révolution monétaire. En effet, Ethereum permet d’utiliser la blockchain dans de nombreux secteurs au delà d’une utilisation purement financière, grâce à ses programmes informatiques à exécution automatisée, les smart contracts.

Ce sont ces derniers qui permettent le fonctionnement de ce que l’on appelle une Organisation Autonome Décentralisée, la DAO. Vous avez compris qu’il ne s’agit pas de la compagne d’Etienne (😅), mais alors de quoi s’agit-il ?

Qu’est-ce qu’une DAO (organisation autonome décentralisée) ?

Une définition de la DAO

DAO est l’acronyme de Decentralised Autonomous Organisation en anglais, que l’on traduit par Organisation Autonome Décentralisée. Dans cet article, par souci de facilité, nous allons principalement utiliser l’acronyme DAO.

L’univers de la crypto, et du Web3 de manière générale, regorge d’acronymes, de termes anglais et de nouveaux concepts.

Vous trouverez plusieurs définitions pour vous aider dans la section Glossaire du site de Finance Héros, ainsi que dans mon article d’introduction sur les crypto monnaies.

Une DAO est une entité, pouvant être l’équivalent d’une entreprise ou d’une association, qui fonctionne sans leader défini et de manière entièrement automatisée. La DAO est donc un peu la représentation ultime de ce que peut être le Web 3.0.

Ainsi, il n’y a pas de Conseil d’Administration centralisé puisque, grâce à la technologie blockchain, des smart contracts s’exécutent de manière automatisée, une fois qu’une ou plusieurs conditions sont remplies. L’ensemble des règles régissant la DAO et ses éventuelles transactions financières sont enregistrées, codées, dans la blockchain

En acquérant les tokens assimilés à des jetons de gouvernance, toute personne peut faire partie du « Conseil d’Administration » d’une DAO. Ainsi, certaines cryptos sont rattachées à une DAO et ont une valeur transactionnelle mais permettent aussi de voter sur certaines décisions proposées par la communauté.  

Finalement, c’est une entité qui fonctionne comme une entreprise classique, à la seule (grande) différence que la gestion est entièrement décentralisée !

The DAO : le projet raté de 2016

Les DAOs telles que nous les connaissons aujourd’hui n’existeraient pas sans le tout premier projet de la sorte. Malgré son échec cuisant, « The DAO » a instauré les prémices des DAOs que nous observons aujourd’hui.

Né en mai 2016, The DAO est l’un des premiers projets d’envergure de la nouvelle blockchain Ethereum, dont voici les principales caractéristiques :

  • Son ambition ? Devenir un fonds de capital-risque entièrement dédié à la cryptomonnaie et à tout l’écosystème (que l’on n’appelait pas encore Web3 à l’époque)
  • Son objectif ? Faire disparaître certains défauts des fonds de capital-risque classiques, à savoir des coûts élevés et un contrôle démesuré des investisseurs
  • Son fonctionnement ? Par des smart contracts et une conservation des données dans la blockchain

Très vite, The DAO suscite un enthousiasme certain et réussit à lever l’équivalent de 150 millions de dollars (12,7 millions d’ETH, à une époque où l’ETH ne valait alors qu’un peu plus de 10$ 🙄). La suite aurait dû fonctionner comme un fonds de Venture Capital (capital-risque), sauf que chacun peut présenter son projet et la gouvernance décide d’accorder ou non les fonds. Objectivement, c’était une belle idée.

Et puis patatras… Le mois suivant, un hacker a découvert une faille de sécurité, permettant l’exécution multiple d’un smart contract. Il a réussi à détourner environ 70 millions de dollars. Autant dire que le projet est mort aussi vite qu’il est apparu. Malheureusement ça n’était ni la première ni la dernière fois qu’un hack mettait à terre une innovation du web3… 

La DAO, un projet de retour en grâce

Le piratage de The DAO a eu une double conséquence. 

La première conséquence fut pour Ethereum directement. En effet, bien que le protocole n’ait pas été directement touché, un vote a décidé d’un hard fork (une scission) entre la blockchain initiale et la « nouvelle » blockchain, pour effacer les transactions frauduleuses liées à The DAO. Certains développeurs, puristes de la décentralisation, n’étant pas d’accord, ils ont continué à utiliser la blockchain initiale contenant les transactions malveillantes de The DAO et connue sous le nom d’Ethereum Classic (ETC).

La seconde conséquence concerne bien entendu les DAOs. Pendant quelques années, vous n’en avez plus entendu parler, car il n’y avait plus de projet de la sorte. Aujourd’hui, avec le développement du Web3, elles font leur retour en grâce, et l’impact de l’échec de The DAO est toujours présent par le biais de certaines améliorations.

