Dans l’imaginaire collectif, l’investissement en bourse s’assimile souvent à la spéculation boursière. Bien que ce ne soit pas la seule manière d’investir en bourse, la spéculation boursière paraît attrayante en raison des profits élevés qu’elle fait miroiter aux épargnants, le plus souvent à court terme et sans effort.

Mais, qu’en est-il en réalité ? La spéculation en bourse est-elle une bonne approche pour faire fructifier votre épargne ? Quelle est l’utilité sociale d’une telle pratique ?

Qu’est-ce que la spéculation boursière ? Définition

La spéculation boursière est une activité financière consistant à passer des ordres en bourse en vue de réaliser une plus-value, généralement à court terme, sur la variation de prix d’un actif.

En d’autres termes, la spéculation en bourse consiste généralement à acheter un actif à un prix donné pour le revendre plus cher. Mais, avec le développement des produits dérivés, il est possible de parier aussi sur la baisse des actifs (vente à découvert) ou sur la réalisation d’un événement particulier (défaut de paiement d’un débiteur avec un CDS par exemple).

Quelles sont les caractéristiques d’une activité spéculative en bourse ?

La spéculation boursière implique généralement :

  • des arbitrages à court terme, voire très court terme (daily trading) pour profiter de la volatilité des marchés ;
  • une préférence pour l’utilisation de produits dérivés notamment pour obtenir un effet de levier et multiplier les opportunités de marché ; 
  • une multiplicité d’ordres d’achat et de vente.

L’anticipation des variations de marchés pour spéculer

Pour gagner de l’argent, le spéculateur cherche à anticiper les variations de marché ou la réalisation d’événements spécifiques. Dans un monde où il disposerait d’une information parfaite, il serait capable d’associer une probabilité de réalisation d’un événement avec un gain, lui permettant ainsi de réaliser un profit sur un ensemble d’opérations (espérance de gain positive).

Toutefois, l’évolution des cours de marché et des événements qui l’affecte est incertaine par nature (voire totalement aléatoire selon certaines écoles de pensée économique). Pour tenter de maîtriser la prise de risque et d’anticiper les évolutions, les spéculateurs utilisent alors différentes stratégies :

  • L’analyse graphique ou analyse technique : Cette méthode consiste à analyser les cours d’un actif pour en déduire les tendances futures grâce à des outils statistiques (moyennes mobiles, lignes de résistance…) ;
  • La stratégie algorithmique ou quantitative : Il s’agit d’une stratégie consistant à déléguer la prise de décision à un algorithme basé sur un modèle mathématique développé dans le but de repérer les opportunités de marché et de passer les ordres adéquats. Le but est généralement de gagner du temps dans le traitement des informations disponibles afin de prendre des décisions plus rapidement que les autres acteurs du marché (high frequency trading par exemple). 
  • L’analyse macroéconomique ou l’analyse fondamentale : Elle consiste à analyser l’environnement économique d’un actif et de ses sous-jacents pour en déduire son évolution future. Si les perspectives sont bonnes et les événements favorables, il est probable que l’actif se valorise.

Quelle est la différence entre la spéculation et l’investissement ?

On oppose souvent la spéculation boursière à l’investissement en raison de leurs finalités respectives :

  • L’investissement consiste à allouer des capitaux aux agents économiques en vue de développer l’appareil productif et de capter une partie de cette production ;
  • La spéculation boursière consiste à réaliser des opérations d’achat et de vente d’actifs financiers en vue de réaliser un profit sur les variations de prix, généralement à court terme.

En réalité, la frontière entre spéculation et investissement est parfois très ténue : 

  • acheter des actions sur le marché secondaire dans une optique de long terme peut être considéré comme de la spéculation dans la mesure où il n’y a pas accroissement de l’appareil productif (les actions ont déjà été émises par l’entreprise),
  • mais, la variation à la hausse de la valeur des actions grâce aux investisseurs long terme d’une entreprise peut lui permettre de lever plus de capitaux lors d’une émission de nouvelles actions sur le marché primaire.

Lire aussi : Comprendre le marché primaire et secondaire

De plus, la spéculation et l’investissement sont souvent les deux revers d’une même médaille. Ce sont deux concepts interdépendants qui se nourrissent l’un et l’autre :

  • la spéculation permet d’assurer une contrepartie au risque des agents économiques et de permettre aux investisseurs de liquider leur investissement en cas de besoin (et donc de viabiliser les actes d’investissement en amont) ;
  • l’investissement permet de développer l’appareil productif et de générer des rendements, source de motivation pour les spéculateurs. 

