1929, 1987, 2000, 2008, 2020… chacune de ces années est marquée par une brutale correction du prix des actifs sur les marchés boursiers. Ils font partie des principaux krachs boursiers : situation dans laquelle on observe une baisse généralisée et significative du prix des actifs sur un ensemble de marchés.
Il n’existe pas vraiment de seuil objectif pour déterminer à partir de quel pourcentage de baisse on peut qualifier celle-ci de crash. Mais les données empiriques nous conduisent à évoquer des corrections d’au moins 20% des principaux indices boursiers.
Un krach boursier peut être plus ou moins durable, et plus ou moins localisé. Les plus petits ne concernent que certains secteurs économiques d’un seul pays, tandis que les plus grands krachs boursiers entraînent des répercussions à travers le monde entier, et sur la quasi-totalité des marchés (actions, obligations, immobilier).
Les multiples causes des krachs boursiers
Les mécanismes de formation des bulles
En termes de comportement économique, tout repose toujours sur la confiance. D’après JM. Keynes, célèbre économiste, le prix d’un actif boursier dépend non de ses qualités intrinsèques, mais obéit à une forme de « concours de beauté ». Dans celui-ci, chaque agent essaie de deviner « quelle est la miss préférée des autres membres du jury ».
Il faut ainsi distinguer deux valeurs :
- La valeur intrinsèque d’un actif, ou valeur fondamentale, que l’on peut approcher en calculant la somme des flux de revenus actualisés que cet actif va générer dans le futur pour son propriétaire
- La valeur de marché, donc son prix fixé par l’offre et la demande, qui représente la somme monétaire que quelqu’un doit effectivement dépenser pour acquérir l’actif sur le marché
Lorsque les marchés fonctionnent de manière rationnelle, les deux valeurs doivent normalement converger. Mais évidemment, entre la théorie et la pratique, il y a un monde. Et il arrive dans les faits qu’une déconnexion se produise entre la valeur intrinsèque et la valeur de marché. Dans le cas de la formation d’une bulle, la valeur de marché augmente jusqu’à être sensiblement plus élevée que la valeur intrinsèque. C’est de cette manière que l’on peut repérer l’émergence d’une bulle spéculative. Dis autrement : c’est lorsque les prix commencent à être franchement déconnectés de la réalité.
Comme l’illustre le graphique ci-dessous, le Nasdaq s’est emballé à la fin des années 1990, survalorisant des entreprises en lien avec internet, pas toujours rentables et encore peu matures. Bulle qui éclata tout aussi vite qu’elle s’est construite.
L’économiste Minsky utilise l’expression de « paradoxe de la tranquillité ». Un crash boursier ne peut survenir qu’après une période suffisamment longue de bons résultats économiques durant laquelle les actionnaires s’enrichissent. Cet enrichissement favorise l’entrée sur le marché de nouveaux acteurs, attirés par la perspective de rendement positif.
D’après Minsky, les banques constituent des acteurs importants dans l’alimentation du phénomène en poussant les ménages et les entreprises à s’endetter sans cesse davantage pour accroître leurs bénéfices. Cette augmentation généralisée du risque (l’endettement c’est du risque) repose sur l’idée fausse que la croissance perdurerait toujours.
Nous avons expliqué dans notre article sur les cycles économiques comment cet économiste distingue 3 catégories d'emprunteurs. La bulle spéculative est nourrie tant qu’il existe un vivier d'emprunteurs potentiels qui décide de franchir le pas, et de se mettre à leur tour à acquérir des actifs.
Lorsque le vivier est épuisé, la source principale du carburant de la bulle se tarit et le prix des actifs cesse de monter. Des opérateurs de marché effectuent alors une « prise de bénéfice ». Si une proportion trop élevée d’investisseurs réagit de la même manière en même temps, le prix des actifs commence à chuter.
D’autres acteurs perdent alors confiance, ce qui les pousse à se retirer en espérant limiter leurs pertes. La chute accélère et peut se transformer très rapidement en panique qui entraîne une correction brutale des cours. Dans le pire des cas, les institutions financières et des ménages peuvent se retrouver en situation de surendettement menant tout droit à la faillite.
La chute du faucon noir
Chaque krach est différent des autres par son ampleur, par les acteurs concernés et par les causes précises qui l’ont engendré. On observe cependant que la chute débute le plus souvent par l’effondrement d’un acteur majeur du marché, dont la solidité n’était pas remise en cause quelques jours encore avant la publication d’informations remettant en cause la poursuite de ses activités.
Nous prendrons deux exemples distincts afin d’illustrer notre propos.