Tout d’abord, la sécurisation des blockchains est devenue la priorité numéro 1 pour beaucoup et l’écriture d’un code sans faille vue comme primordiale. Ensuite, la SEC (Securities and Exchange Commission), un régulateur financier américain, n’a pas aimé cette histoire. Il a décidé, en résumé, d’assimiler la DAO à une entreprise. Ainsi, tout financement devrait respecter certaines règles, comme pour les actions traditionnelles. Cela fait encore l’objet de nombreux débats.

Aujourd’hui, les DAO les plus connues, comme Uniswap (UNI) ou Maker (MKR), se sont efforcés de respecter ces deux principes. Et de nombreux nouveaux projets sont en cours de développement, comme Aragon (ANT).

Comment fonctionne une DAO (Organisation autonome décentralisée) ?

Ethereum (ETH), une blockchain d’infrastructure pour les DAO

Si vous avez lu quelques uns de mes articles déjà, vous avez compris qu’il existe une différence entre les protocoles Bitcoin et Ethereum. Le premier est fermé et accès sur la création et l’utilisation d’une cryptomonnaie. Le second est ouvert et accès sur la création d’applications décentralisées (dApp).

Ethereum est donc l’infrastructure idoine pour y créer des DAOs. En effet, le fait que le protocole soit distribué et désormais bien établi permet de lui accorder plus de confiance qu’à d’autres, plus récents. Par ailleurs, la communauté Ethereum est l’une des plus collaboratives qui soit, avec de réelles perspectives d’amélioration.

Mais ce qui fait la principale force du protocole Ethereum, ce sont avant tout les smart contracts.

Aujourd’hui, les DAO sont quasi exclusivement construites sur le protocole Ethereum (ETH). À l’avenir, on estime cependant que d’autres pourraient proposer cette fonctionnalité.

Les smarts contracts, des outils essentiels au fonctionnement d’une DAO

Sans ces programmes informatiques conditionnels et à exécution automatisée, il n’y aurait tout simplement pas de DAO. Ils sont ceux qui permettent la décentralisation des DAOs et l’absence d’intervention humaine. Pour le fonctionnement bien sûr. Il faut bien que quelqu’un écrive les lignes de code servant à concevoir la DAO !

Une fois que les smart contracts sont déployés, ils ne peuvent plus être modifiés, même par leur créateur. Ainsi, les règles doivent être clairement définies à l’origine, car il ne sera plus possible de les modifier par la suite. Sauf évidemment s’il y a vote majoritaire de la communauté demandant à remplacer une de ces règles.

Ensuite, les smart contracts peuvent recevoir et envoyer des fonds, dont les transactions sont validées par le réseau de participants et donc sans tiers de confiance. En résumé, l’un des principes fondateurs de la blockchain. Cela signifie qu’aucun groupe ou personne n’est désigné pour gérer les fonds de la DAO.

Enfin, l’exécution des smart contracts peut être entièrement automatisée, dès lors que la condition nécesseraire est remplie. Par exemple, si vous faites une nouvelle proposition et que le programme précise qu’elle doit être mise en pratique si elle dépasse 80 % de votes en sa faveur, le smart contract s’exécute immédiatement dès lors que le seuil de vote positifs est dépassé, sans avoir besoin de faire quoi que ce soit.

La décentralisation et l’autonomie, caractéristiques principales d’une DAO

Vous avez déjà rencontré ces deux termes dans cet article et les avez sans doute bien compris. 

La décentralisation, c’est la gestion non centralisée de la DAO. Il n’y a pas de locaux ou de bureaux où le « Conseil d’Administration » se retrouve, et pas de siège social. Tout s’effectue en ligne et toutes les personnes possédant des jetons de gouvernance peuvent décider d’un changement de protocole.

Vous pouvez ainsi faire des propositions d’amélioration dudit protocole, des demandes de nouvelles fonctionnalités ou au contraire le retrait d’une, etc. Et vous pouvez également participer aux votes.

Quant à l’autonomie, c’est tout simplement l’exécution automatisée des smarts contracts qui le permet.

Pourriez-vous gagner de l’argent avec une DAO ?

Les Organisations Autonomes Décentralisées peuvent-elles faire des bénéfices ?

Il faut différencier la DAO en elle-même des titulaires des tokens assimilés à des jetons de gouvernance.

En théorie, à moins que cela soit prévu par les smart contracts et le fonctionnement de départ, la DAO n’a pas vocation à faire de bénéfices. En effet, elle se borne à fixer les règles de gouvernance d’un protocole donné. Généralement, c’est la levée de fonds de départ (ICO), si elle a lieu, qui permet, en quelque sorte, de financer la DAO. 