Comment spéculer sur les marchés financiers en tant que particulier ?

Si vous êtes un particulier souhaitant vous lancer dans de la spéculation boursière, vous pouvez utiliser au choix :

Les plateformes de trading

Elles permettent aux particuliers de spéculer sur tout type d’actifs avec des produits dérivés, souvent assorti d’un effet levier (CFD ou options binaires, généralement). Autrement dit, quand vous pariez sur la hausse ou la baisse d’une action, vous n’achetez pas véritablement l’action, mais un produit dérivé dont la valeur est indexée sur le cours de l’action. 

Ces plateformes sont souvent dédiées à la spéculation et offrent une interface utilisateur adaptée à cette pratique : graphiques éditoriaux (pour réaliser une analyse technique), cours de marché en temps réel, carnets d’ordres simplifiés…

La spéculation avec un compte titre (CTO)

Le CTO permet de faire de la spéculation grâce au large panel de produits financiers proposés, mais souvent plus coûteux que les plateformes (en raison de la commission sur les opérations réalisées).

Souvent proposé par les banques via leur interface bancaire, le CTO propose rarement une interface utilisateur adaptée à la spéculation boursière à très court terme (daily trading).

Ceci dit, contrairement aux plateformes de trading, vous n’êtes pas contraint de réaliser des opérations avec des produits dérivés, vous pouvez acheter de véritables actions, obligations, etc.

L’utilisation de l’effet levier pour démultiplier la volatilité

Dès lors que vous souhaitez profiter de la volatilité à très court terme des marchés et générer des profits suffisants, l’effet levier est une option à considérer.

Souvent proposé par les plateformes de trading de CFD, l’effet levier permet de démultiplier vos gains, mais aussi vos pertes. Par exemple, avec un effet levier de 100, vous multipliez vos gains et vos pertes par 100. Il s’agit en quelque sorte d’un crédit pour investir plus que votre mise initiale.

Les conseils d’Antoine : L’effet levier est une pratique particulièrement risquée puisque vous misez de l’argent que vous n’avez pas. En cas d’évolution trop rapide des cours à la baisse (ou à la hausse selon votre position), vous pouvez vous retrouver à perdre plus que ce que vous aviez initialement investi. L’effet levier peut donc conduire au surendettement.

Est-ce rentable de spéculer en bourse quand on est particulier ?

La stratégie consistant à acheter des produits pour les revendre à court terme dans le but d’en tirer des profits est une opération particulièrement risquée pour les particuliers pour un rendement plus qu’incertain au regard du temps passé. Si certains spéculateurs arrivent à dégager des profits, cette stratégie se heurte néanmoins à des difficultés qui la rendent a priori peu viable par rapport à d’autres approches plus raisonnables telles que le lazy investing ou l’investissement à long terme.

La théorie des marchés efficients

La spéculation à court terme sur les marchés boursiers s’inscrit en opposition avec la théorie des marchés efficients développés initialement par Eugène Fama, de plus en plus admise dans le domaine financier.

Démontrée empiriquement, cette théorie sous-entend que la valeur d’un actif à un instant T est le reflet de toutes les informations disponibles sur le marché de sorte qu’elle est égale à sa valeur réelle. Autrement dit, il serait impossible de battre le marché, c’est-à-dire acheter un actif en dessous de sa valeur réelle pour tirer un profit de sa différence avec sa valeur de marché. Les gains issus de la spéculation seraient alors uniquement dus au hasard. 

Pour aller plus loin, le fait de gagner de l’argent en spéculant serait finalement le fruit d’un hasard qui trouverait a posteriori une justification rationnelle par l’effet des biais cognitifs auxquels sont soumis les spéculateurs (principalement le biais de confirmation et le biais rétrospectif).

Même si dans la pratique il existe des anomalies de marché, il n’en demeure pas moins que les particuliers ne se battent pas à armes égales avec les professionnels. Ils ne disposent pas du même niveau d’information, de la même rapidité d’exécution des ordres et surtout des moyens techniques adéquats pour exploiter correctement ces failles (trading haute fréquence par exemple).

L’étude de l’AMF sur les CFD

En 2014, l’AMF a publié une étude sur les résultats des investisseurs particuliers en CFD et en Forex. Il s’agit des principaux produits proposés par les plateformes de trading à destination des particuliers, permettant de parier à la hausse ou à la baisse sur un actif sous-jacent spécifique.