En mars 2007, alors que les taux de défaut sur les emprunts immobiliers américains commencent à dépasser des seuils d’alerte, le PDG de la banque Lehman Brothers déclare en substance dans son rapport trimestriel que « les risques relatifs aux défauts de remboursement des crédits immobiliers sont sous contrôle et n’auront que peu d’impact sur la rentabilité du groupe ». En juillet 2008, Lehman Brothers est en situation de faillite, les marchés paniquent et la crise des subprimes devient mondiale.
Le 7 novembre 2022, la plateforme d’échange de crypto monnaies Binance annonce vouloir revendre l’intégralité de ses actifs détenus auprès de la plateforme FTX. En une semaine, la valeur de la société FTX passe de plusieurs dizaines de milliards de dollars, à virtuellement zéro. Et elle entraîne dans son sillage la chute plusieurs acteurs de la sphère crypto. La capitalisation boursière des cryptomonnaies, déjà entamée malmenée depuis mai 2022 avec le scandale Terra (LUNA), chute encore de plus de 30% en novembre 2022.
Les principaux krachs boursiers de l’histoire
Passons maintenant en revue les principaux krachs boursiers, en donnant leurs principales caractéristiques.
Le premier krach boursier moderne : la crise des tulipes (1636 – 1637)
S’il ne s’agit pas d’un krach purement boursier, la crise des tulipes est généralement considérée comme la première crise spéculative moderne. Celle-ci se développe très progressivement tout au long du XVIème siècle. Celui-ci connaît un engouement des Pays-Bas pour les bulbes de tulipes, qui remplacent progressivement les lys et les roses comme éléments recherchés de décoration.
Étant donné les caractéristiques propres à la germination des tulipes, les bulbes voient leur prix négocié plusieurs mois avant la floraison. Ceci stimule le développement de produits financiers tels que des contrats à terme, encore utilisés aujourd’hui, et nés dans le secteur agricole.
Un contrat à terme constitue un engagement d’acheter (pour l’acheteur), de vendre (pour le vendeur) un actif sous-jacent à un prix fixé dès aujourd’hui, mais pour une livraison de l’actif, et un règlement à une date future.
En 1634, l’engouement de la cours française pour les tulipes conduit à une nette augmentation des prix, qui attire les spéculateurs. L’espoir de rendements élevés attire de nouvelles générations de spéculateurs, peu intéressés par les tulipes mais convaincus de pouvoir réaliser de belles marges en vendant des bulbes plus chers qu’ils ne les achètent.
La flambée des prix débute en novembre 1636, au point que le prix moyen des bulbes double en 3 mois. Puis le marché se retourne en février 1637, lorsque le marché est à court de nouveaux acteurs. Le prix des tulipes revient à la normale en mai 1637, en ayant entre les deux périodes ruiné de nombreux spéculateurs qui s’étaient endettés pour acquérir des bulbes ayant perdu l’essentiel de leur valeur.
La plus grave crise économique et financière : la crise de 1929
La décennie 1920 marque aux Etats-Unis une période de bonnes récoltes durant laquelle l’économie américaine connaît des taux de croissance plus élevés que la décennie précédente.
En parallèle se met en place, à partir de 1926, le système des call loans. Concrètement, un investisseur peut acquérir des titres en jouant jusqu’à dix fois ses fonds propres : l’effet de levier est considérable. Cela permet à des spéculateurs avisés de doubler leur mise si les titres ne prennent que 10% de valeur. Inversement, ceux-ci perdent l’intégralité des gains si les titres perdent 10%. Au-delà, l’investisseur doit trouver de nouveaux fonds pour couvrir sa position. Ce système alimente une croissance des indices boursiers déjà orientés à la hausse depuis le début de la décennie 1920.
Cette augmentation finit par déconnecter la valeur des actions de leur valeur intrinsèque. Le rythme de progression des valeurs boursières excède sensiblement celui des profits. Mais l’endettement sans cesse supérieur des investisseurs nourrit la bulle.
Dès le début 1929, un ralentissement économique provoque des comportements attentistes. Les spéculateurs attendent de connaître l’évolution des secteurs économiques industriels (automobile, transport, sidérurgie, etc.) avant de prendre de nouvelles positions.
A la mi-octobre (18,19 et 23), des ventes massives ont lieu car les indices de baisse des taux de profit se multiplient. La chute des cours entraîne un début de panique, qui conduit les jeudi 24 octobre et les lundi 28 octobre à une brutale correction des cours (environ 30% de baisse en trois jours). La chute totale atteindra près de 40%.