Cependant, il est possible de prévoir la distribution des bénéfices préalablement définis aux titulaires des jetons de gouvernance, en proportion du nombre de tokens qu’ils possèdent.

En outre, le bénéfice de l’investisseur est distinct du bénéfice de la DAO.

Peut-on investir dans une DAO ?

Vous pouvez tout à fait devenir investisseur dans une DAO et cela peut est aussi simple que d’acheter des cryptomonnaies ! Vous pouvez en effet vous rendre sur une plateforme d’échange de crypto monnaies et acheter les tokens d’une DAO, comme l’UNI d’Uniswap ou le MKR de Maker cités précedemment.

Mais ça, c’est uniquement possible pour les DAO connues ou déjà lancées. Pour les nouveaux projets ou ceux moins connus, il faudra vous rendre directement sur leur site. Une fois que vous avez vérifié la véracité et le sérieux du projet, vous pouvez obtenir les jetons de la DAO en échange ou non de tokens du protocole utilisé (ETH pour Ethereum par exemple).

Si les jetons que vous avez achetés ou obtenus prennent de la valeur et que vous les vendez, vous aurez fait un bénéfice. Comme indiqué plus haut, vous pourriez également prétendre à une fraction des “dividendes” s’il y en a qui sont distribués.

Avantages et limites des organisations autonomes décentralisées

Les avantages des DAO

✅ Bien entendu, vous aurez deviné que l’autonomie de la structure est l’avantage principal d’une DAO. Cela facilite grandement le processus et évite les frictions inutiles. Comme corollaire, la DAO est neutre, car l’exécution est automatisée par les smart contracts.

✅ Par ailleurs, comme tout est inscrit sur la blockchain, une DAO est transparente et publique. Tout le monde peut consulter les décisions prises et les transactions effectuées par les smart contracts.

✅ Enfin, une DAO est ouverte à tous et il n’y a pas de discrimination à l’entrée pour les personnes souhaitant faire partie de l’aventure.

Les limites des DAO

Bien qu’il soit contraire à un principe fondateur de la blockchain, il est possible d’arriver à une certaine concentration des votes, si une poignée de personnes en acquiert la majorité. En d’autres termes, c’est une potentielle centralisation, alors qu’une DAO est censée être décentralisée.

Aussi le temps de validation des transactions peut être important si le protocole est saturé.

Pour continuons, rappelons que des incertitudes réglementaires persistent à propos des DAOs. Comme pour les crypto monnaies dans leur ensemble…

⚠️ Mais, selon nous, le principal inconvénient, c’est le potentiel manque de sécurité. Il est important de s’assurer en amont que le protocole est sécurisé comme il se doit pour éviter toute intrusion non souhaitée. Comme pour The DAO. Si vous n’êtes pas experts, allez vérifier sur des forums crypto ou mettez vous en quête de documents d’audit s’ils existent.

Les organisations autonomes décentralisées ont-elles réellement une utilité ?

Après lecture de cet article, vous avez peut-être un avis positif ou négatif sur la DAO. De prime abord l’utilité peut paraître limitée pour certains. Surtout si vous n’avez pas un penchant naturel pour tout ce qui est défense des libertés, avec des convictions de l’ordre du philosophique parfois. Cependant, cette limite est aussi causée par le manque de concret de l’écosystème Web3 qui met du temps à percer.

Si le Web3 décentralisé prend la place qui lui est promise, les DAOs ne seront pas seulement utiles, elles seront des éléments structurants de l’ensemble de l’écosystème. En effet, il est impossible qu’il y ait un protocole de DeFi (finance décentralisée) sans une DAO pour le gouverner.

Les DAO deviendront donc la norme du Web3 décentralisé.

Conclusion : une démocratisation liée à l’avenir du Web3

Au risque de nous répéter, l’avenir de la DAO dépend de celui du Web3. Nous voyons en effet difficillement une utilité aux DAOs sans un Web3 décentralisé et démocratisé.

En revanche, il est de mon avis nécessaire de faire attention à la sécurisation des protocoles, qui devrait être la priorité numéro 1. Or, il y a encore trop de piratages dans le secteur et les DAOs font partie des plus zones les plus vulnérables. Si la sécurité est au rendez-vous et que le Web3 se démocratise, alors les DAOs deviendront un pan important de l’économie. Vous aurez donc bien fait de commencer à investir dans l’une d’entre elles, en faisant bien entendu les recherches nécessaires en amont 😉.