Les résultats de cette étude sont éloquents :

  • 89 % des clients de ces plateformes sont perdants ;
  • le résultat moyen par client est négatif de 10 887 € ;
  • un résultat médian négatif de 1 843 € (50 % des clients ont donc perdu plus que cette somme) ;
  • un résultat total négatif de 161 115 493 € (jusque 2014).

Quand on sait que sur cette même période (4 ans) l’indice MSCI world a quasiment doublé de valorisation, les spéculateurs visés par l’étude sont en total contre performance avec l’évolution des marchés.

Le ratio temps rentabilité / temps passé

L’autre problème notable de la spéculation boursière est le temps passé à rechercher des opportunités et à passer des ordres. En effet, spéculer implique d’analyser en permanence les marchés et de digérer des informations pour prendre les meilleures décisions. Il s’agit donc d’un travail qui doit trouver sa rémunération dans les profits dégagés.

Quand bien même vous arriverez à réaliser des profits, il faudrait les rapporter au temps passé pour les réaliser et ainsi établir un gain horaire.

Sauf à réaliser des profits importants en raison du volume d’épargne investie (ou de gains faramineux grâce à l’effet de levier), il est fort probable que ce gain ne soit pas à la hauteur du temps passé.

La spéculation est-elle nocive pour la société ?

La spéculation est depuis toujours décriée, voire condamnée par la morale (religieuse notamment). La question est donc de savoir pourquoi existe-t-elle encore aujourd’hui et pourquoi est-elle toujours permise. En réalité, comme nous l’avons vu, elle est un élément essentiel à l’écosystème financier et économique. Une sorte de mal utile et nécessaire à bien des égards, mais parfois avec des conséquences regrettables. 

Les points positifs de la spéculation boursière : 

  • les spéculateurs assurent une contrepartie aux agents économiques souhaitant se couvrir contre un risque spécifique (risque de change, risque de défaut de paiement…) ;
  • la spéculation permet d’accroître la liquidité sur les marchés et donc de viabiliser les investissements ;
  • les spéculateurs contribuent à l’efficience des marchés et à la découverte du prix. La vente à découvert, par exemple, peut permettre de rétablir un prix plus juste (plus bas) sur un actif donné.

Les points négatifs de la spéculation boursière :

  • elle peut créer de la volatilité sur les marchés pouvant dans certains cas aboutir à des bulles spéculatives, et in fine à des krachs boursiers ;
  • les anticipations des spéculateurs peuvent contribuer à accroître le prix de certaines matières premières sans raisons objectives ;
  • elle peut être liée à des manipulations de marché ;
  • elle peut être jugée comme “immorale” dans la mesure où elle est considérée comme une activité non productive pouvant avoir des conséquences négatives sur l’économie réelle.

Ainsi, il existe de nombreux exemples de bulles spéculatives dans l’histoire générées par des phénomènes spéculatifs. La plus connue est certainement celle de la tulipomanie au 17e siècle où l’intérêt croissant des spéculateurs pour le bulbe de tulipe s’est traduit par une forte hausse des cours, attirant de nouveaux spéculateurs jusqu’au krach.

Ces mêmes phénomènes se sont répétés sur d’autres classes d’actif avec par exemple la crise de 29, mais aussi en 2008 avec les crédits hypothécaires (subprimes) aux États-Unis. L’éclatement de ces bulles a entraîné un phénomène de contagion dans l’économie réelle se traduisant notamment par un désinvestissement massif, une forte hausse du chômage et un accroissement brutal de la pauvreté. 

FAQ :

Pourquoi l’investissement à long terme est plus adapté aux épargnants que la spéculation boursière ?

L’investissement à long terme propose un couple rentabilité / risque plus intéressant que la spéculation à court terme pour plusieurs raisons :

  • les marchés sont jusqu’alors haussiers sur le temps long ;
  • il est moins chronophage de gérer une épargne investie à long terme ;
  • prise de risque limitée grâce à la neutralisation des effets de volatilité des marchés ;
  • les contrats d’investissement sont plus adaptés, intuitifs et proposent souvent des avantages fiscaux (assurance vie, PEA, PER…).

Sur quels actifs est-il possible de spéculer en bourse ?

Il est possible de spéculer sur toutes les classes d’actifs : actions, obligations, devises, produits dérivés (contrat à terme sur les commodities, options binaires, CFD…). Les particuliers utilisant des plateformes de trading vont généralement se concentrer sur des CFD pour parier sur une large variété de sous-jacents (actions, obligations, devises…).