Ce qui distingue cette crise spéculative, au-delà de l’ampleur et de la rapidité de la chute, est sa rapide contagion à la sphère réelle, du fait de la faillite de nombreux acteurs de marché, dont les pertes excèdent largement leurs capacités de remboursement. La réaction de la Banque Centrale et des banques commerciales, qui opèrent un resserrement strict des conditions de crédit, pénalise fortement l’investissement et la consommation. Cela plonge l’économie américaine, et occidentale de manière plus large, dans une récession dont elle mettra plusieurs années à se remettre.
Le dernier krach boursier majeur en date : la crise de 2008
Comme pour chaque krach, les causes sont multiples et une seule ne suffit pas à expliquer la complexité des mécanismes en jeu. Résumons en expliquant qu’à partir des années 1990, le gouvernement américain souhaite favoriser l’accès des ménages peu favorisés à la propriété foncière.
Pour soutenir ces ménages le gouvernement incite deux institutions d’assurance, Freddie Mac et Fannie Mae, à garantir largement les prêts hypothécaires émis par les banques commerciales. En 1995 sont émis les premiers subprimes. Il s’agit de prêts hypothécaires qui permettent aux ménages de bénéficier pendant plusieurs années de faibles mensualités, avant que celles-ci n’augmentent. Le mécanisme prévoit que les ménages ne pouvant faire face à cette hausse puissent alors se réendetter en fonction de l’augmentation de la valeur de leur bien immobilier. Ce système semble fonctionner jusqu’en 2006, car il repose sur une augmentation rapide des prix de l’immobilier, qu’il contribue à alimenter.
En 2006, les taux de défauts des ménages commencent à dépasser des seuils de soutenabilité pour les institutions les plus exposées. La crise couve jusqu’à l’été 2007, ou des alertes sont émises pour Bear Stearns (une grande banque américaine à l’époque). L’éclatement intervient en juillet 2008, lorsque la banque Lehman Brothers se déclare en faillite. Un coup de massue suit : le gouvernement américain déclare qu’il n’interviendra pas pour la soutenir.
La panique qui suit provoque une brusque chute des cours boursiers, ainsi qu’un credit crunch, c’est-à-dire que les banques commerciales, effrayées par l’ampleur des pertes potentielles, gèlent leurs crédits non seulement aux ménages et aux entreprises, mais arrêtent également de participer au crédit interbancaire, ce qui met tout le système financier en péril.
La crise se propage alors à l’économie réelle. Si elle sera financièrement résorbée pour les banques en 2010, grâce à une intervention massive des banques centrales, l’endettement consécutif des Etats, dont beaucoup ont dû en partie recapitaliser leurs banques et assumer les conséquences économiques et sociales de la crise, voient leurs finances publiques se dégrader fortement.
Pourquoi certains krachs restent confinés ?
À la différence de la crise de 2008, les crises boursières de 2001 et des cryptomonnaies en 2022 n’ont pas entraîné de contagion à l’économie réelle. Plusieurs raisons peuvent être avancées.
D’une part, les crises de 2001 et 2022 trouvent leur origine dans la sphère financière et non dans la sphère réelle. L’effondrement des valeurs « internet » en 2001 a essentiellement concerné des acteurs de la sphère financière, sans que cela ne concerne la sphère réelle des biens et services quotidiens, qui représentent une part importante de l’économie.
D’autre part, l’ampleur du krach a été limitée. Pour les deux exemples cités, l’ampleur des pertes subies par les acteurs est sans commune mesure avec celles des marchés et des ménages en 2007/2008. La crise des subprimes, dont l’origine se trouve dans la bulle spéculative immobilière américaine, s’est soldée par des pertes de plusieurs centaines de milliards de dollars à travers le monde, ce qui a contraint de nombreux ménages et entreprises à réduire leurs dépenses. La contraction du PIB qui s’en est suivie a impacté la plupart des économies développées pendant près d’une décennie.
Le rebond après un krach boursier, source d’opportunités
En grec ancien, « crisis » signifie « changement ». Tout changement est source d’opportunités. Les vents de panique qui caractérisent les krachs boursiers impliquent généralement un surajustement à la baisse de nombreuses valeurs dont les fondamentaux restent solides. Ces corrections se concluent tôt ou tard par un rebond, car la valeur de l’actif doit rejoindre sa valeur intrinsèque de long terme.
Vous pouvez alors analyser des indicateurs classiques comme le Price Earning Ratio (PER) afin de vous aider à déterminer les meilleures opportunités pour surfer sur la vague de rebond. Jusqu’au prochain krach !
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